"Fuyant la critique", huile sur toile de Pere Borrell del Caso,
Madrid (1874)
Quelque part, en
Absurdie
« Je disais que le monde est absurde et
j'allais trop vite. Ce monde en lui-même n'est pas raisonnable, c'est tout ce
qu'on peut en dire. Mais ce qui est absurde, c'est la confrontation de cet
irrationnel et de ce désir éperdu de clarté dont l'appel résonne au plus
profond de l'homme. L'absurde dépend autant de l'homme que du monde. Il est
pour le moment leur seul lien. Il les scelle l'un à l'autre comme la haine
seule peut river les êtres. »
Albert Camus
Albert Camus, dans « Le mythe de Sisyphe »
(1942), précise que
« l'absurde naît de cette confrontation
entre l'appel humain et le silence déraisonnable du monde. »
En réalité, ce sentiment d’absurdité n’est ni
intrinsèque à l’homme ni propre à l’univers : il provient d’une absence de
lien entre l’un et l’autre.
L’être ne sait pas pourquoi il est au monde et
l’univers ne lui enseigne rien à ce sujet.
A l’inverse, l'animal, gouverné par l'âme
groupe, ne possède pas d'âme individualisée et est régi
par l’instinct.
L’instinct animal émane de l’inconscient
collectif de son groupe qui met à sa disposition des réponses adaptées aux
diverses situations de l’existence, sans faire appel à la réflexion et sans
besoin d’éducation.
L’animal sait tout dés sa naissance quand
l’homme a tout à apprendre.
L’individuation humaine lui permet de substituer
à l’instinct l’intelligence consciente. De fait, l’instinct qui bénéficie des
expériences vécues par le groupe antérieurement, est remplacé par la conscience
que chaque être humain doit utiliser pour apporter des solutions à ses
problèmes.
A partir de là, ce n’est qu’à posteriori que
l’on pourra comprendre le sens de notre vie, au travers de nos expériences
vécues, et encore, à la condition d’en faire l’effort. Et c’est bien là le plus
difficile…
« La vie doit être vécue en regardant
vers l'avenir, mais elle ne peut être comprise qu'en se retournant vers le
passé. »
Sören Kierkegaard
Il faut toujours garder à l’esprit ce fil rouge de notre vécu pour en
saisir le sens et continuer d’aller de l’avant.
« L’évolution future de
l’être humain on peut la regarder sur deux plans, on peut la regarder sur le
plan collectif comme ce fût le cas pendant des milliers d’années et on peut la
regarder sur le plan individuel. Avec l’évolution des nouvelles générations,
l’être humain sera obligé de prendre conscience, c’est évident parce que l’être
humain devient intelligent, il entre dans une phase d’évolution où l’expérience
individuelle, personnelle, antérieure, n’était pas basée sur une intelligence
profonde de soi, l’être humain est un être conditionné, il est très
conditionné, l’histoire l’a complètement conditionné, la conscience de la race
l’a conditionné. Avec l’évolution et ces évènements qui vont se passer à
l‘avenir, l’être humain sera obligé de se prendre en mains, dans ce sens qu’il devra
développer son propre centre de gravité, faire son propre contact intérieur si
vous voulez.
L’évolution de la conscience est reliée à l’ouverture des centres
psychiques. L’homme nouveau passera d’un état mental à un autre avant de
bénéficier de sa relation avec l’invisible. La fin du cycle favorisera cette
ouverture des centres et l’homme verra que la vie et sa réalité s’étendent
au-delà de ce que la raison peut entrevoir. La fin du cycle et l’avènement
d’une science nouvelle sont deux aspects profondément troublants de la nouvelle
évolution. L’homme fera face à des possibilités qu’il aurait crues, il y a
seulement quelques générations, le produit d’une imagination fertile. Ces
choses se produiront en un clin d’œil, et le choc qu’elles feront alors sera grand. »
Bernard de Montréal La Fin des Temps (1988)
En attendant ce jour
dont la date nous échappe, il faut tout faire pour sortir du cadre et échapper
au carcan de l’incarnation, cette prison de chair dans la matière qui nous fait
oublier qui nous sommes vraiment et pourquoi nous sommes là. Comprendre le lien
entre l’univers et les poussières d’étoiles que nous sommes pour quitter
l’absurdité de vivre et retrouver l’essence réelle de l’existence, voilà notre
mission essentielle ici-bas.
« Du bon usage
des crises.
Ne soyons pas si mesquins, et disons du bon usage des
crises, catastrophes, drames, naufrages divers. J’ai gagné la certitude, en
cours de route, que les catastrophes sont là pour nous éviter le pire.
Et le pire, comment pourrais-je exprimer ce qu’est le pire ?
Le pire, c’est bel et bien d’avoir traversé la vie sans naufrages,
d’être resté à la surface des choses, d’avoir dansé
au bal des ombres, d’avoir pataugé dans ce marécage des on-dit, des apparences, de n’avoir jamais été
précipité dans une autre dimension. Les crises, dans la société où nous vivons,
sont vraiment ce qu’on a encore trouvé de mieux, à défaut de maître, quand on
n’en a pas à portée de main, pour entrer dans l’autre dimension.
Dans notre société, toute l’ambition, toute la concentration est
de nous détourner, de détourner notre attention de tout ce qui est important.
Un système de fils barbelés, d’interdits pour ne pas avoir accès à notre profondeur.
C’est une immense conspiration, la plus gigantesque
conspiration contre l’âme, contre l’esprit.
Dans une société où tout est barré, où les chemins ne sont pas
indiqués pour entrer dans la profondeur, il n’y a que la crise pour pouvoir
briser ces murs autour de nous. La crise, qui sert en quelque sorte de bélier
pour enfoncer les portes de ces forteresses où nous nous tenons murés, avec
tout l’arsenal de notre personnalité, tout ce que nous croyons être. »
Christiane Singer
Conférence prononcée le 15 juin 1991 à l’occasion du dixième
anniversaire du Centre Dürckheim.
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