jeudi 19 mai 2022

Le rêve

 

Dessin de Valentine Hugo - Le rêve du 21 décembre (1929)


Le rêve

« Heureusement, certains sont nés avec un système immunitaire spirituel qui, tôt ou tard, rejette la vision illusoire de ce monde qui leur a été greffée depuis la naissance jusqu’au conditionnement social.

Ils commencent à sentir que quelque chose est mal ; apparaît alors la recherche de réponses. La connaissance intérieure et les expériences extérieures anormales leur montrent un côté de la réalité que les autres ignorent et ils commencent ainsi leur voyage vers l’éveil.

Chaque étape du voyage est faite en suivant leur cœur au lieu de suivre la foule et en choisissant la connaissance et non pas les voiles de l’ignorance. »

Henri Bergson

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Les visions oniriques se multiplient et restent plus longtemps dans la mémoire claire, par bribes difficiles à relier pour retrouver leur sens. Beaucoup de personnages, certains que je connais, d’autres non. Fluidité d’images en couleur dans un mouvement incessant.

Je suis à la fois au centre et à l’extérieur des scènes qui se déroulent.

« Le Rêve est une seconde vie » disait Gérard de Nerval, qui nous ouvre les portes du monde de l’esprit.

Depuis toujours, la fonction onirique pose le problème de la réalité. Le réel est-il ce que l’homme vit ou ce qu’il rêve ?

« Lao Tseu rêva une fois qu'il était un papillon, un papillon qui voletait et voltigeait alentour, heureux de lui-même et faisant ce qui lui plaisait. Il ne savait pas qu'il était Lao Tseu. Soudain, il se réveilla, et il se tenait là, un Lao Tseu indiscutable et massif. Mais il ne savait pas s'il était Lao Tseu qui avait rêvé qu'il était un papillon, ou un papillon qui rêvait qu'il était Lao Tseu. Entre Lao Tseu et un papillon, il doit bien exister une différence ! C'est ce qu'on appelle la Transformation des choses.  

                          Lao Tseu « Discours sur l'identité des choses »  

« Ne se peut-il faire que cette moitié de vie n'est elle-même qu'un songe, sur lesquels les autres sont entés [greffés], dont nous nous éveillons à la mort ? (...) Qui sait si cette autre moitié de la vie où nous pensons veiller n'est pas un autre sommeil un peu différent du premier ? »

Pensées de Blaise Pascal (1623-1662)

 

Dans le Second Manifeste du surréalisme (1930) André Breton écrit « que l’idée du surréalisme tend simplement à la récupération totale de notre force psychique par un moyen qui n’est autre que la descente vertigineuse en nous, l’illumination systématique des lieux cachés et l’obscurcissement progressif des autres lieux, la promenade perpétuelle en pleine zone interdite. » Le surréalisme s’inscrit dans une longue tradition littéraire de décryptage de l’existence humaine, notamment par le biais du rêve, emboîtant le pas à Gérard de Nerval, Verlaine, Arthur Rimbaud, Baudelaire, et d’autres écrivains ayant cherché à explorer les profondeurs de l’être humain.

Cinq ans. C'est le temps moyen que nous passons tous, de notre naissance à notre mort, immergés dans notre propre monde onirique, cette « seconde vie » du rêve qui inspira de si belles pages à Gérard de Nerval.

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« En même temps, le un est multiple puisqu’il comprend d’autres existences dans d’autres univers parallèles ainsi que sur cette terre, à l’heure actuelle. C’est la théorie du double qui veut que chacun ait sa copie, à ceci prés qu’il y a plusieurs copies.

C’est ce que nous avons voulu te montrer sur la photo mais tu n’as pas tout compris ; tu pensais qu’il s’agissait de toi, plus jeune et plus âgé, alors qu’en fait il s’agit de toi, dans d’autres vies sur cette terre, à l’heure actuelle. Tu penses à des clones de toi-même, mais tu te trompes car il ne s’agit pas de copies d’un original mais bien de la multiplication d’êtres originaux, chacun ayant une vie personnelle, propre et indépendante. Par contre, les expériences vécues de chacun s’additionnent pour se retrouver dans l’être principal, qui regroupe toutes ces individualités au final. 

 

Au lieu d’envisager des incarnations séparées par le temps, tu dois les envisager dans une globalité immédiate, comme une génération spontanée. Parce que le temps n’existe pas, parce que l’espace est une illusion et la matière une apparence, tout est un sans séparation réelle. Tu joues plusieurs rôles dans un grand scénario dont tu es en fait l’auteur. Ainsi tu mets en scène divers personnages qui sont tes créations et les reflets de toi-même. Mais tu ne peux appréhender cette notion de façon rationnelle parce que ton Moi est formaté pour répondre aux dimensions qui le conditionnent ; ce n’est qu’au fur et à mesure de la progression du Soi en toi que les séparations tomberont et que tu retrouveras ton unité réelle. Alors tu seras libéré de toutes les entraves qui t’aveuglent et tu retrouveras la lumière. »

(Extrait de Sarabandes nocturnes)

 

« La faculté de rêverie est une faculté divine et mystérieuse ; car c'est par le rêve que l'homme communique avec le monde ténébreux dont il est environné. »

Charles Baudelaire - Les Paradis artificiels

« En chacun de nous existe un autre être que nous ne connaissons pas. Il nous parle à travers le rêve et nous fait savoir qu'il nous voit bien différent de ce que nous croyons être. »

Carl Gustav Jung

jeudi 5 mai 2022

Quelque part, en Absurdie

                                                               

"Fuyant la critique", huile sur toile de Pere Borrell del Caso, Madrid (1874)

 

Quelque part, en Absurdie

 

 

 « Je disais que le monde est absurde et j'allais trop vite. Ce monde en lui-même n'est pas raisonnable, c'est tout ce qu'on peut en dire. Mais ce qui est absurde, c'est la confrontation de cet irrationnel et de ce désir éperdu de clarté dont l'appel résonne au plus profond de l'homme. L'absurde dépend autant de l'homme que du monde. Il est pour le moment leur seul lien. Il les scelle l'un à l'autre comme la haine seule peut river les êtres. »

 

Albert Camus

Albert Camus, dans « Le mythe de Sisyphe » (1942), précise que

« l'absurde naît de cette confrontation entre l'appel humain et le silence déraisonnable du monde. »

En réalité, ce sentiment d’absurdité n’est ni intrinsèque à l’homme ni propre à l’univers : il provient d’une absence de lien entre l’un et l’autre.

