Le chemin de l’éveil
« Ne croyez pas sur la foi des
traditions quoiqu’elles soient en honneur depuis de nombreuses générations et
en beaucoup d’endroits ; ne croyez pas une chose parce que beaucoup en
parlent ; ne croyez pas sur la foi des sages des temps passés ; ne
croyez pas ce que vous vous êtes imaginé, pensant qu’un dieu vous l’a inspiré.
Ne croyez rien sur la seule autorité
de vos maîtres ou des prêtres.
Après examen, croyez ce que vous-même
aurez expérimenté et reconnu raisonnable, qui sera conforme à votre bien et à
celui des autres. »
Le Bouddha (Kalama sutta)
Message du Bouddha à ses disciples
« Il existe un chemin qui mène
des misères écrasantes de cette vie transitoire au réel bonheur, et il est
ouvert à tous.
Mais la voie est dure et il n’existe
aucune méthode magique pour la rendre facile. Elle implique une constante et
opiniâtre étude de soi-même ; elle signifie renoncer à tout ce à quoi vous
attachez à présent tant de prix de manière insensée : votre moi actuel,
avec tous les désirs insatiables et ignorants, et les besoins aveugles qui
l’ont rendu ce qu’il est.
Personne ne peut emprunter ce chemin
pour vous, ni homme, ni dieu ; vous devez l’emprunter vous-même. Aussi
commencez maintenant. Soyez alerte et inlassablement vigilant. Faîtes l’effort
le plus soutenu dont vous soyez capable.
Ne laissez rien vous séduire qui vous
attarderait en cours de route, ni complaisance envers vous-même, ni le besoin
erroné d’autopunition, ni vaine curiosité métaphysique, ni le désir de la
compagnie de ceux qui ne sont pas encore prêts à suivre le Sentier.
Avancez sans compromission aucune vers
le but. Et la victoire sur le moi – la plus grande de toutes les victoires et
la clé de la paix et de la joie dans cette vie et au-delà – sera
remportée. »
………………………
« La
raison d’être d’un chemin spirituel et le message fondateur de toute religion
reposent sur le fait qu’il existe en l’être humain un aspect de sa nature qui
n’est pas soumis aux limitations du temps et de l’espace, et qu’il lui est
possible de découvrir par un travail approprié sur lui-même.
Michèle Michaël
« Lorsqu’un aspirant se lance dans une voie
spirituelle, quelle qu’elle soit, à la recherche de ce que certains dénomment
la libération, d’autres leur Etre Suprême, ou encore, leur Nature-de-Bouddha,
il est en fait en quête de lui-même,
de l’énigme de son Origine. Il lui
faut perdre totalement l’idée qu’il peut accéder à un monde d’une nature aussi
sacrée et impénétrable communément pour découvrir le mystère de son Origine et
de la Création tout en restant ce qu’il est ordinairement, avec ses penchants
indésirables (sexuels ou autres), ses pensées chaotiques et sa manière
irréaliste de concevoir l’existence – ce qui, malheureusement, s’avère être le
souhait inconscient ( ou même parfois conscient) d’une grande partie des hommes
et des femmes engagés dans une voie spirituelle. »
« La seule préoccupation d’un chercheur doit
consister à trouver comment s’éveiller de cet étrange état d’absence à lui-même et de rêvasserie futile dans
lequel il passe si pitoyablement sa vie, et qui est à l’origine de toutes les
actions irréfléchies et du malheur qui afflige ce monde – un état d’être devenu
tellement partie intégrante de sa nature qu’il lui est quasiment impossible de
parvenir à le reconnaître.
Tout le temps durant lequel un homme est plongé dans
son sommeil nocturne, il ne peut
absolument pas savoir qu’il dort ; ce n’est que lorsqu’il s’éveille au
matin qu’il peut affirmer qu’il a dormi. De même, sans jamais l’appréhender
d’ordinaire, il passe son existence dans une
autre sorte de sommeil, un bien curieux sommeil
diurne où, comme il vient d’être expliqué, une absence à lui-même très particulière dans laquelle, coupé de
son Essence Primordiale, il ne fait que rêver
sa vie et, par conséquent, ne peut réaliser de quelle manière il n’existe pas !
