samedi 2 novembre 2013

Des mots sur mes maux




« La vie est une maladie de l'esprit. »
Novalis


Des mots sur mes maux

A force de soigner les maux d’autrui depuis des années je m’étais, sans doute plus ou moins inconsciemment, persuadé que j’étais à l’abri de ces problèmes-là. Et, au pire, si la maladie me tombait dessus, je devais être capable de faire pour moi ce que je faisais pour les autres : guérir ou soulager.

Seulement voilà, aujourd’hui le cancer a décidé d’investir mon organisme, « à l’insu de mon plein gré ».

Ce rappel à l’ordre, brutal et inattendu, me remet en face des réalités de ce monde, en me confirmant que je n’ai pas un statut de privilégié et que suis désormais un patient parmi les autres. Qui plus est, cette situation me dévoile mes limites, puisque je n’ai pas diagnostiqué de cancer dans un premier temps et ne l’ai donc pas vu venir, et ne suis pas arrivé à l’éradiquer par la suite; du moins jusqu’à présent.

La nature humaine est ainsi faite qu’on ne peut toucher du doigt que ce qui nous atteint directement. C’est d’autant plus vrai pour la maladie et ses conséquences ; on en parle à longueur d’année pour les autres, sans plus d’émotion, sans doute avec plus ou moins de commisération, mais en restant à une certaine distance qui nous rassure. Mais quand cela devient une affaire personnelle, c’est tout juste si on ne crie pas au scandale et à l’injustice. L’attitude des médecins à ce sujet est révélatrice ; ils sont les pires malades parce qu’ils n’ont jamais envisagé qu’ils le seraient un jour et ce tout simplement parce quand on est dans le camp des soignants on ne peut être conscient de l’état des patients, et surtout des rapports de peur qui s’instaurent entre eux-mêmes et leur maladie.


Vivre avec sa maladie, c’est apprendre à être à l’écoute de son corps, à la recherche de la moindre sensation, de bien-être ou de mal-être, significative de l’évolution du mal, pour se rassurer si tout va mieux ou pour se préparer au grand passage en cas de détérioration de son état. Mais souvent quand il y a maladie c’est que le « mal a dit » ce qui était latent en nous et que nous avons toujours refusé de voir ou d’affronter ; c’est le résultat de cette fuite que nous payons alors somatiquement. Dis-moi ce que je fuis et tu sauras ce que je suis. Comprendre sa maladie, c’est déjà entrer dans sa guérison, à moins qu’elle ne soit karmique.

L’homme ne peut s’arrêter de penser, son esprit n’est jamais en repos et il se nourrit de flots d’émotions continuels qui constituent son carburant existentiel. Quand tout va bien, il se berce d’émotions positives qui contribuent à son bien-être ; quand tout va mal, les émotions négatives coulent en cascade et alimentent des déprimes temporaires ou une dépression, plus ou moins longue, en nourrissant alors des troubles psychosomatiques.

Il est important dans ces contextes déstabilisants de se recentrer sur soi, de bien hiérarchiser les valeurs véritables de la vie, de visualiser mentalement les agents pathogènes, de mettre en place une stratégie de défense imagée et de canaliser, voire réguler, ses émotions qui vont prendre de plus en plus d’ampleur.
Dans tous les cas de figures il faut, autant que faire se peut, adopter et conserver une attitude positive de confiance en soi, associée à un moral de vainqueur, pour pouvoir se connecter – ou se reconnecter -  à l’énergie intérieure d’auto-guérison qui est en nous.
C’est un peu la  méthode Coué adaptée à un traitement curatif ; il faut se convaincre que l’on va guérir pour pouvoir le faire.

Cette situation n’est pas nouvelle pour moi puisque voilà vingt ans j’ai déjà eu maille à partir avec le crabe et qu’il m’a fallu neuf mois de chimiothérapie pour le vaincre. Je pensais que c’était un adieu définitif ; apparemment, ce n’était qu’un au revoir.

Il va falloir réveiller le guerrier en moi pour adopter une conduite de lutte ; comme on entonne dans les grandes mobilisations : ce n’est qu’un début, le combat continue.
Voilà, j’ai habillé mon corps aux couleurs de mon cœur, quitté la stupeur, abandonné la peur et décidé de m’en remettre à mon propre guérisseur ; j’ai mis des mots sur mes maux et je me sens tout de suite mieux, prêt à reprendre ce credo parfois oublié : 
que c’est beau la vie…
pourvu qu’on en ait l’envie.


« Tout ce qui tremble et palpite
Tout ce qui lutte et se bat
Tout ce que j'ai cru trop vite
A jamais perdu pour moi.

Tout ce que j'ai failli perdre
Tout ce qui m'est redonné
Aujourd'hui me monte aux lèvres
En cette fin de journée. »

« C'est beau la Vie » -  Jean Ferrat

4 commentaires:

  1. Une maladie qui n'épargne personne et qui vous met la vie "en vrac"...
    De tout coeur avec toi...
    Hier soir, j'en parlais justement ici :
    http://leslecturesdeflorinette.over-blog.com/article-revivre-guy-corneau-120895974-comments.html#anchorComment

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    1. Merci. C'est le temps des travaux pratiques, pour voir si on a bien compris et intégré les préceptes de l'enseignement et de se prouver qu'on peut rester acteur en temps de crise, pour gérer au mieux et arriver à bon port.

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  2. Courage Ophoemon tu n'es pas seul ... petit convois d'énergies positives !!! ;)

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    1. Merci. Je suis preneur de toute énergie positive et d'autant plus si elle arrive en convoi...

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