vendredi 18 décembre 2009

Morceaux choisis - Le réalisme fantastique




Le réalisme fantastique

Il se présente comme un courant de pensée et de recherche à vocation scientifique, ayant pour objet l'étude de domaines considérés comme exclus à tort par la science officielle : phénomènes paranormaux, alchimie, civilisations disparues, OVNI, etc. Ses adeptes défendent entre autres l'idée que le cerveau humain disposerait de nombreux pouvoirs sous-exploités, et que l'humanité a peut-être établi des contacts avec des extra-terrestres, notamment par l'intermédiaire d'anciennes civilisations disparues.

L'acte fondateur du réalisme fantastique fut le livre de Jacques Bergier et Louis Pauwels intitulé Le Matin des magiciens, publié en octobre 1959. C'est dans la préface de cet ouvrage qu'en apparaît le nom1. À l'origine de ce courant, l'ingénieur chimiste et écrivain doté d'une grande culture Jacques Bergier se posait en héritier intellectuel de Charles Hoy Fort, qui avait entrepris de recenser et d'expliquer divers phénomènes inexpliqués, et dont il a préfacé l'édition française du Livre des damnés. Bergier réussit à gagner à sa cause le journaliste Louis Pauwels (futur directeur du Figaro Magazine), qu'il a rencontré en 1954 et qui venait de publier un livre consacré au penseur ésotérique Georges Gurdjieff.

Contrairement aux auteurs classiques qui s'orientaient vers une approche fantastique du récit, comme Balzac 2,3, Maupassant, Goethe ou E.T.A. Hoffmann, les théoriciens du « réalisme fantastique » s'attachaient à démontrer l'influence du surréel sur le réel et non à l'illustrer par le biais de fictions. Dans leur ouvrage fondateur, Pauwels et Bergier soulignaient d'ailleurs que le terme « fantastique » devait être compris avec une autre définition : « On définit généralement le fantastique comme une violation des lois naturelles, comme l’apparition de l’impossible. Pour nous, ce n’est pas cela du tout. Le fantastique est une manifestation des lois naturelles, un effet du contact avec la réalité quand celle-ci est perçue directement et non pas filtrée par le voile du sommeil intellectuel, par les habitudes, les préjugés, les conformismes. »4

Les idées du réalisme fantastique sont inspirées par de nombreux auteurs cités dans Le Matin des magiciens : penseurs ésotériques ou mystiques et essayistes (Georges Ivanovitch Gurdjieff, Charles Hoy Fort, Pierre Teilhard de Chardin), personnalités scientifiques (l'anthropologue Loren Eiseley, le biologiste J. B. S. Haldane), écrivains de science-fiction (John Buchan, Lovecraft, Arthur C. Clarke), conteurs (Jorge Luis Borges), etc.

« Voyageurs en repos » – Peinture de Leonor Fini Huile sur toile (1978 )
Leonor Fini, née à Buenos Aires, Argentine, le 30 août 1908, et morte à Paris le 18 janvier 1996, est une artiste peintre surréaliste, décoratrice de théâtre et écrivaine, d'origine italienne.

« La plus grande part de la littérature se fonde sur le sentiment que l’homme ne change pas. Ou plutôt, qu’en dépit des changements, les structures profondes, la mécanique du cerveau, les échanges biologiques, le psychisme de base, enfin tout ce qui fait « l’homo sapiens », tel que nous le voyons classiquement depuis son histoire connue, demeure intact. La littérature dite engagée ne met pas plus en doute ce sentiment que la littérature dite bourgeoise. [...]