L’homme vit dans un monde peuplé d’endormis qui
bercent les rêves d’autres endormis, lesquels s’imaginent qu’emmagasiner des
connaissances intellectuelles tirées de divers livres suffit pour provoquer
chez eux une transformation spirituelle – ou même l’illumination !
En réalité, une démarche spirituelle accomplie dans
ce curieux sommeil diurne ou absence à soi-même ne peut avoir de valeur et, par
conséquent, ne peut en aucun cas procurer à un aspirant les fruits espérés.
Tout travail spirituel réel implique de la part du
chercheur un contrôle délibéré et répété des mouvements désordonnés de son
mental. Afin d’y parvenir, une pratique assidue de la méditation ainsi que
d’autres exercices de concentration qu’il lui faut effectuer dans la vie active
s’avère indispensable pour re-diriger son attention vers le but de sa quête
chaque fois qu’elle va à la dérive. »
« Il existe dans la création une loi que nul ne
peut modifier, à savoir que pour se retrouver –retrouver sa véritable Identité
Princière-, l’homme doit consentir à se perdre d’abord, autrement dit, à perdre
l’image qu’il a fabriquée de lui-même et à laquelle il est attaché, la manière
dont il s’est habitué à concevoir sa vie, son rêve irréaliste d’une existence
terrestre idyllique, son souhait d’un corps à jamais jeune, ses désirs
insatiables (qui ne cessent de lui procurer des tourments), ses ambitions
(grandes ou petites) et ainsi de suite.
Tant que cette perte de lui-même le rebute et
demeure inenvisageable pour lui, il ne pourra jamais accepter de fournir les
efforts requis pour découvrir en lui l’aspect ineffable de sa nature, son
Souverain Céleste, dont il pressent avec appréhension qu’il éclipsera inévitablement son individualité ordinaire – de même
que le lever de soleil ne peut qu’éclipser les ténèbres de la nuit lorsqu’il se
met à répandre sa lumière sur la terre.
La réponse que l’aspirant cherche au mystère de son
incarnation et aux problèmes de la vie extérieure se trouve dans le présent. Aussi, plus il parviendra à se
maintenir dans un état de continuelle présence intérieure, libre du poids du
passé et de la crainte de l’avenir, plus il aura accès à des niveaux de
conscience supérieurs en lui, nécessaires pour lui permettre de rejoindre un
aspect indicible de son être qu’il porte dans le fond de lui-même – un aspect
sanctifié de la plus haute subtilité éthérée, qui constitue sa Véritable
Nature. »
« Au commencement de son engagement dans une
quête spirituelle (qui est au fond la quête de son Origine, de sa Véritable
Identité), l’aspirant a besoin de tous les supports dont il peut disposer pour
l’aider à demeurer concentré durant ses pratiques de méditation – des supports
tels qu’une intense sensation corporelle, le mouvement de son abdomen lors de l’inspir
et de l’expir, ou encore le précieux soutien que l’on dénomme en Inde le
« Nada », un son cristallin audible à l’intérieur des oreilles et de
la tête.
Il ne pourra éviter de constater que, pendant un
certain temps, il se sent plus ou moins présent intérieurement et conscient de
lui-même d’une manière qui diffère un peu – ou parfois beaucoup, tout dépend de
son sérieux – de son état d’être habituel ; puis, quelque chose de
mystérieux se produit, qui dépasse sa compréhension et, avant qu’il ne se rende
compte de ce qui s’est passé, il n’est, pour ainsi dire, plus là, perdu à
lui-même, englouti à nouveau dans une subtile torpeur mentale et dans ses
rêveries coutumières ! »
« L’homme du commun vit dans une totale
ignorance de lui-même, de l’aspect énigmatique de sa double nature enfoui en
son être, et des lois mystérieuses régissant le Cosmos, qui le dépassent. En
considérant que le Temps est effectivement courbe dans son déroulement et non
pas rectiligne comme il l’imagine ordinairement, le chercheur ne doit-il pas se
demander – en se rappelant l’étrange tendance inhérente à la nature de l’être
humain à vouloir continuellement repenser, redire et refaire tout ce qu’il a
pensé, dit et fait dans le passé – s’il consentirait, sans regret aucun, à
reproduire éternellement tout ce avec
quoi il est occupé dans le présent, en sachant que ses actes vont creuser
toujours plus profondément leur sillon en son être, l’assujettissant ainsi à un
recommencement sans fin duquel il ne pourra plus se libérer ?
