vendredi 5 mars 2010

Morceaux choisis - Paul Eluard

Anniversaire par Marc Chagall

Paul Éluard

« Je n'ai pourtant jamais trouvé ce que j'écris
 dans ce que j'aime. »


De l'océan à la source
De la montagne à la plaine
Court le fantôme de la vie
L'ombre sordide de la mort
Mais entre nous
Une aube naît de chair ardente
Et bien précise
Qui remet la terre en état
Nous avançons d'un pas tranquille
Et la nature nous salue
Le jour incarne nos couleurs
Le feu nos yeux et la mer notre union
Et tous les vivants nous ressemblent
Tous les vivants que nous aimons
Les autres sont imaginaires
Faux et cernés de leur néant
Mais il nous faut lutter contre eux
Ils vivent à coups de poignard
Ils parlent comme un meuble craque
Leurs lèvres tremblent de plaisir
À l'écho de cloches de plomb
À la mutité d'un or noir
Un seul cœur pas de cœur
Un seul cœur tous les cœurs
Et les corps chaque étoile
Dans un ciel plein d'étoiles
Dans la carrière en mouvement
De la lumière et des regards
Notre poids brillant sur terre
Patine de la volupté
À chanter des plages humaines
Pour toi la vivante que j'aime
Et pour tous ceux que nous aimons
Qui n'ont envie que de s'aimer
Je finirai bien par barrer la route
Au flot des rêves imposés
Je finirai bien par me retrouver
Nous prendrons possession du monde

(extrait de « Poésie ininterrompue », 1946)

« Vingt-huit novembre mil neuf cent quarante-six
Nous ne vieillirons pas ensemble.
Voici le jour
En trop : le temps déborde.
Mon amour si léger prend le poids d’un supplice. »

2 commentaires:

  1. Bonsoir,
    Je suis à la recherche d'un avis extérieur concernant l'un des passages de ce merveilleux texte.
    J'y ai réfléchi, bien sûr, mais les possibilités de "traduction" sont telles, et le contexte dans lequel le message m'a été envoyé si personnel, que je ne parviens pas à en sortir autre chose que la charge émotionnel et l'envergure de son auteur.
    "Un seul coeur, pas de coeur,
    Un seul coeur, tous les coeurs..."
    Je m'avoue en prise avec ce passage, et j'espère qu'un avis extérieur me sera favorable?
    En vous remerciant.
    ZL

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  2. Bonjour Zorhalee,
    difficile de trancher dans le domaine de la signification poétique qui est avant tout de l'ordre du ressenti.
    Personnellement,je ressens ces vers comme l'expression d'un paradoxe, poétique ou philosophique, un peu à l'identique du vers de Lamartine "Un seul être vous manque et tout est dépeuplé" et de sa parodie des surréalistes "Un seul être vous manque et tout est repeuplé".
    Ceci n'engage que moi, bien entendu.

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