mercredi 25 février 2009

Memento mori




« Vanitas » de Philippe de Champaigne

Memento mori est une locution latine qui signifie « Souviens-toi qu'il faut mourir». Elle désigne un genre artistique de créations de toutes sortes, mais qui partagent toutes le même but, celui de rappeler aux hommes qu'ils sont mortels.

« Le but de nostre carriere c'est la mort, c'est l'object necessaire de nostre visee : si elle nous effraye, comme est-il possible d'aller un pas avant, sans fiebvre ? Le remede du vulgaire c'est de n'y penser pas. Mais de quelle brutale stupidité luy peut venir un si grossier aveuglement ? »

MONTAIGNE - Essais - Livre I CHAPITRE XIX
Que Philosopher, c'est apprendre a mourir

______________________________________________________________________________________

La mort, c’est la sortie de notre monde physique, qui se traduit par l’absence pour les autres.
Le mort est toujours présent, mais sur un plan différent, auquel nous n’avons pas accès.
La mort est une autre vie ailleurs, avec d’autres règles : ni matière, ni temps, ni espace, ni peur, ni douleur.

Mourir, c’est partir ; naître, c’est revenir.

Sur terre, nous faisons nos classes à l’école de la vie. Chaque incarnation est comme une nouvelle classe d’une longue scolarité ayant pour vocation de valider les progrès accomplis. Chaque vie est une nouvelle étape d’un difficile parcours personnel d’évolution spirituelle.
Les vies successives doivent déboucher sur la libération de l’être avec, à terme, la dispense d’incarnation définitive.

Voilà notre aventure et notre but. En être conscient est capital car cela nous permet de diriger chacune de nos existences dans un sens positif, afin d’avancer plus vite et d’arriver plus tôt.

La mort se réduit à un espace dérisoire entre deux vies.
La vie se limite à l’expérience réalisée entre deux morts.
La vie, la mort sont pareillement illusoires ; elles sont les deux faces de notre condition humaine. Elles nous servent à construire l’Homme-Esprit, à assurer la victoire suprême de l’initiation spirituelle et notre libération de la roue des réincarnations.

En fait, dans la peur de la mort, on retrouve la peur de l’inconnu, assortie à celle de la souffrance. Celui qui apprend à maîtriser ses peurs et à connaître le sens réel de la mort se met à l’abri de cette phobie maladive qui empoisonne la vie de nombreuses personnes, pour ne pas dire la quasi-totalité, exception faîte de ceux qui se cachent la tête dans le sable. Il suffit de la regarder en face pour effacer toute sa menace. Et si l’on croit à la persistance de l’esprit, on sait que la route sera continuée, par delà la mort, ailleurs et dans d’autres conditions.

La meilleure méthode pour « apprendre à mourir », c’est l’application dans tous les actes ordinaires de la vie du détachement, du lâcher prise. Il faut arriver à faire abstraction de toutes les pseudo-valeurs inculquées par la société, par notre éducation, par notre atavisme. C’est difficile au début, comme tout premier pas, emprunté, maladroit et en déséquilibre, puis on s’aperçoit que non seulement c’est possible, mais ça devient très vite facile.
Attention, cette méthode n’est applicable que dans la deuxième partie de la vie, une fois qu’on a rempli et terminé les obligations naturelles : travail, famille, patrie (sans jeu de mots). A ce moment-là, il faut savoir se détacher de toute valeur pécuniaire, il faut savoir prendre de la distance avec « sa » famille (l’oiseau doit quitter le nid et voler de ses propres ailes) et abandonner l’illusion sociale, patriotique et nationale. C’est à cette seule condition que l’on peut se libérer de toutes ses entraves existentielles et se consacrer enfin à soi-même. Il serait temps, en effet, car la mort, tout comme la naissance, est un plaisir solitaire que l’on doit affronter dans le dépouillement, l’authenticité et l’esseulement. La victoire est à ce prix, ou bien l’échec.


« La nature d’ailleurs nous y contraint : « Sortez, dit-elle, de ce monde, comme vous y êtes entrés. Le passage qui fut le vôtre de la mort à la vie, sans souffrance et sans frayeur, refaites-le de la vie à la mort. Votre mort est l’un des éléments de l’édifice de l’univers, c’est un élément de la vie du monde. »
(Montaigne)

« Les mortels qui se sont transmis entre eux la vie, Sont pareils aux coureurs se passant un flambeau. »
[Lucrèce , II, 76-79.]

Et chacun sait que lorsqu’on a transmis le témoin, on arrête sa course et on rentre aux vestiaires…

A l’identique de la formule paradoxale latine « Qui veut la paix, prépare la guerre », on pourrait dire, de la même façon : « Qui veut vraiment vivre doit préparer sa mort ». C’est, en effet, la seule façon de relativiser les choses de la vie, dans leur futilité , leur précarité et leur vanité, en les confrontant à la valeur métaphysique de l’absolu.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire