samedi 9 janvier 2021

Le terminus

 

Le Voyageur au-dessus de la mer de nuages

         Caspar David Friedrich (1818)


« La vie de chaque homme est un chemin vers lui-même, l’essai d’un chemin, l’esquisse d’un sentier. »

Hermann Hesse


« La vie n'est pas un problème à résoudre mais une réalité dont il faut faire l'expérience. »

Sören Kierkegaard


Le terminus

C'est un voyage sans bagage, un aller sans retour, si ce n’est un ultime retour vers soi, un dernier regard éperdu vers ce que l’on quitte. Au bout de sa vie, la gageure est de savoir si l’on s’est connu, si l’on s’est compris.

Arrivé à destination, ai-je saisi le sens du trajet, le pourquoi du chemin parcouru.

La vie est un voyage illusoire où nous sommes toujours à l’extérieur de nous-mêmes, ce qui nous égare en nous faisant perdre de vue notre destination véritable. Nous passons notre vie à jouer un jeu de rôle que nous prenons trop au sérieux; nous prenons l’accessoire pour le principal et perdons de vue notre authentique raison d’être. Ainsi nous ne pouvons réaliser notre potentiel en tant qu’être spirituel et gaspillons l’énergie créatrice dont nous disposons à cet effet. 

Selon le psychologue suisse Carl Jung, l’homme a besoin de trouver un sens pour pouvoir continuer son chemin dans le monde. Sans ce sens, il est perdu dans le néant, au milieu de nulle part, et déambule dans le vaste labyrinthe de l’existence. Si l’idée d’un but de notre vie devait disparaître, nous serions irrémédiablement et définitivement rendus au néant, ce qui me semble inacceptable et insensé.

Apprendre à se connaître est la clé de notre existence; la connaissance de soi par l’intériorisation et l’introspection révélera seule quelle est notre véritable identité spirituelle.

Pour ce faire, nous devons rédiger notre biographie personnelle, faire l’inventaire de notre vécu ; c’est ce travail laborieux qui permet à chaque être de retrouver ou découvrir le sens profond de son existence. Il faut donc répertorier tous les événements de notre vie, les resituer chronologiquement dans leur contexte, en analyser les causes et conséquences avant de pouvoir en synthétiser le sens. Ceci peut sembler long et lourd, voire indigeste, mais on ne comprend bien que ce que l’on connaît parfaitement, et se connaître soi-même n’est sans doute pas le plus aisé mais reste le plus essentiel.

Il ne faut pas avoir peur de faire son bilan, seul face à soi-même, sans mensonge ni dissimulation.

C’est à ce prix, qu’une fois arrivés à destination, nous pourrons savoir pourquoi nous sommes montés dans ce train.

Le terminus, c’est la sortie du labyrinthe de l’incarnation, l’issue de ses méandres étouffants, avec la délivrance du temps et l’affranchissement de la réalité matérielle.

Au terminus, c’est là que tout finit et c’est là que tout commence.

Nous quittons la matière et la volatilité des choses pour nous consacrer au goût de l’éternité et à la soif d’absolu. Nous entrons alors de plain pied en spiritualité active et découvrons la vraie vie ailleurs.

Comme le dit le poète John Keats, dans une lettre adressée à ses frères George et Thomas le 21 décembre 1817, il faut être “capable d'être dans l'incertitude, le mystère et le doute, en oubliant l'exaspérante quête de la vérité et de la raison. Voilà l'état d'esprit qui convient.”

Tout au long de ta vie, ce n'est pas toi qui fais

 le chemin, c'est le chemin qui te fait ; l’important n’est pas de savoir où tu vas mais de comprendre que tu vas où tu dois aller.

Laisse tes pas te guider et suspends tes pensées ; la seule façon de trouver est de ne pas chercher.

Voilà, si tu as compris cela, alors tu es déjà arrivé.

« Nous sommes faits de mort. Cette chose que nous considérons comme étant la vie, c’est le sommeil de la vie réelle, la mort de ce que nous sommes véritablement. Les morts naissent, ils ne meurent pas. Les deux mondes, pour nous, sont intervertis. Alors que nous croyons vivre, nous sommes morts ; nous commençons à vivre lorsque nous sommes moribonds. Nous sommes endormis et cette vie-ci est un songe, non pas dans un sens métaphorique ou poétique, mais bien en un sens véritable. »

Fernando Pessoa - Le livre de l’intranquillité

« La vie doit être vécue en regardant vers l'avenir, mais elle ne peut être comprise qu'en se retournant vers le passé. »

Sören Kierkegaard