vendredi 11 avril 2014

Le symbolisme du labyrinthe



Le symbolisme du labyrinthe

 

 

 « Vous ne les avez pas guidés, pris par la main, 
Et renseignés sur l’ombre et sur le vrai chemin ; 
Vous les avez laissés en proie au labyrinthe. 
Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte… »

« A ceux qu’on foule aux pieds » – Victor Hugo
 (extrait)

Le labyrinthe désigne une construction composée d’un grand nombre de galeries dont la disposition est telle qu’on peut difficilement en sortir.  On peut aussi l’appeler «dédale», du nom de son antique concepteur grec.  On l’associe à la constellation de la Vierge, image du ventre qui opère une gestation.
Le parcours complexe du labyrinthe sert à conduire un candidat de la périphérie de son être jusqu’à son centre local, son Centre invisible, sa Source sacrée, son Point unique.  Il illustre le processus de l’intériorisation, qui force un retrait du monde extérieur et qui ramène au Royaume du Père-Mère.  Il permet de dissoudre l’illusion de la puissance pour accéder au Savoir, fondement du véritable pouvoir.  Car on ne peut en sortir en suivant son parcours sinueux, toujours déconcertant et fourvoyant, du monde de l’ignorance, mais en prenant de l’altitude, soit en s’élevant pour accéder à la Connaissance véritable.  Le parcours du labyrinthe illustre le passage des ténèbres à la Lumière qui marque la victoire du spirituel sur le matériel, de l’éternel sur le périssable, de l’intelligence sur l’instinct, du Savoir sur la violence aveugle, de l’Amour sur la haine.
Par définition, le labyrinthe évoque les constructions du mental et de l’ego.  Il évoque l’entrée dans des territoires inconnus, ce qui rend apparemment le parcours compliqué et difficile.  Il implique le croisement de chemins dont certains ne comportent pas d’issue et à travers lesquels il faut découvrir la route qui conduit au centre.  Par essence, il circonscrit, dans le plus petit espace possible, l’enchevêtrement le plus complexe de sentiers qui retardent l’arrivée du voyageur au centre qu’il veut atteindre.  Il doit à la fois permettre l’accès à un centre par une sorte de voyage initiatique et l’interdire aux profanes et aux imposteurs, soit à ceux qui ne sont pas qualifiés.  Voilà le Sentier sinueux et tortueux qui défend la Cité sainte contre l’adversaire humain et contre l’influence maléfique de l’Ombre.  Il figure l’épreuve discriminatoire préalable au cheminement vers le Centre sacré qui départage les bons et les mauvais.  Il annonce la présence d’une réalité précieuse, cachée quelque part, dont l’accès n’est possible qu’à ceux qui connaissent le plan secret pour s’y rendre.  Ce plan révèle la manière de pénétrer, sans s’égarer, dans le parcours même de sa vie d’ici-bas, soit dans le territoire de la mort.
Ainsi, le labyrinthe évoque le voyage de l’âme, le passage entre le monde concret et le monde subtil à travers lequel tout être poursuit son périple évolutif, de ce monde à l’autre, pour en revenir encore et encore, jusqu’à ce qu’elle connaisse la libération finale, après l’épuisement de ses dettes karmiques et la réalisation de son illumination.  À un autre degré, il peut figurer les méandres intestinaux, les circonvolutions du cerveau ou le monde astral avec ses multiples pièges factices.  À ce propos, il peut ainsi illustrer la projection illusoire des pensées qui résulte du fait que le mental cherche à analyser l’être au lieu de tenter de se fondre avec lui.  Par ses errements, le mental enfonce l’être à travers les méandres de la personnalité humaine qu’il renforcit sans cesse.  Mais, qu’est-ce que «connaître», si ce n’est «co-naître», donc fusionner avec une réalité?  En ce sens, l’aller et le retour dans le labyrinthe servent d’allégorie à la mort symbolique, suivie de la résurrection ou de la renaissance spirituelle.
Autrement dit, le labyrinthe désigne le chemin ou le sentier qui conduit de la matérialité du corps à la subtilité de l’Esprit, donc un pur fruit de l’imagination.  Pour le comprendre et en abattre les cloisons trompeuses, il faut oser s’y enfoncer, même s’il conduit dans les profondeurs des ténèbres.  Car, lorsqu’il est enfin purifié, il devient le fondement sur lequel le Roi bâtit son Royaume éternel.  Alors, l’Initié, accouché de la Vierge, découvre la face cachée de la Lune, la Lumière véritable, la Splendeur cachée de lui-même.  Tout au long de son parcours, l’astre de la nuit l’éclaire en accentuant les contrastes pour révéler les illusions latentes des profondeurs.  On parle ici du plan astral, celui de l’inconscient personnel, lié à l’inconscient collectif, ce vaste plan vibratoire dans lequel tous les êtres baignent.  L’âme doit pouvoir le traverser de nuit pour ramener au corps des énergies supérieures, plus intenses, qui lui inculqueront une poussée spirituelle.