Cependant, il nous apparaît que cette vision, sans doute nécessaire en un moment de l’histoire, n’est qu’une vision limitée. Elle ne semble conforme, ni à la réalité des anciennes civilisations, fondée sur la magie, ni à la réalité de la civilisation en projet, fondée sur la technique. »
« Nous ne prétendons pas du tout proposer une philosophie. Nous essayons simplement de lancer quantité de têtes chercheuses, dans tous les sens, de multiplier les comment et les pourquoi, d’élargir à l’infini une méthode d’interrogation. Un proverbe dit : "L’homme qui pose beaucoup de questions peut avoir souvent l’air bête, mais l’homme qui n’en pose jamais l’est toute sa vie." »
« Mais nous, nous pensons que le monde moderne qui a choisi la voie de la connaissance par l’extérieur, est sur le point de redécouvrir les voies de l’invisible ».



« Plutôt que de condamner l’esprit moderne au nom de la sagesse initiatique des Anciens, ou plutôt que nier cette sagesse en déclarant que la connaissance réelle commence avec notre propre civilisation, il conviendrait d’admirer, il conviendrait de vénérer la puissance de l’esprit qui, sous des aspects différents, repasse par le même point de lumière en s’élevant en spirale. »
« Nous vivons une époque de désarroi : nous supportons mal le choc de l’accélération technique et scientifique ; nous ne maîtrisons ni l’excès de population, ni l’excès de pollutions, ni les inégalités économiques entre les différents peuples. Mais nous fabriquons des armes, nous multiplions les cités industrielles, et tantôt nous menaçons la vie par les moyens de destruction guerrière et tantôt nous la menaçons par l’épuisement des ressources naturelles et par la rupture des équilibres écologiques. [...]

Que la pensée planétaire parte d’un monde présent pour créer par la raison un monde nouveau, signifie qu’elle reste dans les lignes de forces des grands penseurs de l’Occident. Elle prend sans doute naissance dans l’ébranlement même de la pensée occidentale, mais elle signifie que l’homme moderne refuse de s’abandonner à l’absurde. Et peut-être cet Occident, dont un peu partout on se complaît à dénoncer le déclin, ne fait-il que dépouiller ses formes anciennes avant de prendre une nouvelle figure de l’universel. »

« Le matin des magiciens »
Introduction au réalisme fantastique
Louis Pauwels, Jacques Bergier

"Suivant l'existence" de H. Klint


mercredi 16 décembre 2009

L’Univers multidimensionnel


« L'ascension vers l'empyrée » de Jérome Bosch (vers 1500) Palazzo Ducale Venise .

L’Univers multidimensionnel
d’après
William Buhlman

Auteur de « Aventures au delà du corps » et son nouveau livre « Le secret de l'âme ».



« Tout ce qui nous entoure existe également dans une dimension parallèle "non-physique" de l’Univers. Bien que nos yeux ne voient que le résultat moléculaire dense de l’énergie, la matière s’étend dans un continuum d’énergie "non-physique" bien au-delà de notre vue. »


« Tout comme la lumière visible ne représente qu’une infime partie du spectre des ondes électromagnétiques, de même la matière visible ne constitue qu’une minuscule partie de l’ensemble des fréquences d’énergie multidimensionnelles de l’Univers. La plus grande partie de l’Univers n’a pas les particules pour fondement, ainsi que la science actuelle le suppose, mais bien les fréquences. Les particules physiques de matière ne sont que le résultat dense des fréquences (ondes) "non-physiques" d’énergie. Tout comme la lumière visible est non seulement une particule d’énergie mais aussi une onde laissant temporairement voir le comportement d’une particule, de même l’ensemble de notre Univers physique n’est pas seulement une énergie moléculaire mais également un continuum de fréquences d’énergie se prolongeant en profondeur dans le cœur de l’Univers multidimensionnel. Autrement dit tous les objets et toutes les formes de vie sont de nature multidimensionnelle. Tout ce qui nous entoure est multidimensionnel, existant simultanément en différentes fréquences d’énergie de l’Univers. Pourtant toutes ces dimensions d’énergie coexistent dans le même temps et le même espace, tout comme les ondes radio, les rayons X et la lumière visible existent ensemble, chacun confiné dans sa propre bande de fréquence. »
« En d’autres termes la réalité est relative à la densité vibratoire de l’observateur. »


