mercredi 17 décembre 2008

Samuraï: La voie du désespoir



" Le vrai courage consiste à vivre quand il est juste de vivre, à mourir quand il est juste de mourir "

Autant dans la chevalerie occidentale que chez les samouraïs, l’art du combat se voulait intimement lié au développement spirituel, à une maîtrise parfaite de ses peurs et de ses émotions. C’était à cette maîtrise de son âme et de ses instincts que le combattant devait non seulement sa victoire, mais aussi sa réussite personnelle et sociale.

La voie extérieure :

C’est au 17e siècle que le samouraï Taïra Shigésuké a rédigé un code d’honneur du samouraï comprenant 47 principes à respecter. Cependant, c’est au 20e siècle que l’on publia l’ouvrage le plus respecté à titre de code de conduite morale du samouraï, le Hagakure, écrit autour de 1712 par le guerrier Jocho Yamamoto. Ce que l’on appelle la voie du guerrier (Bushidô) ou le traditionnel suicide (Seppuku) pour racheter l’honneur perdu sont des enseignements essentiels dans la pratique du samouraï. Ces chevaliers d’Asie recrutaient la plupart de leurs soldats dans les rangs de la noblesse.
Toutefois, certains d’entre eux ne se ralliaient pas à un empereur et faisaient cavalier seul. On leur donnait le nom de Ronin et ils faisaient figure de mercenaires parmi leurs semblables. L’armure du samouraï se composait d’un assemblage de plaques reliées par des lanières de cuir et d’un plastron qui protégeait le corps des assauts adverses. Le guerrier arborait deux sabres : un plus petit, le Wakizashi (lequel servait bien souvent à s’enlever la vie pour échapper au déshonneur lors d’un combat) et un plus long, le Katana, cette épée mythique que les légendes japonaises considèrent comme étant l’âme du samouraï.

Le Bushidō est le code des principes moraux que les samourais japonais étaient tenus d'observer. Bushidō est un mot japonais provenant du chinois « wu shi dao »signifiant littéralement « la voie du guerrier » - de « bushi » (guerrier) et « dō » (la voie). La première mention de ce mot est faite dans le Kōyō Gunkan, écrit aux alentours de 1616 mais l'apparition du Bushidō est liée à celle de la féodalité japonaise et des premiers shoguns à l'époque de Minamoto no Yoritomo au XIIe siècle.


Sources du Bushidō
Ce code de vie a emprunté au Bouddhisme l'endurance stoïque, le respect du danger et de la mort; au Shintoïsme, le culte religieux de la Patrie et de l'Empereur ; au Confucianisme, une certaine culture littéraire et artistique ainsi que la morale sociale des « relations » : parents-enfants, maître et serviteur, époux, frères, amis. Mencius fut également une grande source d'inspiration pour le Bushidō.

Un code très strict
La plupart des samouraïs vouaient leur vie au bushidō, un code strict qui exigeait loyauté et honneur jusqu'à la mort. Si un samouraï échouait à garder son honneur il pouvait le regagner en commettant le seppuku (suicide rituel), que l'on connait mieux en occident sous le terme (impropre cependant) de « Hara-Kiri » ou « l'action de s'ouvrir le ventre » (« hara » : le ventre, siège du Ki (puissance, énergie) et «' 'kiri » : coupe au sabre).

Sous sa forme la plus pure, le bushidō exige de ses pratiquants qu'ils jugent efficacement le moment présent par rapport à leur propre mort, comme s'ils n'étaient déjà plus de ce monde. C'est particulièrement vrai pour les formes initiales de Bushidō ou de budo. D'ailleurs, les traditionnalistes critiquent les formes plus tardives : « ils raisonnent clairement avec l'idée de rester en vie dans l'esprit. »


La voie intérieure :



A la découverte de son propre corps, que l'on maîtrise bientôt comme un instrument, on ajoute des prolongements qui sont des outils de mort : la flèche de l'arc, la lame du sabre. Mais, l'une et l'autre n'ont de réelle utilité qu’à les révéler à eux-mêmes, en leur conférant la réussite, la puissance et la gloire.

L'importance des rituels (kata) comme une voie de perfectionnement et de découverte de l'intérieur marque la nécessité pour l’adepte de tout art martial de rentrer dans son art comme on entre en religion. Le salut au maître, le respect des anciens, la concentration et la méditation sont autant de relais qui guident le pratiquant vers une discipline qui doit, par la maîtrise de soi et l’acquisition d’un savoir codifié, lui permettre d’atteindre la maîtrise.

