lundi 26 juillet 2021

Eloge de la lenteur

 

Eloge de la lenteur


« Quand les choses se passent trop vite, personne ne peut être sûr de rien, de rien du tout, même pas de soi-même. »

 Milan Kundera 

Impatience et énervement sont les signes de l’aveuglement. A se placer dans la position d’attente et de dépendance de l’extériorité, on se coupe de ses ressources propres internes.

C’est toujours en nous que se trouve la solution que l’on doit trouver.

A défaut de pouvoir créer ou modifier, il faut apprendre à gérer et à  s’adapter.

« Celui dont le désir se détourne des choses extérieures parvient au siège de l’âme. S’il ne trouve pas l’âme, l’horreur du vide s’empare de lui et la peur le poussera à coups de fouet encore et encore dans une quête désespérée des choses creuses du monde auxquelles il aspirera aveuglément.

Il deviendra le bouffon de son désir sans fin, s’éloignera de son âme et la perdra pour ne jamais la retrouver. Il courra après toutes les choses, il les tirera toutes vers lui, mais il ne trouvera pas son âme, car il ne la trouverait qu’en lui. S’il possédait son désir au lieu que son désir le possède, il aurait posé une main sur son âme, car le désir est l’image et l’expression de l’âme. »

C.G. JUNG - Le livre rouge

La recherche de l’âme peut parfois nous égarer, en nous confrontant au vide existentiel, faute de la trouver.

« L’homme a besoin de trouver un sens pour pouvoir continuer son chemin dans le monde. Sans ce sens, il est perdu dans le néant, au milieu de nulle part, et déambule dans le vaste labyrinthe de l’existence. »

Le vide est vécu par l'homme comme une menace, il doit donc le meubler pour le remplir,  le combler, afin d’éviter que l’effet d’aspiration qu’il provoque ne se propage dans l’être.

La solitude subie constitue aussi un vide qu'il faut combattre par la mise en place d'habitudes quotidiennes afin de s'occuper l'esprit, à défaut de pouvoir supprimer ce néant qui nous oppresse.

Ne dit on pas d'ailleurs que la nature a horreur du vide.

Tout au long de la vie,
la peur constitue sans doute le plus grand danger pour l’être humain. L’origine de la peur provient de l'absence de connaissance d’une situation ou d’un contexte donné. A défaut de comprendre ce qui se passe, face à l’inconnu qu’il ne maîtrise pas, le vide créé génère un mécanisme où l’imagination passe en revue toutes les possibilités qu’elle peut envisager. C’est alors que le remède devient pire que le mal.

Tout ce que l'on ne  connaît pas nous effraie et les délires de l'imagination qui s’en suivent nous paniquent.

Ne pas paniquer pour ne pas installer la peur et le doute en soi, ne pas se perdre en conjectures en imaginant le pire, ce qui inhibe l’action et nous paralyse.

Il faut croire en soi pour maintenir la confiance nécessaire à la réussite de toute expérience.  A ce moment-là, on réveille les forces permettant de tracer son propre chemin.

Être calme, c’est être présent à soi-même, en conscience.

Il faut pouvoir réunir l’immobilité physique, l’absence de bruit et le vide du mental pour accéder au calme, ce repos du corps et de l’esprit.

"La véritable intelligence s'effectue dans le silence. Dans le calme se trouve la créativité et les solutions aux problèmes".

Eckhart Tolle

Il est vital de se connecter avec son cœur à notre espace intime pour y retrouver notre vérité intérieure, sans déformation, notre vérité pure et authentique à l’abri de toutes les pensées parasites qui nous assaillent régulièrement.

Pour se tourner vers l’intérieur, il existe plusieurs méthodes dont deux me semblent fiables et très efficaces. Il s’agit de se centrer sur sa respiration ou de s’immerger dans la nature, pour pouvoir aller vers l’intérieur en se coupant de ce qui se passe à l’extérieur.

Pour la respiration, il faut y associer la lenteur si l’on souhaite s’intérioriser.

Voilà ce que j’ai constaté quand je fais du sport sur mon vélo elliptique.

Si je couple ma respiration avec mon effort, sur un rythme de deux inspirs et deux expirs assortis à la cadence du pédalage, je reste toujours à l’extérieur, fixé sur mon effort.

Par contre, si je découple le rythme respiratoire du pédalage en adoptant une séquence trois inspirs et quatre expirs, ma cadence se ralentit et je rentre en moi rapidement en me coupant du contexte extérieur et en restant fixé sur mon souffle.