L’Univers est essentiellement composé de fréquences d’énergie :


William Buhlman note aussi qu’il existe un rapport indéniable entre la physique quantique et le mysticisme, et ce lien deviendra évident lorsque la physique reconnaîtra le fait que l’Univers est essentiellement composé de fréquences d’énergie.
Le lien entre la nouvelle physique et le mysticisme a été présenté par des auteurs tels que Fritjof Capra, Gary Zukav et Michael Talbot.
L’étape évolutive vers laquelle l’humanité va se diriger sera l’exploration consciente des dimensions parallèles "non-physiques" de l’Univers. Cette exploration hors du corps faite sous contrôle conscient permettra la compréhension des faits suivants :
1. La réalité perçue est fonction de la fréquence d’énergie personnelle de l’observateur puisque nous percevons les fréquences d’énergie se rapprochant le plus de notre densité ou taux vibratoire personnel.
2. La conscience est une forme d’énergie "non-physique" utilisant des véhicules biologiques, et les formes de vie biologique sont des véhicules cellulaires temporaires utilisés par la conscience afin de s’exprimer dans un environnement dense.
3. La conscience existe à une fréquence ou longueur d’onde beaucoup plus élevée que celle de la matière. Elle doit interagir avec les formes biologiques en se servant de conduits d’énergie ou de véhicules de forme, qui font descendre les fréquences supérieures de conscience dans le corps physique.
Le cerveau n’est pas la source de la conscience mais joue le rôle de dispositif biologique temporaire de transfert et de mémoire pour la conscience.
4. La conscience est un continuum d’énergie "non-physique" projetant ses facultés perceptives à travers les multiples fréquences ou dimensions de l’Univers.


Le continuum de la conscience :


La conscience est un continuum allant de la vigilance physique aux zones "non-physiques" de l’Univers

1. Conscience de veille physique.
2. Etat hypnagogique, états méditatifs, visualisation créatrice, états hypnotiques, et de nombreux autres états altérés de conscience.
3. Rêves.
4. Rêves lucides.
5. Expériences spontanées de "sortie hors-corps".
6. Séjours au-delà de la mort (NDE).
7. Explorations « hors-corps » faites sous contrôle conscient au sein des différentes dimensions "non-physiques" de l’Univers.
8. Ces dernières se poursuivent à l’infini dans les dimensions "non-physiques" de l’Univers.


Ces états de conscience concernent les modes ou méthodes de perception du continuum de conscience.
Notons au passage que le physicien Fred Alan Wolf a postulé que les rêves lucides étaient en réalité des visites dans les Univers parallèles. Selon lui il conviendrait de désigner les rêves lucides du nom de « conscience des Univers parallèles ».


« Le continuum de conscience se prolonge vers l’intérieur jusqu’au cœur même de l’Univers ; des niveaux et des fréquences sans fin de vie et de réalités "non-physiques" existent juste au-delà des limites denses de notre perception visuelle. Chacun de nous peut s’attendre à découvrir d’innombrables merveilles : d’incroyables mondes de beauté et de lumière attendent patiemment que nous les explorions. Pour en faire nous-même l’expérience il nous suffit simplement de projeter notre conscience au-delà de notre corps physique et d’explorer le continuum de conscience qui nous est propre. »

Morceaux choisis de B. T. Spalding



Baird T. Spalding
(1857-1953)

La Vie des Maîtres est un récit de la rencontre avec des maîtres spirituels par Baird Thomas Spalding. L'auteur, Baird T. Spalding, est un archéologue de formation, il s'est distingué par des recherches menées dans le désert de Gobi. La Vie des Maîtres est le récit de son aventure initiatique en Inde, au Tibet et au Népal.

La Vie des Maîtres a été ensuite traduite par un polytechnicien, Jacques Weiss, sous le pseudonyme de Louis Colombelle, et a connu une très grande audience auprès d'un public désireux de progresser dans une voie alliant la science et la religion.
 