La préoccupation zen de la voie du samouraï se traduit par le suicide rituel qu’il s’impose en cas d’échec dans sa conduite. Le seppuku, communément appelé hara kiri par les profanes, trouve sa justification dans le bouddhisme ésotérique Shingon.Dans le cas du seppuku, un camarade coupe la tête du samurai après qu'il se soit enfoncé le sabre dans le ventre. En effet, c'est en rapport avec la croyance selon laquelle l'esprit (plutôt le corps spirituel du Bardo, selon le livre des morts tibétain) qui sort par la tête, ou le trou de Brahma au-dessus de la tête, va permettre au samurai de rester conscient dans cet état intermédiaire du Bardo et pouvoir renaître comme humain ou dans un plan divin (le Shingon est la version japonaise du bouddhisme tibétain).Or, si l'esprit sort au niveau du ventre (car aucun camarade ne coupe la tête), le samurai est dans un état semi conscient pouvant conduire aux mauvaises existences: enfers, fantôme...
Le suicide du samouraï correspond à la fois à un code d’honneur défini par le bushido et à un souci profondément ésotérique de préserver sa survie dans l’au-delà, en conformité avec le Shingon. Le Zen ajoutait à la voie du guerrier une connotation spirituelle et morale pour sauver son âme ainsi qu’une discipline de vie martiale pure et droite.
Pourtant, une question peut se poser : comment la spiritualité, ou le sacré, s’accorde t-il avec la violence des combats, des affrontements, des batailles à mort ?
Les samouraïs ont fortement subi l’influence du Zen et ils se préparaient au combat par des exercices de méditation, accompagnés ou non d’invocations rythmant la respiration. Cela les menait à une sérénité intérieure, effaçant les blocages et les obstacles pour agir sans réfléchir, directement, foudroyant, précis et efficace. Ce qui est illustré par cette maxime de guerre chinoise : Gagner d’abord, combattre ensuite… Ainsi, la peur devant une mort certaine disparaîssait.
La spiritualité fait comprendre que la vie n’est qu’un rêve fugace, qu’il ne faut pas s’attacher aux choses de ce bas-monde, car il y aura un monde meilleur pour le valeureux qui vit avec honneur, sincérité et fidélité. L’enseignement véritable des Samouraïs a toujours été tenu secret et fut préservé par la forme de sa transmission orale de maître à disciple. Les maîtres d’armes partaient du principe que « pratique et connaissance » ne sont qu’un et ne peuvent s’exprimer par l’écriture seule.

L’impasse spirituelle:

Parce que l’action violente, et son culte codifié, s’inscrivent dans la temporalité, dans l’éphémère d’un moment de l’histoire, ils sont dans l’impossibilité de libérer l’homme du temps et de l’espace qui l’enferment, en lui permettant de se spiritualiser ; bien au contraire, celui-ci s’enferme dans un cercle vicieux, puissant et progressif, qui le conduit à sa perte.

L’aspect rituel et codifié du Bushido le guide vers sa propre autodestruction par le suicide sacralisé, dernière étape programmée d’une violence vaine et impuissante. Aucune technique n’est jamais libératoire pour l’être qui la cultive, et le plus brillant des praticiens ne pourra jamais ouvrir la porte de son salut.

C’est bien là toute la différence qui existe entre le talent et le génie ; le premier reste rivé au sol alors que l’autre s’envole. C’est la même différence entre le culte de l’Ego et la voie du Je, entre l’intellect et l’intuition, entre l’enfermement et la libération.

Toute violence, parce qu’elle est agression et volonté de destruction, est une atteinte à celui qui la subit et surtout, sur le plan de la responsabilité, à celui qui la commet. De ce fait elle est illégitime, spirituellement, et condamnée à disparaître car elle porte en elle-même le poison qui la terrassera. C’est une illusion de puissance qui révèle d’une véritable psychopathie, d’une maladie de l’âme incurable.

Les chevaliers, les samouraïs, les kamikazes, les mercenaires et les terroristes sont condamnés à disparaître, parce qu’aucun sens des valeurs de l’esprit ne marque leur action. Et malgré toutes les précautions prises, les alibis fournis par des codes et rituels, les justifications prônées par de pseudo idéologies religieuses ou politiques, il est à craindre, pour eux, que tous ces guerriers de l’inutile se retrouvent tous au fin fond du bas astral, aux confins de la géhenne, condamnés à souffrir et à revenir dans de nombreuses incarnations pour purger leur karma de sang. En application du principe qu’aucune idée, quelle qu’elle soit ne saurait justifier la mort d’un homme, le tueur devra payer le prix du sang versé à l’aune de la justice divine.

« J'ai découvert que la voie du Samouraï réside dans la mort. Lors d'une crise, quand il existe autant de chance de vie que de mort, il faut immédiatement choisir la mort. [...] Certains disent que mourir sans avoir achevé sa mission c'est mourir en vain. Ce raisonnement [...] n'est qu'un calcul fallacieux [...] Celui qui meurt après avoir échoué, meurt d'une mort fanatique, qui peut sembler inutile.
Mais il ne sera, par contre, pas déshonoré. Telle est en fait la voie du Samourai. Pour être un Samouraï, il faut se préparer à la mort matin et soir et même toute la journée. »

Hagakure, le livre secret des Samuraïs
de Jocho Yamamoto




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