lundi 6 mars 2017

"Le désespéré" de Gustave Courbet

Gustave Courbet
(1819-1877)


Le désespéré
(1844-1845)

Chef de file du mouvement du Réalisme en peinture, Gustave Courbet (1819-1877) affirmait souvent qu’il ne souhaitait peindre que ce que ses yeux pouvaient voir, rejetant ainsi avec un certain esprit provocateur le Romantisme dominant ainsi que les normes académiques encore en vigueur. Artiste indépendant, contestataire et prônant la représentation de la réalité crue, son influence fut déterminante sur la génération des Impressionnistes et des précurseurs du Cubisme. Innovateur, ses travaux marquèrent durablement son temps, en élisant comme sujets des thématiques sociales, décrivant la vie des petites gens ou le quotidien des artistes parisiens.



Le Désespéré est un des autoportraits les plus célèbres de l'artiste français peint vers 1845 (45 x 54cm) alors qu'il avait 25 ans. C'est probablement le tableau le plus singulier et le plus mystérieux de la série des autoportraits de jeunesse de Gustave Courbet. Dans "Le Désespéré" Courbet s’attache à représenter un personnage en proie à la détresse, avec une expression saisissante proche de la folie. La saisie de l'expression est très réaliste et frappante: Ses yeux sont écarquillés et égarés, ses narines dilatées, sa bouche entr’ouverte, ses bras déployés dans une posture dramatique prêt à s'arracher les cheveux, etc.
 On a l'impression que son visage va se projeter hors de la toile.


"Le peintre  se représente lui-même de face et peint son tableau uniquement avec des couleurs ternes. Le regard est la partie du tableau qui interpelle et qui fascine : il est lointain, le cercle blanc des yeux écarquillés en accentue l'effet et intrigue le spectateur. Tout autour de ce regard s'organisent les autres composantes du dessin pour insister sur ce mal-être, le front plissé indique la gravité du souci. Cette partie du visage, la plus éclairée,  comme son attitude, une main posée sur sa tête et l'autre appuyée sur sa tempe, renforce l'impression de profonde inquiétude..."

(d'après la page internet des étudiants en première L du lycée Joffre de Montpellier)


El desdichado

Je suis le Ténébreux, - le Veuf, - l'Inconsolé,
Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Etoile est morte, - et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.

Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m'as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé,
Et la treille où le Pampre à la Rose s'allie.

Suis-je Amour ou Phébus ?... Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ;
J'ai rêvé dans la Grotte où nage la sirène...

Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.

Gérard de Nerval


« … Je suis absolument perdu. Je suis même à l’agonie. J’ai un ramollissement du cerveau venu des lavages que j’ai faits avec de l’eau salée dans mes fosses nasales. Il s’est produit dans le cerveau une fermentation de sel et toutes les nuits mon cerveau me coule par le nez et la bouche en une pâte gluante. C’est la mort imminente et je suis fou ! Ma tête bat la campagne. Adieu ami vous ne me reverrez pas !… »

Dans la nuit du 1er janvier au 2 janvier 1892, il fait une tentative de suicide au pistolet. Il casse alors une vitre et tente de s’ouvrir la gorge. On l’interne à Paris le 8 janvier dans la clinique du docteur Émile Blanche, où il meurt de paralysie générale, le 6 Juillet.
Guy de Maupassant

2 commentaires:

  1. Un tableau saisissant...dans lequel je vois, je ne sais pourquoi, pas uniquement du désespoir...
    je trouve qu'il y a aussi de l'effroi, de l'étonnement, de l'incrédulité...
    J'aime beaucoup Courbet !
    Sa peinture est intéressante, mais la personnalité du peintre l'est tout autant.

    Un billet bien pessimiste...quand même...je me trompe ?

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    Réponses
    1. Disons que je suis plutôt saisi par certaines peintures, ou certains textes, qui tentent d’analyser ou d’illustrer, cette notion de cauchemar éveillé qui retranscrit des expériences vécues d’intrusion de quelque chose qui nous dépasse dans notre réalité quotidienne.
      A ce moment-là, nous découvrons le fantastique, avec toutes les séquelles qui peuvent en découler. Peu importe, en fait, le sentiment qu’inspire ce tableau de Courbet, ou encore « le cri » de Munch, ce qui compte c’est cette expression extraordinaire d’une perception qui nous dépasse.
      Les extraits de texte de Nerval et Maupassant sont pour moi des illustrations littéraires de cette expérience picturale, qui renvoient aux recherches de l’un sur la seconde vie du rêve et à l’expérience de l’autre avec le Horla.
      Chacun, à sa façon, a vécu un accès à une autre dimension.
      Mais peut-on le faire et en rester indemne ?
      Désespoir, effroi, étonnement, incrédulité, ou autre… mais surtout la marque de la brûlure d’un vertige intérieur insaisissable.
      Sinon, à part ça, tout va bien ; je continue à observer et à tenter de comprendre.
      Pessimisme, non.
      Pas de quoi sombrer dans l’optimisme non plus, pour le moment du moins ; je reste les deux pieds bien ancrés dans le réalisme.



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