« Pour créer et pour accomplir, il faut être mû par des mobiles sincères et centrer sa pensée sur un point d’absorption, c’est-à-dire un idéal. Vous pouvez devenir ce centre. Rien ne prend forme sans que les hommes aient d’abord exprimé un idéal.

Il fut un temps où l’homme était pleinement conscient d’être ce mobile central. Il vivait dans la pleine conscience de son héritage et de domaine, dans un état d’âme que vous appelez ciel. Mais tous les hommes sauf de rares exceptions, ont renoncé à ce don divin. Aujourd’hui, la grande majorité d’entre eux est absolument inconsciente de cette qualité divine qui est le véritable héritage de l’humanité.

Par la pensée et par une action définie, on coopère avec le système vibratoire et l’on sélectionne les particules. Par la logique de ses déductions, la science physique sera obligée de se rallier à cette manière de voir. Les savants reconnaîtront alors la présence d’un pouvoir encore incompris parce que inactif, mais inactif seulement parce que incompris.



Quand l’homme l’aura compris, aura communiqué avec lui, et en aura matérialisé l’application, il verra que ce pouvoir ou principe est parfaitement susceptible de délimiter les zones spécifiques pour la mise en œuvre spécifique de l’énergie cosmique universelle. Cette mise en œuvre conduit par une évolution logique à la construction de ce que vous considérez comme un univers matériel avec toutes ses manifestations.

L’univers ainsi construit n’est pas matériel comme vous l’avez pensé. Votre définition matérielle n’est pas bonne. L’univers est spirituel car il provient de l’esprit. Cette affirmation est logique, certaine, fondamentale. Du moment qu’elle est logique, elle est scientifique. Si elle est scientifique, elle est intelligente. Or la vie, couplée avec l’intelligence et guidée par elle devient volonté, et par là même vocation.

L’esprit est le pouvoir vibrant, primaire, originel. On peut prendre contact avec lui et se servir de sa puissance. Il suffit de l’accepter, de savoir qu’il existe, puis de le laisser s’extérioriser. Il est alors entièrement à vos ordres et devient source intarissable de vie éternellement neuve, jaillissant du fond de vous-mêmes. Nul besoin de longues années d’étude, d’entraînement, de souffrances, ou de privations. Connaissez l’existence de cette vibration, acceptez-la, puis laissez-la s’écouler à travers vous.

Vous ne faites qu’UN avec la grande substance de la pensée créatrice et ceci vous permet de savoir que toutes choses existent. Il n’y a rien en dehors du grand et bon principe de Dieu qui remplit tout l’espace. Dès que vous savez cela vous êtes ce principe.

Vous amplifiez son activité par vos pensées, vos paroles et vos actes quand vous l’exprimez en vous prévalant de votre pourvoir de Christ. Plus vous exprimerez ce pouvoir, plus il affluera vers vous. Plus vous donnez, plus vous serez comblés de choses à donner, et ce, sans jamais pouvoir épuiser toutes les réserves. Cela ne signifie pas que vous deviez vous rendre en un lieu secret pour vous isoler. Il s’agit de rester à votre place, dans le calme, même dans ce que vous appelez le tourbillon des affaires ou milieu des épreuves les plus dures. Alors la vie cesse d’être un tourbillon. Elle devient obligatoirement paisible et contemplative. L’activité extérieure n’est rien en comparaison de la grande activité de pensée que vous comprenez maintenant et à laquelle vous vous unissez. Celle-ci consiste à devenir calme là où vous êtes. Percevez Dieu en vous, plus voisin que votre souffle, plus proche que vos mains et vos pieds, et concentrez sur lui toute votre activité de pensée.



