« La
conscience nous apparaît comme une force qui s'inscrirait dans la matière pour
s'emparer d'elle et la tourner à son profit. »
Sur la vie intérieure
« Je crois bien que
notre vie intérieure tout entière est quelque chose comme une phrase unique
entamée dès le premier éveil de la conscience, phrase semée de virgules, mais
nulle part coupée par des points.
Et je crois par conséquent
aussi que notre passé tout entier est là, subconscient — je veux dire présent à
nous de telle manière que notre conscience, pour en avoir la révélation, n’ait
pas besoin de sortir d’elle-même ni de rien s’adjoindre d’étranger : elle
n’a, pour apercevoir distinctement tout ce qu’elle renferme ou plutôt tout ce
qu’elle est, qu’à écarter un obstacle, à soulever un voile.
Heureux obstacle,
d’ailleurs ! Voile infiniment précieux ! C’est le cerveau qui nous
rend le service de maintenir notre attention fixée sur la vie ; et la vie,
elle, regarde en avant ; elle ne se retourne en arrière que dans la mesure
où le passé peut l’aider à éclairer et à préparer l’avenir. Vivre, pour
l’esprit, c’est essentiellement se concentrer sur l’acte à accomplir.
C’est donc s’insérer dans les
choses par l’intermédiaire d’un mécanisme
qui extraira de la conscience tout ce qui est utilisable pour l’action, quitte
à obscurcir la plus grande partie du reste.
Tel est le rôle du cerveau
dans l’opération de la mémoire : il ne sert pas à conserver le passé, mais
à le masquer d’abord, puis à en laisser transparaître ce qui est pratiquement
utile.
Et tel est aussi le rôle du
cerveau vis-à-vis de l’esprit en général. Dégageant de l’esprit ce qui est
extériorisable en mouvement, insérant l’esprit dans ce cadre moteur, il l’amène
à limiter le plus souvent sa vision, mais aussi à rendre son action efficace.
C’est dire que l’esprit
déborde le cerveau de toutes parts, et que l’activité cérébrale ne répond qu’à
une infime partie de l’activité mentale. »
Henri
Bergson - L'énergie
spirituelle
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire