jeudi 8 janvier 2009

Gérard de Nerval - Morceaux choisis




« Les Chimères »


Delfica


La connais-tu, Daphné, cette ancienne romance,

Au pied du sycomore, ou sous les lauriers blancs,

Sous l'olivier, le myrte, ou les saules tremblants,

Cette chanson d'amour qui toujours recommence?...

Reconnais-tu le Temple au péristyle immense,

Et les citrons amers où s'imprimaient tes dents,

Et la grotte, fatale aux hôtes imprudents,

Où du dragon vaincu dort l'antique semence?

Ils reviendront, ces Dieux que tu pleures toujours!

Le temps va ramener l'ordre des anciens jours;

La terre a tressailli d'un souffle prophétique...

Cependant la sibylle au visage latin

Est endormie encor sous l'arc de Constantin -

Et rien n'a dérangé le sévère portique.


Artémis

La Treizième revient... C'est encor la première;

Et c'est toujours la seule, - ou c'est le seul moment;

Car es-tu reine, ô toi! La première ou dernière?

Es-tu roi, toi le seul ou le dernier amant?...

Aimez qui vous aima du berceau dans la bière;

Celle que j'aimai seul m'aime encor tendrement:

C'est la mort - ou la morte ...O délice! ô tourment!

La rose qu'elle tient, c'est la Rose trémière.

Sainte napolitaine aux mains pleines de feux,

Rose au coeur violet, fleur de sainte Gudule:

As-tu trouvé ta croix dans le désert des cieux?

Roses blanches, tombez! vous insultez nos dieux,

Tombez, fantômes blancs, de votre ciel qui brûle:

- La sainte de l'abîme est plus sainte à mes yeux!

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