L’être ne sait pas pourquoi il est au monde et l’univers ne lui enseigne rien à ce sujet.

A l’inverse, l'animal, gouverné par l'âme groupe, ne possède pas d'âme individualisée et est régi par l’instinct.

 

L’instinct animal émane de l’inconscient collectif de son groupe qui met à sa disposition des réponses adaptées aux diverses situations de l’existence, sans faire appel à la réflexion et sans besoin d’éducation.

 

L’animal sait tout dés sa naissance quand l’homme a tout à apprendre.

 

L’individuation humaine lui permet de substituer à l’instinct l’intelligence consciente. De fait, l’instinct qui bénéficie des expériences vécues par le groupe antérieurement, est remplacé par la conscience que chaque être humain doit utiliser pour apporter des solutions à ses problèmes.

 

A partir de là, ce n’est qu’à posteriori que l’on pourra comprendre le sens de notre vie, au travers de nos expériences vécues, et encore, à la condition d’en faire l’effort. Et c’est bien là le plus difficile…

 

« La vie doit être vécue en regardant vers l'avenir, mais elle ne peut être comprise qu'en se retournant vers le passé. »

Sören Kierkegaard

 

Il faut toujours garder à l’esprit ce fil rouge de notre vécu pour en saisir le sens et continuer d’aller de l’avant.

« L’évolution future de l’être humain on peut la regarder sur deux plans, on peut la regarder sur le plan collectif comme ce fût le cas pendant des milliers d’années et on peut la regarder sur le plan individuel. Avec l’évolution des nouvelles générations, l’être humain sera obligé de prendre conscience, c’est évident parce que l’être humain devient intelligent, il entre dans une phase d’évolution où l’expérience individuelle, personnelle, antérieure, n’était pas basée sur une intelligence profonde de soi, l’être humain est un être conditionné, il est très conditionné, l’histoire l’a complètement conditionné, la conscience de la race l’a conditionné. Avec l’évolution et ces évènements qui vont se passer à l‘avenir, l’être humain sera obligé de se prendre en mains, dans ce sens qu’il devra développer son propre centre de gravité, faire son propre contact intérieur si vous voulez.

L’évolution de la conscience est reliée à l’ouverture des centres psychiques. L’homme nouveau passera d’un état mental à un autre avant de bénéficier de sa relation avec l’invisible. La fin du cycle favorisera cette ouverture des centres et l’homme verra que la vie et sa réalité s’étendent au-delà de ce que la raison peut entrevoir. La fin du cycle et l’avènement d’une science nouvelle sont deux aspects profondément troublants de la nouvelle évolution. L’homme fera face à des possibilités qu’il aurait crues, il y a seulement quelques générations, le produit d’une imagination fertile. Ces choses se produiront en un clin d’œil, et le choc qu’elles feront alors sera grand. »

Bernard de Montréal  La Fin des Temps  (1988)

 

En attendant ce jour dont la date nous échappe, il faut tout faire pour sortir du cadre et échapper au carcan de l’incarnation, cette prison de chair dans la matière qui nous fait oublier qui nous sommes vraiment et pourquoi nous sommes là. Comprendre le lien entre l’univers et les poussières d’étoiles que nous sommes pour quitter l’absurdité de vivre et retrouver l’essence réelle de l’existence, voilà notre mission essentielle ici-bas.

 

« Du bon usage des crises.

 Ne soyons pas si mesquins, et disons du bon usage des crises, catastrophes, drames, naufrages divers. J’ai gagné la certitude, en cours de route, que les catastrophes sont là pour nous éviter le pire.

Et le pire, comment pourrais-je exprimer ce qu’est le pire ?

Le pire, c’est bel et bien d’avoir traversé la vie sans naufrages, d’être resté à la surface des choses, d’avoir dansé au bal des ombres, d’avoir pataugé dans ce marécage des on-dit, des apparences, de n’avoir jamais été précipité dans une autre dimension. Les crises, dans la société où nous vivons, sont vraiment ce qu’on a encore trouvé de mieux, à défaut de maître, quand on n’en a pas à portée de main, pour entrer dans l’autre dimension.

Dans notre société, toute l’ambition, toute la concentration est de nous détourner, de détourner notre attention de tout ce qui est important. Un système de fils barbelés, d’interdits pour ne pas avoir accès à notre profondeur.

C’est une immense conspiration, la plus gigantesque conspiration contre l’âme, contre l’esprit.

Dans une société où tout est barré, où les chemins ne sont pas indiqués pour entrer dans la profondeur, il n’y a que la crise pour pouvoir briser ces murs autour de nous. La crise, qui sert en quelque sorte de bélier pour enfoncer les portes de ces forteresses où nous nous tenons murés, avec tout l’arsenal de notre personnalité, tout ce que nous croyons être. »

 

 

Christiane Singer

Conférence prononcée le 15 juin 1991 à l’occasion du dixième anniversaire du Centre Dürckheim.