J’ai fait l’expérience de la Conscience cosmique et de la non dualité lors d’une méningite. J’ai pu alors voir ce qu’enseignent tous les maîtres spirituels : derrière les apparences de l’univers, se trouve la réalité d’un Etre, d’une Conscience unique et éternelle.
Cette expérience vient après 30 années d’études spirituelles et d’harmonisation intérieure qui ont permis que je ne sois pas déconcertée, mais qu’au contraire je puisse vivre ce qui m’était proposé comme une véritable révélation spirituelle.
Dés que j’ai émis intensément le souhait de partir, de voir cette autre réalité dont nous parlent les mystiques depuis des siècles, je suis entrée instantanément dans l’énergie infinie. Pendant un moment que je ne peux évaluer, le temps n’existant plus dans cette autre réalité, je n’ai plus eu de pensée, plus de personnalité, tout en conservant le sentiment de mon identité, plus de corps que j’avais quitté car je ne souffrais plus du tout. Le silence avait tout englouti.
Restait la conscience, totalement lucide, reliée à ce flux lumineux au point de s’y dissoudre. Je n’étais plus que cette conscience affinée, sublime. Elle baignait dans l’énergie cosmique, et en même temps elle était grand ouverte, sans limite, comme si elle contenait l’espace de l’univers. Elle percevait, ressentait, avait toutes les propriétés de l’être vivant, mais évoluait dans une dimension qui se situait hors de la matière et hors du temps.
La sensation était douce, paisible. La lumière que je voyais par une perception autre que sensorielle, était intense, éclatante sans être aveuglante et permettait à ma conscience d’embrasser toute l’immensité, rendant l’univers visible de tous côtés. J’avais une impression de légèreté. Peu importait que le corps soit malade puisqu’il n’y avait plus personne pour souffrir...
Plénitude, liberté, moment d’atemporalité.
Ma conscience était passée sur un autre plan de réalité, s’étendant à l’infini, d’où cette impression d’ouverture sur l’univers, jusqu’à le contenir en son entier. La lumière la traversait librement, elle était sa substance même, la nourrissait, la plongeait dans la béatitude. J’avais la sensation d’être en présence d’une Intelligence, Elle m’enveloppait et je me sentais totalement en confiance. Elle communiqua immédiatement avec moi, sans ambiguïté. Tout était clair. J’étais investie de perceptions extraordinaires qui me dotaient d‘une compréhension profonde et subtile de la vie. J’ai eu accès à la connaissance absolue, et ceci, de façon instantanée. J’ai compris la signification de l’univers, perçu comme un ensemble cohérent, un tout harmonieux qui me donna la certitude d’appartenir à une unité cosmique ayant un sens.
Je me suis sentie immédiatement aimée par cette Conscience suprême. J’ai compris que cette lumière était l’Amour absolu que je ressentais. « On » me tendait les bras. Cependant il n’y avait personne qui aimait et je n’avais personne à aimer. Il y avait seulement l’Amour, compréhensif, respectueux, ouvert sans restriction, sans intention... Cette vision de la lumière n’était pas extérieure, n’occupait pas un monde objectif qui m’aurait entouré. Elle était ma conscience elle-même. J’ai compris que ce que je voyais était le déploiement de ma propre conscience.
C’était bien une réalité non duelle que j’expérimentais, il n’y avait plus de différence entre moi qui percevait et ce qui était perçu. Les perceptions et les visions étaient l’expression du rayonnement de ma conscience. La lumière vers laquelle je me suis sentie aspirée était l’essence de ma conscience et de la conscience de chaque être. La même énergie traverse chaque chose, vue comme un fragment infini du grand Tout cosmique.
Je sens intensément l’énergie qui coule à travers moi comme à travers nous tous sur cette terre. Tout est saturé d’essence cosmique. Tout émerge de cette source et y retourne. Cette énergie dans laquelle nous baignons, c’est l’Amour qui nous traverse continuellement, que nous le voulions ou non, que nous en ayons conscience ou non. Notre tâche ici est de nous relier à cet Amour, de placer notre conscience dans cette perception de présence continue, dans cette vision de non-séparation avec l’absolu.
A partir de là, il n’y a plus ni dualité bon/mauvais, ni séparation intérieur/extérieur.
Ces distinctions sont seulement des vues de l’esprit qui cherche à différencier les choses. Tout est égal en essence. Rien ne nous différencie jamais, si ce n’est notre esprit habitué à distinguer les innombrables formes de l’existence. Touchée par une vérité qui ne pourra jamais être atteinte par la pensée, mais par l’expérience directe, je me suis libérée de la confusion et des oppositions produites par l’esprit.
