jeudi 9 décembre 2010

Morceaux choisis - Krishnamurti


Krishnamurti


” Quand l'homme se libère de l'expression sociale de son envie, de son ambition, de son arrogance, de sa réussite, de son statut — quand il se libère de tout cela, c'est alors qu'il est complètement seul. Et c'est tout autre chose. Alors est une immense beauté, alors est la sensation d'une immense énergie.”

Extrait du livre “Le Livre de la Méditation et de la Vie ”


La mutation psychologique


« Si c’était un processus évolutif, je ne l’appelle rais pas mutation. Une mutation est un changement d’état brusque.
L’homme qui ne vit plus aucune expérience est un homme éveillé. Mais voyez ce qui se passe partout : on recherche toujours des expériences plus profondes et plus vastes. On est persuadé que vivre des expériences, c’est vivre réellement. En fait, ce que l’on vit n’est pas la réalité, mais le symbole, le concept, l’idéal, le mot. Nous vivons de mots. Si la vie dite spirituelle est un perpétuel conflit, c’est parce qu’on y émet la prétention de se nourrir de concepts comme si, ayant faim, on pouvait se nourrir du mot « pain ». Nous vivons de mots et non de faits. Dans tous les phénomènes de la vie, qu’il s’agisse de la vie spirituelle, de la vie sexuelle, de l’organisation matérielle de nos affaires ou de nos loisirs, nous nous stimulons au moyen de mots. Les mots s’organisent en idées, en pensées et, sur ces stimulants, nous croyons vivre d’autant plus intensément que nous avons mieux su, grâce à eux, créer des distances entre la réalité (nous, tels que nous sommes) et un idéal (la projection du contraire de ce que nous sommes). Ainsi, nous tournons le dos à la mutation.
Mourez au temps, aux systèmes, aux mots.
Mourez à la Durée. Mourez à la conception total du Temps : au passé, au présent et au futur. Mourez aux systèmes, mourez aux symboles, mourez aux mots, car ce sont des facteurs de décomposition. Mourez à votre psychisme car c’est lui qui fabrique le Temps psychologique.
Ce Temps n’a aucune réalité.»

La peur

« La peur est Temps et Pensée. Nous donnons une continuité à la peur au moyen de la pensée, et au moyen de la pensée nous donnons une continuité au plaisir. Ce fait est simple : en pensant à l’objet de notre plaisir, nous conférons au plaisir une continuité, et nous faisons de même pour la peur, en pensant à l’objet de notre peur. Si j’ai peur de vous - ou de la mort, ou d’autre chose -, je pense à vous ou à la mort et j’entretiens ainsi la peur. Si, par contre, il nous arrive de rencontrer face à face l’objet de notre peur, celle-ci cesse.
La peur est toujours la peur de quelque chose. Examinez la question très attentivement et vous le verrez. Toute peur, même inconsciente, est le résultat d’une pensée. La peur généralement répandue dans tous les domaines et la peur psychologique, à l’intérieur du moi, sont toujours la peur de ne pas être. De ne pas être ceci ou cela, ou de ne pas être tout court. La contradiction évidente entre le fait que tout ce qui existe est transitoire et la recherche d’une permanence psychologique, voilà l’origine de la peur. Pour être libéré de la peur, on doit explorer l’idée de permanence dans sa totalité. L’homme qui n’a pas d’illusions n’a pas peur. Cela ne veut pas dire qu’il soit cynique, amer ou indifférent. »

Extraits de « Entretien avec Krishnamurti »
par Carlo Suarès
(revue Planète, n°14 / jan-fév. 1964)

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