En ce sens, le labyrinthe réfère donc à une technique holistique des plus anciennes qui permet de régler les problèmes émotifs ou physiques en remontant à leur origine, là où l’être peut se libérer totalement des vieux schèmes de pensée et de comportement.  En retrouvant son individualité, délivré des voiles, il peut enfin vivre libre.  Car c’est uniquement par un contact avec ses forces intérieures qu’on peut trouver l’issue qui met un terme à toutes les comédies et à tous les drames.  Toute personne qui se fixe un but doit traverser en elle le labyrinthe qui lui permet de l’atteindre.  Par sa recherche, qui doit devenir un cheminement intérieur, elle arrive à s’élever pour permettre de le percevoir et de prendre la bonne direction pour l’atteindre et le dépasser.  Mais, pour s’élever dans la Lumière, au bout des méandres, il faut apprendre à voir au-delà des apparences, maintenir son idéal, ce qui implique, patience, endurance et persévérance, s’élever suffisamment haut pour obtenir une vue d’ensemble du plan qui mène à son but.
Dans un sens pratique, on comprendra que le labyrinthe correspond, pour un sujet particulier, à une période de sa vie dans la limite de laquelle il donne tout pouvoir aux forces extérieures du monde, conduit par la croyance au hasard.  Alors, sa vie se complique et l’oblige à cheminer dans l’angoisse et la confusion tant qu’il n’accède pas à la maturité spirituelle qui lui permet de reconnaître le sens sacré de la vie.  Le labyrinthe suggère un besoin de se concentrer sur soi-même à travers les mille chemins des sensations, des perceptions, des émotions et des idées, en supprimant tout obstacle à l’intuition pure, pour revenir à la clarté sans se laisser prendre aux détours du chemin.  Il éclaire la transformation progressive de l’ego (le petit moi ou la personnalité).

Mais, dans le labyrinthe, plus l’ego est gonflé, plus les obstacles se multiplient et plus le voyage y est long et difficile.  Le détachement s’impose au vaniteux!  Il doit explorer les replis secrets de son esprit pour résoudre des schèmes karmiques ou des peurs inconscientes.  Il doit découvrir la manière de se réajuster aux situations de la vie qui le font passer à travers une période éprouvante, non pour le punir, mais pour lui faire comprendre les lois.  Il découvrira la lumière au bout du tunnel dans la mesure où il avancera avec sérénité et prudence.  Mais il ne devrait pas s’y aventurer seul, il risquerait de s’y perdre à tout jamais.  Toutefois, s’il réussit à s’en sortir, il sera devenu un Initié.

