Les vanités
Pieter Claesz
« Vanité avec violon et bille de verre »
1628
Huile sur toile, 60 x 100 cm, Germanisches Nationalmuseum, Nuremberg
Un genre pictural
appliqué aux natures mortes
Une vanité est un type particulier de nature morte, à implication philosophique,
qui évoque à la fois la vie humaine et son caractère éphémère, mettant en
contraste des éléments symbolisant d'un côté la vie, l'activité, la nature et
de l'autre la mort.
Si le thème est très ancien (on le trouve déjà chez les antiques),
il se constitue comme genre autonome vers 1620 à Leyde en Hollande,
pour se répandre ensuite tout au long du xviie siècle
en Europe, particulièrement en Flandres et
en France. Prisées à l'époque baroque les vanités vont quasiment disparaître
au xviiie siècle,
mais renaissent avec Cézanne,
puis plusieurs peintres du xxe siècle
et une photographe telle que Valérie Belin au xxie siècle
Les objets représentés symbolisent les activités humaines
(étude, argent, plaisir, richesse, puissance) mises en regard d'éléments
évoquant le temps qui passe trop vite (la fragilité, la destruction) et le
triomphe de la mort (avec souvent un crâne humain).
Ainsi tous les objets qui composent le tableau de vanités
ne sont que des symboles qui montrent l’existence vaine de l’être humain. La
compréhension du tableau nécessite une lecture minutieuse de chaque symbole.
Pieter Claesz (Berchem près d’Anvers,
vers 1596-1597 – Haarlem, enterré le 1er janvier 1661) est un peintre de nature
morte néerlandais (Provinces-unies) du siècle d'or. Il est un des représentants
du baroque.
Si Claesz utilisa dans ses premières
œuvres une palette monochromatique de tons gris, bruns et verts, ses «
pronkstilleven », natures mortes « d’apparat », plus tardives, allaient en
revanche être sensiblement plus colorées.
Pieter Claesz est né aux alentours de
1596-1597 à Berchem, près d’Anvers, qui faisait alors partie des Pays-Bas
espagnols. À une date qui nous est inconnue, il se marie une première fois, à
une certaine Hillegont semble-t-il
Il aurait accompli son apprentissage à
Anvers ; c'est du moins ce que suggèrent des similitudes stylistiques entre ses
œuvres les plus anciennes et celles, surtout, de Clara Peeters et Osias Beert ;
mais il est possible également qu’il ait connu les peintres de nature morte de
Haarlem : Nicolaes Gillisz, Floris Van Dijck et Floris van Schooten. Ses
compositions, qui étaient considérées comme novatrices, font alors de lui l’un
des peintres de nature morte les plus originaux ; c'est ainsi qu'en 1628,
Samuel Ampzing mentionne son nom dans un poème qu'il dédie à la ville de
Haarlem.
En 1634, Pieter Claesz est documenté
comme membre de la guilde de Saint-Luc de Haarlem. Essentiellement actif dans
cette ville, Claesz peint surtout des œuvres pour les mettre sur le marché,
mais il lui arrive aussi d'exécuter des œuvres de commande.
À partir de 1628, une sérieuse concurrence
apparaît à Haarlem entre Pieter Claesz et Willem Claeszoon Heda, lequel
s’inspirait fortement de lui et le suivait de près dans toutes ses innovations.
« Sur
cette œuvre-ci, nous pouvons voir plusieurs éléments typiques de la
vanité : tout d’abord, les reliefs ronds et translucides du verre en bas à
droite et de la sphère à gauche : ceux-ci représentent la futilité et la
fragilité de la vie humaine.
Dans la sphère, nous pouvons apercevoir
le reflet du peintre, pouvant être interprété comme un symbole de son haut
statut d’artiste ou au contraire une preuve d’humilité. Ce miroir est
bombé : il rappelle ainsi les miroirs convexes, aussi appelés miroirs de
sorcières, utilisés au XVe siècle, par exemple par les banquiers pour
surveiller leurs boutiques : ils permettent d’étendre le champ visuel par
rapport à un miroir plat. Ceux-ci apparaissent dans l’art en même temps que la
perspective au point de fuite (Renaissance), en
tant que symbole de l’éphémère : il laisse entrevoir une scène qui n’a
existé que dans les yeux du peintre, différente de celle que nous regardons.
Le verre utilisé est un Römer,
c’est-à-dire un type spécifique de verres à vins anciens : il est très
présent dans les œuvres de Claesz, et le plus souvent représenté couché, pour
accentuer la tension se dégageant de la peinture.
Le violon, les livres et la plume, sont
caractéristiques des vanités dites « des biens terrestres » :
ces symboles représentent l’art, les lettres et la science, plaisirs futiles de la vie
humaine.
La montre ouverte en bas à gauche est
une allégorie du temps qui fuit, que nous ne pouvons pas contrôler. La clé est
donc elle-même un symbole : cette clé qui ne peut en rien réparer la
montre, et qui est pourtant accrochée à celle-ci, est un moyen de nous souvenir
que les légendes humaines contant l’immortalité ne sont que pure fiction, et
que les Hommes ne peuvent rien changer au cours du temps.
La poterie brisée au dernier plan, la
coquille de noix brisée elle aussi et le crâne au fond à droite ont ici une
fonction de memento
mori : « souviens-toi que tu vas mourir ». Ils sont tous les trois
des représentations de la fatalité de la mort.
J’ai choisi cette œuvre tout simplement
parce qu’après plusieurs recherches, c’est la première qui a attiré mon
regard : j’ai trouvé que les reflets et effets d’ombre entre les objets
étaient magnifiques.»