C’est là une perspective qui remplit d’effroi et qui
fait songer aux paroles troublantes du Bouddha sur « l’enchainement de
l’homme à la ronde des naissances et des morts » !
De surcroit, l’aspirant doit s’interroger sur
l’étrange possibilité (qui ne peut manquer de faire surgir en lui un sentiment
d’inquiétude) que chaque pensée qui lui est venue à l’esprit, chaque parole
qu’il a prononcée et chaque acte qu’il a accompli existent toujours sur un plan énigmatique qui demeure insaisissable
à l’esprit limité de l’homme de la rue. »
« Au fur et à mesure que le chercheur se
détachera davantage de ce qui se présente à son regard, devenant ainsi plus
libre intérieurement et plus conscient de lui-même, il réalisera la nécessité
pour son évolution vers encore d’autres plans d’être d’accorder de moins en
moins de crédit à la réalité extérieure (qu’il reconnaitra alors n’être que
relative) et de plus en plus d’importance à la Réalité Intérieure qui, en dépit
de son invisibilité, devra finir par prendre toujours plus de place dans sa vie
jusqu’à s’imposer comme la seule à laquelle il acceptera de se fier.
Suite à tout ce travail effectué sur lui-même, il
découvrira qu’en raison de sa capacité à être plus présent et plus conscient de
lui-même lors de son contact avec la vie extérieure, les différentes
impressions qui l’envahissent du dehors seront, pour ainsi dire, mieux digérées
par lui et, par conséquent, n’auront plus sur son être les mêmes effets
indésirables qu’auparavant, lorsqu’il les recevait passivement en lui. »
« Il faut que les chercheurs parviennent à
reconnaître la nature des différents obstacles qui leur barrent la route vers
leur Etre Suprême et les empêchent de s’immerger en Lui, en particulier celui
de l’attachement qu’ils peuvent
toujours éprouver envers leur état d’être coutumier.
Il est évident qu’une cruche pleine d’eau doit
préalablement être vidée de son contenu avant que l’air ne puisse l’occuper. Il
en est de même pour l’aspirant. Il est nécessaire qu’il soit d’abord vide pour pouvoir Etre ; en d’autres termes, il faut qu’il abandonne son
individualité ordinaire pour permettre à l’Infini de prendre la place ainsi
libérée et de le combler de sa Sainte Présence.
Le chercheur doit réaliser que ce n’est qu’en
atteignant un certain degré dans l’intensité de sa concentration qu’il peut
espérer se défaire de son individualité coutumière pour pouvoir rejoindre en
lui un tout autre état d’être et de conscience que celui qu’il connaît
communément. »
« La perception du Temps se révèle
mystérieusement différente selon le niveau de conscience où l’on se trouve
placé. Une vérité perçue depuis d’autres dimensions peut sembler
incompréhensible par la logique ordinaire. Ainsi, le mouvement circulaire du
temps ramène les mêmes conditions et les mêmes situations sans que ceux qui les
vivent ne soupçonnent qu’ils sont enfermés dans un cercle de récurrence ;
toutefois, à l’intérieur d’un cycle temporel donné, les événements ne peuvent
se répéter de façon tout-à-fait
analogue.
Autrement dit, lorsque le Temps recommence sa trajectoire,
d’une façon inexplicable ordinairement, tout se reproduit de la même manière,
tandis qu’au sein d’un même cycle temporel, s’il y a répétition, ce n’est
jamais de façon exactement identique. »
« Il s’avère toutefois nécessaire de spécifier
qu’il est extrêmement difficile de travailler seul et qu’il faut avoir touché
le fond du désespoir avant de trouver son chemin sans aide d’un territoire
intérieur aussi mystérieux et inhabituel, parsemé d’obstacles de toutes sortes
ou même de dangers invisibles. »
« C’est une loi irréfutable de la nature que
seuls les plus forts parviennent à survivre, les autres sont dévorés ou
éliminés. Il en va de même dans le domaine spirituel. Seuls les plus solides et
déterminés arrivent au bout du chemin, les autres succombent en route et sont
avalés ou détruits par la vie ! »
Extraits du livre de
Salim Michaël
« Les
fruits du Chemin de l’Eveil »
Guy Tredaniel Editeur
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