© 2009-14 Bertrand Duhaime (Douraganandâ) Tous droits réservés. Toute reproduction strictement interdite pour tous les pays.  Merci de nous visiter sur le site www.lavoie-voixdessages.com ou sur le réseau social : www.facebook.com/bertrand.duhaime.
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Et qu'est-ce que la vie ? Un réveil d'un moment !
De naître et de mourir un court étonnement !
Un mot qu'avec mépris l'Etre éternel prononce !
Labyrinthe sans clef ! question sans réponse,
Songe qui s'évapore, étincelle qui fuit !
Eclair qui sort de l'ombre et rentre dans la nuit,
Minute que le temps prête et retire à l'homme,
Chose qui ne vaut pas le mot dont on la nomme !

« Harmonies poétiques et religieuses »
 Pourquoi mon âme est-elle triste?
Alphonse de Lamartine

Ainsi ont-ils parlé



La vie antérieure
 
J'ai longtemps habité sous de vastes portiques
Que les soleils marins teignaient de mille feux,
Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,
Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques.

Les houles, en roulant les images des cieux,
Mêlaient d'une façon solennelle et mystique
Les tout-puissants accords de leur riche musique
Au couleurs du couchant reflété par mes yeux.

C'est la que j'ai vécu dans les voluptés calmes,
Au milieu de l'azur, des vagues, des splendeurs,
Et des esclaves nus, tout imprégnés d'odeurs,

Qui me rafraichissaient le front avec des palmes,
Et donc l'unique soin était d'approfondir
Le secret douloureux qui me faisait languir.

Baudelaire
 
Vie antérieure
 
S’il est vrai que ce monde est pour l’homme un exil
Où, ployant sous le faix du labeur dur et vil,
Il expie en pleurant sa vie antérieure ;
S’il est vrai que, dans une existence meilleure,
Parmi les astres d’or qui roulent dans l’azur,
Il a vécu, formé d’un élément plus pur,
Et qu’il garde un regret de sa splendeur première ;
Tu dois venir, enfant, de ce lieu de lumière
Auquel mon âme a dû naguère appartenir ;
Car tu m’en as rendu le vague souvenir,
Car en t’apercevant, blonde vierge ingénue,
J’ai frémi, comme si je t’avais reconnue,
Et, lorsque mon regard au fond du tien plongea,
J’ai senti que nous étions aimés déjà
Et depuis ce jour-là, saisi de nostalgie,
Mon rêve au firmament toujours se réfugie,
Voulant y découvrir notre pays natal,
Et dès que la nuit monte au ciel oriental,
Je cherche du regard dans la voûte lactée
L’étoile qui par nous fut jadis habitée.
 
François Coppée
 
 
Les yeux
 
Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Des yeux sans nombre ont vu l'aurore ;
Ils dorment au fond des tombeaux
Et le soleil se lève encore.
 
Les nuits plus douces que les jours
Ont enchanté des yeux sans nombre ;
Les étoiles brillent toujours
Et les yeux se sont remplis d'ombre.
 
Oh ! qu'ils aient perdu le regard,
Non, non, cela n'est pas possible !
Ils se sont tournés quelque part
Vers ce qu'on nomme l'invisible ;
 
Et comme les astres penchants,
Nous quittent, mais au ciel demeurent,
Les prunelles ont leurs couchants,
Mais il n'est pas vrai qu'elles meurent :
 
Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Ouverts à quelque immense aurore,
De l'autre côté des tombeaux
Les yeux qu'on ferme voient encore.
 
René-François Sully Prudhomme  
 
 
 
Souvenir
 
Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,
Un air très vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets.
Or, chaque fois que je viens à l'entendre,
De deux cents ans mon âme rajeunit :
C'est sous Louis treize, et je crois voir s'étendre
Un coteau vert, que le couchant jaunit,
 
Puis un château de brique à coins de pierre,
Aux vitraux peints de rougeâtres couleurs,
Ceint de grands parcs, avec une rivière
Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs ;
 
Puis une dame, à sa haute fenêtre,
Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens…
Que, dans une autre existence peut-être,
J'ai déjà vue !… et dont je me souviens !
 
Gérard de Nerval