Qui est Dieu ? Où est le Dieu sur qui vous vous centrez ainsi ? Dieu n’est pas un grand être extérieur qu’il vous vous faut introduire en vous pour le présenter ensuite. »



Extrait de « La vie des maîtres »
(Dans l’Himalaya vivent des sages aux pouvoirs prodigieux)
- Baird T. Spalding - aux Aux Editions “J’ai Lu”




"Qu'est-ce qu'un être humain ?" de H. Klint


lundi 14 décembre 2009

Le frôlement du "il y a", c'est l'horreur

« Le frôlement de l’il y a, c’est l’horreur. »

Emmanuel Levinas




Dans « De l’existence à l’existant » Lévinas présente la notion de « l'il y a... »

« Il y est question de ce que j’appelle l’ « il y a ».
[...] Ma réflexion sur ce sujet part de souvenir d’enfance. On dort seul, les grandes personnes continuent la vie ; l’enfant ressent le silence de sa chambre à coucher comme « bruissant » [...] Quelque chose qui ressemble à ce que l’on entend quand on approche un coquillage vide de l’oreille, comme si le vide était plein, comme si le silence était un bruit. [...]
J’insiste en effet sur l’impersonnalité de l’« il y a » ; « il y a », comme « il pleut » ou « il fait nuit ». Et il n’y a ni joie ni abondance : c’est un bruit revenant après toute négation de bruit. Ni néant, ni être. J’emploie parfois l’expression : le tiers exclu. On peut dire de cet « il y a » qui persiste que c’est un événement d’être. On ne peut dire non plus que c’est le néant, bien qu’il n’y ait rien. De l’existence à l’existant essaie de décrire cette chose horrible, et d’ailleurs la décrit comme horreur et affolement.
L’enfant qui sur son lit sent durer la nuit fait une expérience de l’horreur… »


Quand l’impersonnel est loi, l’être perd sa foi.

C’est un espace sans sujet, un indivis perpétuel ; l’irruption de l’irréalité dans la réalité. Le « il y a » confère à l’inconnu, le non-identifié une existence certaine qui nous inquiète, nous angoisse en remettant en cause notre supériorité à tout connaître, tout classifier, autour de nous.

Cette expression impersonnelle, anonyme, introduit le néant lui-même dans l’être. Elle traduit l’impossibilité d’identification de l’autre, qui nous concerne et nous échappe, et par là menace notre existence.

En ce sens, nous nous trouvons confrontés avec cette expression avec la notion même du fantastique, à savoir l’irruption de l’inconnu dans notre quotidien habituel, estampillé, reconnu et rassurant.


Dire « il y a », c’est exprimer que l’on méconnait l’origine de l’événement qui se produit, et par là sa cause et ses conséquences. C’est constater l’irruption du mystère dans le rationnel et donc introduire le doute dans sa toute puissance sanctifiée dans nos civilisations occidentales modernes.

Il y a des entités qui se manifestent, des sensations de plus en plus acérées, des visions multidimensionnelles…


Dans la recherche spirituelle, et dans l’éveil qui s’en suit, le sujet est confronté à des manifestations de l’inconnu qui le dépassent. Il y a quelque chose qui se passe qui sort de l’ordinaire, qui prouve l’existence de phénomènes pour lesquels nous n’avons été ni éduqués, ni préparés.

« Il y a » devient alors le révélateur du secret, la formule sacrée de l’initié, l’indicateur de l’expansion de la conscience. Et rapidement, le « il y a » se métamorphose en « je suis » quand l’être assimile qu’il est lui-même l’essence qui crée et matérialise les énergies de l’existant.


« Lorsque les formes des choses sont dissoutes dans la nuit, l'obscurité de la nuit, qui n'est pas un objet ni la qualité d'un objet, envahit comme une présence. Dans la nuit où nous sommes rivés à elle, nous n'avons affaire à rien. Mais ce rien n'est pas celui d'un pur néant. Il n'y a plus ceci, ni cela ; il n'y a pas quelque chose. Mais cette universelle absence, est à son tour, une présence, une présence absolument inévitable […]. Ce qu'on appelle le moi, est, lui-même, submergé par la nuit, envahi, dépersonnalisé, étouffé par elle. La disparition de toutes choses, et la disparition du moi, ramène à ce qui ne peut disparaître, au fait même de l'être auquel on participe, bon gré mal gré, sans en avoir pris l'initiative, anonymement. »

Extrait de « De l’existence à l’existant »

Ainsi parlait N. Berdiaev



Nicolas Berdiaev


Nicolas Berdiaev, né le 19 mars 1874 à Kiev (Ukraine), et décédé le 24 mars 1948 à Clamart (France), est un philosophe russe de langue russe et française.


