« ET
IN ARCADIA EGO »
"Moi, la mort, je suis aussi en Arcadie."
Autoportrait de
Nicolas Poussin
Nicolas Poussin, né au hameau de Villers, commune
des Andelys, le 15 juin 1594, mort à Rome le
19 novembre 1665, est un peintre français du XVII ème siècle,
représentant majeur du classicisme pictural. Actif aussi en Italie à partir de
1624. Peintre d'histoire, compositions religieuses, mythologiques, à
personnages, ou encore de paysages animés. Il fut l'un des plus grands maîtres
classiques de la peinture française, et un "génie européen", comme le
rappelle l'exposition Nicolas Poussin de 1994 à Paris, à l'occasion de la
célébration du quatrième centenaire de sa naissance. (source : encyclopédie en ligne wikipedia)
Le Guerchin, Et in Arcadia ego (1618)
'Et in Arcadia ego" est une
expression inventée par Virgile et utilisée au 17ème siècle en Italie pour exprimer,
de façon elliptique, les limites du puissant sentiment humaniste : "Même
en Arcadie, moi, la mort, j'existe". C'est-à-dire, même l'évasion dans le
monde pastoral et idyllique de l'Arcadie ne protège pas de la mort.
Cette expression est en général
inscrite sur une pierre funéraire monumentale, dans un paysage rural dans la
plupart de tableaux de cette époque.
La première représentation du thème
par Guerchin (Galleria Corsini, Rome) montre deux bergers surpris de trouver un
crâne - type même du memento mori - sur une pierre sur laquelle est écrit
"Et in Arcadia ego".
Dans la version de Poussin, tous les
effets de surprise ont été supprimés. Au lieu de cela, les bergers semblent
contempler le tombeau. Ils déchiffrent l'inscription d'un air de curiosité mélancolique.
Le crâne a disparu. Les mots semblent désigner une personne, peut-être une
bergère qui est ici ensevelie : "Moi aussi, j'ai vécu en Arcadie".
C'est une modification notable par rapport à la traduction latine.
L'artiste ne se disperse pas en
racontant une histoire et se concentre sur cette scène totalement statique. Aucune
séduction non plus dans la texture de la matière ou des couleurs. Les tons sont
durs et froids, et les personnages ont des poses sculpturales.
Nicolas
Poussin - Et in Arcadia ego (deuxième
version) 1637-1638
L’origine des BERGERS D’ARCADIE, au sous-titre
significatif « la Félicité sujette à la mort », est confuse ; si certains la
présument vers 1629, H. LEMONIER, lui, attribue la création du tableau entre
1638 et 1639.
L’Arcadie, dans la mythologie grecque,
peut être considérée comme l’équivalent de l’île d’Avalon, et même de l’autre
Monde celtique, celui des tertres souterrains où vivent les dieux et les héros
de l’ancien temps.
De plus, on sait que Nicolas Poussin
était très attiré par les doctrines hermétistes et qu’il fréquentait des gens
connus pour leur appartenance à des « confréries » plus ou moins
secrètes.
« J’ai rendu à M. Poussin la lettre que vous luy faites l’honneur de luy
escrire ; il en a témoigné toute la joie imaginable. Vous ne scauriez croire,
Monsieur, ni les peines qu’il prend pour vostre service, ni l’affection avec
laquelle il les prend, ni le mérite et la probité qu’il apporte en toutes
choses. Luy et moy nous avons projetté de certaines choses dont je pourray vous
entretenir à fond dans peu, qui vous donneront par M. Poussin les avantages (si
vous ne les voulez pas méspriser) que les roys auroient grande peine à tirer de
luy, et qu’après luy peut-estre personne au monde ne recouvrera jamais dans les
siècles advenir ; et, ce qui plus est, cela seroit sans beaucoup de dépenses et
pourroit mesme tourner à profit, et ce sont choses si fort à rechercher que
quoy que ce soit sur la terre maintenant ne peut avoir une meilleure fortune ni
peut-estre esgalle. Comme en luy rendant vostre lettre je ne le vis qu’au
moment en passant, j’oubliay de luy dire que vous ferez retirer son brevet
renouvelé en termes honorables... »
Lettre de Louis Fouquet à Nicolas
Fouquet le 17 avril 1656
Nicolas Poussin s’était choisi un
sceau plutôt curieux : il représentait un homme tenant une nef ou une arche,
avec la devise « tenet confidentiam » qui peut se traduire par « il détient le
secret ».
Et que penser de l’ouvrage posthume de
Maurice Barrès, le Mystère en pleine lumière, qui regroupe plusieurs études sur
les peintres, et dans lequel il se livre à d’étranges considérations ? Barrès
laisse entendre que de nombreux peintres appartenaient à des confréries
initiatiques, plus particulièrement à une mystérieuse « Société
Angélique ». Il le suggère à propos de Delacroix, s’intéressant tout particulièrement
à « l’aspect angélique de son œuvre ».
Il se fait plus précis en ce qui
concerne Claude Gellée, dit le Lorrain, à propos duquel il dit : « On sent bien
qu’il n’est pas né tout d’un coup, qu’il a été préparé. » Cela signifie que
Claude Gellée faisait partie d’un groupe spiritualiste qui lui dictait
certaines de ses inspirations. Et Barrès ajoute
« Si l’on veut connaître Gellée,
il faut le dessin de Sandrart où il se présente dans la plus digne compagnie
auprès de son ami Poussin. » Faut-il en conclure que Nicolas Poussin
appartenait à la même « confrérie ?» Toujours à propos de Claude le Lorrain,
qu’il met en parallèle avec Poussin, Barrès dit encore « Il n’est rien si les
Anges ne lui tiennent pas la main, s’il n’est pas dans la société céleste, s’il
s’écarte de ce qui l’enchante, le soutient et le soulève. Il sait son poème et
hors de cela ne sait rien. » On ne peut être plus clair à propos de l’existence
d’une « Société Angélique» à laquelle appartiennent la plupart des peintres (et
aussi des écrivains) de toute époque. Mais il y a encore mieux, car Barrès
dévoile franchement le mot de passe : « Il faut toujours que nous ménagions
dans quelque coin de notre œuvre une pierre tombale avec l’inscription fameuse
: et in Arcadia ego. »
Et si l’on voulait douter de
l’existence de cette « Société Angélique » dont le signe de ralliement ou de
reconnaissance paraît être la formule inscrite sur le tombeau peint par
Poussin, on devrait lire une lettre de George Sand à Gustave Flaubert, datée du
17 décembre 1866. Voici en effet ce qu’écrit la « bonne dame de Nohant » : «
Dans tous les cas, aujourd’hui, je ne suis bonne qu’à rédiger mon épitaphe! Et
in Arcadia ego, vous savez. »
Le vous savez en dit d’ailleurs
davantage que n’importe quel discours. Avant d’être la « bonne dame de Nohant
», George Sand a participé à tous les mouvements d’inspiration utopiste et sait
fort bien à quoi s’en tenir sur certaines « confréries » plus ou moins
héritières des « Illuminés de Bavière» et des « ordres » clandestins du Moyen
Age. Avant d’écrire la Mare au Diable, elle a écrit un roman dont le titre est
Consuelo et dans lequel elle fait quelques révélations sur une mystérieuse
confrérie qu’elle appelle la «Secte des Invisibles ».
Voici ce qu’elle écrit à propos de ces
Invisibles: « Ils sont les instigateurs de toutes les révolutions : ils vont
dans les cours, dirigent toutes les affaires, décident la guerre ou la paix,
rachètent les malheureux, punissent les scélérats, font trembler les rois sur
leurs trônes. »
On ne peut que songer à Nicolas
Foucquet qui, lui aussi, a fait trembler Louis XIV sur son trône avant de
succomber, probablement parce qu’il avait trahi la « confrérie » à laquelle il
appartenait. On ne pardonne pas les trahisons dans ce genre d’associations. Car
ces Invisibles sont toujours présents là où il le faut : « On ne sait pas s’ils
demeurent quelque part, mais il y en a partout...
En savoir plus : http://les-archives-du-savoir-perdu.webnode.fr/news/fable-autour-dune-toile/
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