Dans
la forêt obscure
“Qui dira le sentiment qu'on éprouve
en entrant dans ces forêts aussi vieilles que le monde, et qui seules donnent
une idée de la création, telle qu'elle sortit des mains de Dieu ?”
François
René de Chateaubriand
« Voyage
en Amérique »
Il était
une fois, au fin fond d'une forêt profonde, un être qui
marchait les yeux en l’air, émerveillé par les frondaisons touffues des arbres,
envoûté par les sensations provoquées par les bruits, parfums et couleurs de cette
nature généreuse, enivré par cette soudaine liberté totale qui guidait ses pas
où bon lui semblait.
Lumière crue dans les percées de
feuillage, tamisée par la canopée, toutes les couleurs se déclinent dans des
tonalités variées et changeantes. La sérénité de l’esprit s’installe devant ce
spectacle dépaysant et inhabituel.
La marche ralentit son rythme et
passe en mode automatique suivant une respiration régulière et profonde.
Tout se passe comme si une communion
s’instaurait ente l’être et la nature, instinctive et authentique, chose rare
dont on a perdu le mode d’emploi depuis longtemps déjà.
Le lâcher prise prend le relais de la
vigilance et la rêverie prend le pouvoir.
On est si bien qu’on en oublie tout,
on est ailleurs sans savoir où.
C’est comme un charme, un envoûtement
qui nous transforme et nous intègre dans une autre dimension. La flânerie
révèle une énergie vitale différente qui nettoie et ressource.
Porté par ce bien-être, on en oublie
rapidement le passage du temps et le sens de l’orientation divague, bercé par
les images bucoliques qui défilent.
C’est un sentiment de fraîcheur,
avant-garde de froidure, qui vient rompre le charme.
L’œil perçoit soudain la luminosité
qui baisse et à la vision qui se trouble, l’audition d’un silence total ajoute
une inquiétude nouvelle, alors que le mental, en réveil, revient sur terre et
sonne l’alerte.
Perdu.
Je suis dans une forêt profonde, peu
engageante, le ventre du monde originel. Je ressens l’hostilité des lieux, des
vibrations lourdes et envoûtantes, je perçois des déplacements furtifs et
fugaces, des frôlements rampants et ailés, des yeux multiples qui m’épient et
me dévisagent. Et un sentiment de mal-être m’envahit et paralyse mes sens.
Sans plus aucun repère, mes pas
deviennent hagards et hésitants. La vigilance s’hypertrophie et ouvre la porte
à une peur peu à peu panique.
Je suis mal.
Je voudrais tant échapper à cette
étreinte étouffante, qui me paralyse d’angoisse. Je manque d’air, la
claustrophobie me saisit.
C’est alors que je me réveille de ce
cauchemar, le réveil comme technique de fuite. Tout se passe comme si j’avais
pénétré le monde astral, avec ses pièges et ses mystères.
Que ce serait-il passé si je n’avais
pas trouvé la sortie ?
« Le chemin de la sagesse et de
la liberté est un chemin qui mène au centre de soi-même. »
Mircea Eliade
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