Ma conscience, capable désormais d’intégrer toute la réalité de façon cohérente et harmonieuse, se meut de manière semblable. Elle reste liée à la Conscience suprême, au cœur même de l’existence quotidienne. Tout est Elle, et c’est avec cette communion constante que le monde est regardé. Une fois que nous avons été touchés par l’universalité de la conscience, il n’est plus possible de rester dans une perspective temporelle et duelle. La conscience naturelle de l’absolu se maintient chaque jour, au sein des occupations habituelles, sur un fond de sérénité et de silence intérieur. Je me sens plus légère, détendue, sans entrave, en harmonie avec mon être profond, sans besoin de me rattacher à une personnalité fabriquée et sans vrai réalité. Je prête moins attention aux pensées, aux sentiments, aux humeurs qui viennent et disparaissent sans laisser de traces. Cet éveil à l’unité de toutes choses m’a délivré de l’idée : ceci est ma pensée ou mon sentiment. Je sens que l’ego se distend peu à peu, que l’attachement à ce moi, avec sa mémoire, ses désirs, ses attentes, disparaît tout naturellement...
J’ai la sensation profonde d’être, sans besoin de me projeter vers un futur imaginé, ni de me rattacher à la nouvelle personne que je suis devenue, même si celle-ci est en paix.
En réalité, celle d’aujourd’hui, transformée par son expérience, n’existe pas plus que celle d’hier, avec ses erreurs et sa quête bien maladroite. Ce sont deux personnalités, deux enveloppes, qui recouvrent la conscience qui elle, existe de toute éternité. Ce que nous prenons pour notre identité n’est qu’un défilé de personnages dans le temps, sans substance propre. Dans cet état si proche de la mort que j’ai connu, nous ne pouvons plus nous identifier à notre corps, bien sûr, ni non plus à notre rôle social, notre culture, notre travail, nos passions, nos divertissements, notre sexe, notre tempérament, notre personnage sur la scène du monde, tout ce catalogue confus que nous prenons pour notre identité personnelle. La conscience ne dépend pas de ce moi empirique. Elle a un sens en soi. Nous assimilons habituellement notre conscience à l’univers objectif qui l’occupe et nous réduisons couramment notre conscience à tous les éléments dont nous voyons les effets sur notre personnalité et notre existence. L’absence d’objet est même considéré comme une « perte de conscience ». La conscience ordinaire se résume à être conscient de quelque chose.
Le temps psychologique exerce sa toute puissance grâce à la pensée omniprésente qui projette sans cesse et objective chaque état, chaque expérience. Or, ma conscience était silencieuse et inactive sur le plan phénoménal pendant cette expérience, et cependant bien présente. Tous les éléments qui d’ordinaire l’alimentent, la pensée, le sentiment, l’émotion, le désir d’action, étaient absents, laissant la lumière se déployer dans ce vide. C’était une conscience consciente d’elle-même, pure et de valeur universelle. Ce sentiment d’identité que j’ai conservé intact tout au long de mon expérience appartenait à cette conscience conscience-de-soi.
Je sais désormais que la conscience originelle est vide d’objet, seulement conscience-de-soi.
Elle n’est pas projetée dans le temps, dans l’action, elle n’est pas dispersée par l’attention et l’identification aux objets comme l’est notre conscience ordinaire dans la vie quotidienne. La conscience originelle ne peut se déployer que dans le vide qui existe entre deux pensées, deux sentiments. L’esprit y est suspendu, l’objet y est absent, le temps n’y est plus projeté. Cette ouverture sans intention est notre vraie nature, là où la conscience est laissée à elle-même. La conscience conscience-de-soi n’a rien à voir avec les allées et venues de l’ego, entièrement absorbé par les préoccupations et entraîné par les évènements. L’ego est créé par la pensée, qui lui donne une consistance et l’illusion de la permanence.
L’expérience empirique que l’ego connaît, ce sont toutes ces pensées et ces sensations qui passent continuellement. L’ego est le sujet de toutes les impressions, sujet sans cesse en devenir. Pourtant, demeure en nous le sentiment profond d’une identité permanente, malgré toute la diversité du vécu. C’est la conscience, qui possède en elle une unité transcendantale. La vie réside dans la conscience, et cette conscience existe de toute éternité, en dehors de notre personnalité avec ses convictions, ses aspirations, ses regrets, ses souvenirs. Je Suis conscience, c’est là ma véritable identité.
Ce que m’a apporté cette expérience, c’est la capacité de comprendre en profondeur qu’il existe une part de la conscience qui ne peut être assimilée à notre mental, à notre capacité d’action ou à l’univers objectivé qui l’occupe ordinairement. Elle se situe sur un autre plan, que la matérialité de notre existence terrestre, la dimension espace-temps dans laquelle nous pensons et agissons et notre esprit souvent distrait, superficiel, rarement intensément recueilli, nous voilent. Toutefois, chaque être est libre de placer sa conscience sur le plan strictement humain ou de l’ouvrir sur l’espace immense, afin qu’elle réintègre sa nature essentielle.
- Elle s’organise différemment en chacun de nous, selon la place que notre ego lui laisse.
- Elle apporte toujours réalité au lieu où elle se place.
- Elle est la Vie même, se tenant en elle-même, unie à la lumière significatrice d’Amour.
NICOLE MONTINERI
La Conscience-Espace