La respiration doit être axée sur le contrôle du souffle, en partant du ventre et en remontant jusqu’aux clavicules, pour que les muscles, les nerfs et le diaphragme se détendent de façon à ce que le lâcher prise s’installe. Une respiration rapide est saccadée n’est pas bonne pour l’organisme ; elle essouffle et n’oxygène pas. Il faut que l’air ait le temps de descendre profondément dans les poumons pour les remplir, les gonfler, les dilater.

Même facteur commun pour la nature ; l’immersion doit se faire sur un rythme lent. Sans effort et sans précipitation, prendre le temps de chasser les pensées, et vider le mental de toute présence parasite, pour laisser le charme de la nature opérer et nous enlever à nous-même en nous entraînant vers une autre dimension. Savoir passer de l’observation à l’émerveillement, apaiser l’esprit puis se laisser guider par son intuition.

Et peut-être établir un contact avec les esprits de la nature, les esprits de l’air, les esprits de l’eau, les esprits du feu et les esprits de la terre.

A défaut, au moins établir un état durable de vacuité mentale qui permette de se libérer de nos contraintes coutumières et d’optimiser notre éveil spirituel.

Le véritable bien-être vient de la faculté à instaurer un état de calme intérieur.


« La vie spirituelle vise l’éveil de notre nature essentielle.

Elle nous donne des qualités d’être qui manquent cruellement à l’homme actuel : le silence, la simplicité, la sérénité, la confiance. »

K.G. Durkheim






dimanche 4 juillet 2021

Ainsi parlait Yvan Amar

 

L’obligation de conscience

« Ce qui pousse chaque être à retrouver le sens de sa propre existence, est un besoin essentiel. Lorsque nous détournons cette aspiration de son intention d'origine, nous passons notre temps à gratifier des besoins sur le plan physique, des envies sur le plan émotionnel et des volontés sur le plan mental. Le processus de gratification sur ces plans-là se révèle, à l'expérience, toujours habité par la peur et la souffrance.

Pourquoi ?

 Parce qu'il y a toujours l'envie, le désir ou la volonté à satisfaire et, en même temps, le besoin de combler un manque incessant.

A travers l'obligation de conscience vécue quotidiennement nous restons par contre en contact avec le besoin fondamental de notre être qui est de se comprendre soi-même.

………………..

L’enseignement de la prise de conscience m'oblige à amener ma conscience, mon attention, là où c'est difficile et en relation à l'endroit de la difficulté, je suis aussi obligé à la relation consciente.

Et là, que vais-je voir?

Je vais constater, avec une acuité de plus en plus profonde, combien cette relation est négligée. Combien elle est profane, dans le sens d'être avant tout utilitaire : ce qui est bon pour moi, je le prends; ce qui est mauvais pour moi, je le repousse, et ceci sur tous les plans: matériel, corporel, sensoriel, autant qu'affectif, émotionnel, sentimental ou encore conceptuel.

 J'attire ce qui m'arrange, je repousse ce qui me dérange. Tout mon rapport à l'autre, qu'il soit un être humain, un objet, un événement, une situation, tout cet univers est géré par cette loi: attirer-repousser, j'aime-je n'aime pas, je prends-je rejette.

Est-ce que je peux penser un instant, connaître véritablement la nature de l'autre, la nature de la relation, si je ne vis de l'autre et de la relation que ce processus-là ? »

« ... Là où siège la difficulté, là est la pratique.

 Qu'est-ce qui est difficile?

 C'est l'autre. L'autre est la difficulté, l'autre est la pratique.
Dans la contemplation, l'un est la joie, l'un est la pratique. Dans l'action, l'autre est la difficulté, l'autre est donc la pratique. Soyons simples et reconnaissons que nous considérons l'autre, depuis toujours, comme la source des bienfaits et la source des souffrances. On se dit que c'est à cause de l'autre, la faute de l'autre, ou grâce à l'autre. »

« Quand je parle d'un chemin, quand je parle d'une quête, c'est la quête d'un sens beaucoup plus vaste que cette simple relation-là. C'est la quête d'une qualité beaucoup plus vaste que ce genre de commerce que j'ai avec l'autre, cette transaction continuelle, ce marché.

Cette quête me demande de voir dans l'autre quelque chose de beaucoup plus vaste que ce qui peut servir ou desservir mon intérêt personnel. »

L'obligation de conscience

(Editions du Relié, 2004) 

Yvan Amar (1950-1999), philosophe, est l'auteur de : L'Effort et la Grâce et Le Maître des Béatitudes, parus aux éditions Albin Michel ainsi que Les Nourritures silencieuses et La Pensée comme voie d'éveil, aux éditions du Relié.