lundi 28 septembre 2009

Ainsi parlait Dostoïevski


Portrait de F. M. Dostoïevski par Constantin Vassiliev, 1973

Dostoïevski


« La peur est la malédiction de l’homme. »

« L’homme n’a inventé Dieu qu’afin de pouvoir vivre sans se tuer. »

« Ce qui est étonnant, ce n’est pas que Dieu existe en réalité mais que cette idée de la nécessité de Dieu soit venue à l’esprit d’un animal féroce et méchant comme l’homme, tant elle est sainte, touchante, sage, tant elle fait honneur à l’homme. »

Tous sont malheureux parce que tous ont peur d'affirmer leur volonté. Si l'homme a été jusqu'à présent si malheureux et pauvre, c'est justement parce qu'il avait peur d'affirmer le point capital de sa volonté et qu'il en usait furtivement, comme un écolier. Je suis terriblement malheureux car j'ai terriblement peur. La peur est la malédiction de l'homme... Mais j'affirmerai ma volonté, j'ai le devoir de croire que je ne crois pas. Je commencerai, et je finirai, et j'ouvrirai la porte. Et je sauverai. Cela seul sauvera tous les hommes et, dans la génération suivante, les transformera physiquement ; car dans l'état physique actuel, j'y ai longtemps réfléchi, l'homme ne peut en aucun cas se passer de l'ancien Dieu. J'ai cherché trois ans l'attribut de ma divinité et j'ai trouvé : l'attribut de ma divinité est ma volonté ! C'est tout ce par quoi je puis manifester sur le point capital mon insoumission et ma terrible liberté nouvelle. Car elle est terrible. Je me tue pour manifester mon insoumission et ma terrible liberté nouvelle.


(Les Démons, p.350, in Les œuvres littéraires de Dostoïevski, vol. XI, Éd. Rencontre)


Le Français est rarement aimable de premier jet ; on dirait toujours qu'il est aimable par ordre, par calcul. Si, par exemple, il voit la nécessité d'être, à l'encontre de l'ordinaire, fantaisiste, original, la fantaisie la plus absurde et le plus artificielle revêt chez lui des formes admises d'avance et depuis longtemps ramenées au rang des banalités. À l'état naturel, le Français ressort au positivisme le plus bourgeois, le plus ennuyeux, le plus plat. C'est, somme toute, l'être le plus ennuyeux qui soit au monde.


(Le Joueur, p.259, in Les œuvres littéraires de Dostoïevski, vol. V, Éd. Rencontre)


Dans ces instants rapides comme l’éclair, le sentiment de la vie et la conscience se décuplaient pour ainsi dire en lui. Son esprit et son cœur s’illuminaient d’une clarté intense ; toutes ses émotions, tous ses doutes, toutes ses inquiétudes se calmaient à la fois pour se convertir en une souveraine sérénité, faite de joie lumineuse, d’harmonie et d’espérance, à la faveur de laquelle sa raison se haussait jusqu’à la compréhension des causes finales...

Ces instants, pour les définir d’un mot, se caractérisaient par une fulguration de la conscience, et par une suprême exaltation de l’émotion subjective.

À cette seconde – avait-il déclaré un jour à Rogojine quand ils se voyaient à Moscou – j’ai entrevu le sens de cette singulière expression : il n’y aura plus de temps.


Fédor DOSTOÏEVSKI, L'Idiot


Ce dont l’homme a bien plus besoin que de son bonheur personnel, c’est de savoir, ainsi que de croire à tout instant, qu’il existe déjà quelque part, pour tous et pour le tout, un bonheur parfait et serein... La loi entière de l’existence humaine se résume à ce que l’homme puisse toujours révérer l’infiniment grand. Si l’on enlève aux hommes ce qui est infiniment grand, ils cesseront de vivre et mourront désespérés. L’homme a besoin de l’illimité et de l’infini tout aussi bien que de la petite planète où il habite. Oh vous tous, mes amis ! Vive la Grande Pensée, la Pensée Éternelle et Infinie. Chacun, qui que ce soit, a besoin de révérer ce que représente la Grande Pensée.


Fédor DOSTOÏEVSKI, Les Possédés

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