Marxiste convaincu à partir de 1900, il s'en détourne après la révolution bolchévique de 1917. Professeur à l'université de Moscou, il doit fuir la Russie en 1922. En 1924, il transfère à Paris l'Académie de philosophie et de religion qu'il avait fondée à Berlin.

« Il est impossible de définir rationnellement l’esprit, ce serait là pour la raison une vaine tentative. Une telle définition tue l’esprit, le transforme en objet, tandis qu’il est sujet. On ne peut élaborer un concept de l’esprit.

Mais on peut saisir les caractères de l’esprit. On peut dire que la liberté, le sens, l’activité créatrice, l’intégralité, l’amour, la valeur, la tendance vers un monde supérieur et divin et l’union avec celui-ci figurent parmi ces caractères. Cette série de caractères englobe le pneuma de l’Écriture Sainte et le nous de la philosophie grecque. En tant que l’esprit est liberté, le spirituel se caractérise principalement par son indépendance par rapport aux déterminations de la nature et de la société. L’esprit s’oppose avant tout au déterminisme.

L’esprit est l’intérieur par rapport à l’extérieur, à tout ce qui dépend de l’extérieur. L’intérieur est le symbole de l’esprit. On peut également définir le caractère de l’esprit par des symboles spatiaux: profondeur et hauteur. L’esprit est profondeur infinie et hauteur céleste. On ne peut, comme le fait Max Scheler, retirer l’activité à l’esprit pour la conférer uniquement à la vie. L’esprit, précisément, est activité; quant à la vie au sens biologique de ce mot, elle est passivité. Mais Scheler comprend parfaitement que l’esprit n’est pas un épiphénomène de la vie, qu’on ne saurait le comprendre d’une manière vitaliste.

L’esprit est une évasion hors de ce monde alourdi, il représente l’élément dynamique, créateur, une sorte d’envol. Pic de la Mirandole affirme que l’esprit humain est d’origine céleste, c’est-à-dire qu’il ne provient pas du monde naturel. L’esprit ne serait pas déterminé par le monde naturel, il échapperait à celui-ci. C’est l’esprit qui fait de l’homme l’image de Dieu. L’esprit est l’élément divin dans l’homme. Et c’est grâce à l’esprit que l’homme peut accéder aux plus hautes sphères divines. L’esprit est l’acte créateur intégral de l’homme. L’esprit est la liberté qui se perd dans les profondeurs préontiques du monde. La liberté a la primauté sur l’être qui est une liberté déjà figée.


C’est pourquoi l’esprit ne peut se définir par l’être, qui a une forme complètement finie, qui est pour ainsi dire statique. C’est pourquoi l’esprit est l’acte créateur; l’esprit crée un être nouveau. L’activité créatrice, la liberté créatrice du sujet est primitive. Le principe de causalité ne s’applique ni à l’esprit, ni à la vie spirituelle.

L’esprit est de Dieu, et l’esprit mène à Dieu. L’homme reçoit tout de Dieu par l’esprit et c’est par l’esprit que l’homme donne tout à Dieu, qu’il multiplie les dons qu’il a reçus, qu’il crée ce qui n’existait pas auparavant. L’esprit vient de Dieu. L’esprit n’est pas créé par Dieu comme l’est la nature, il émane de Dieu, il est versé, insufflé par Dieu à l’homme."

(extrait de l’ouvrage « Esprit et réalité », 1937)