jeudi 5 mai 2022

Quelque part, en Absurdie

                                                               

"Fuyant la critique", huile sur toile de Pere Borrell del Caso, Madrid (1874)

 

Quelque part, en Absurdie

 

 

 « Je disais que le monde est absurde et j'allais trop vite. Ce monde en lui-même n'est pas raisonnable, c'est tout ce qu'on peut en dire. Mais ce qui est absurde, c'est la confrontation de cet irrationnel et de ce désir éperdu de clarté dont l'appel résonne au plus profond de l'homme. L'absurde dépend autant de l'homme que du monde. Il est pour le moment leur seul lien. Il les scelle l'un à l'autre comme la haine seule peut river les êtres. »

 

Albert Camus

Albert Camus, dans « Le mythe de Sisyphe » (1942), précise que

« l'absurde naît de cette confrontation entre l'appel humain et le silence déraisonnable du monde. »

En réalité, ce sentiment d’absurdité n’est ni intrinsèque à l’homme ni propre à l’univers : il provient d’une absence de lien entre l’un et l’autre.

L’être ne sait pas pourquoi il est au monde et l’univers ne lui enseigne rien à ce sujet.

A l’inverse, l'animal, gouverné par l'âme groupe, ne possède pas d'âme individualisée et est régi par l’instinct.

 

L’instinct animal émane de l’inconscient collectif de son groupe qui met à sa disposition des réponses adaptées aux diverses situations de l’existence, sans faire appel à la réflexion et sans besoin d’éducation.

 

L’animal sait tout dés sa naissance quand l’homme a tout à apprendre.

 

L’individuation humaine lui permet de substituer à l’instinct l’intelligence consciente. De fait, l’instinct qui bénéficie des expériences vécues par le groupe antérieurement, est remplacé par la conscience que chaque être humain doit utiliser pour apporter des solutions à ses problèmes.

 

A partir de là, ce n’est qu’à posteriori que l’on pourra comprendre le sens de notre vie, au travers de nos expériences vécues, et encore, à la condition d’en faire l’effort. Et c’est bien là le plus difficile…

 

« La vie doit être vécue en regardant vers l'avenir, mais elle ne peut être comprise qu'en se retournant vers le passé. »

Sören Kierkegaard

 

Il faut toujours garder à l’esprit ce fil rouge de notre vécu pour en saisir le sens et continuer d’aller de l’avant.

« L’évolution future de l’être humain on peut la regarder sur deux plans, on peut la regarder sur le plan collectif comme ce fût le cas pendant des milliers d’années et on peut la regarder sur le plan individuel. Avec l’évolution des nouvelles générations, l’être humain sera obligé de prendre conscience, c’est évident parce que l’être humain devient intelligent, il entre dans une phase d’évolution où l’expérience individuelle, personnelle, antérieure, n’était pas basée sur une intelligence profonde de soi, l’être humain est un être conditionné, il est très conditionné, l’histoire l’a complètement conditionné, la conscience de la race l’a conditionné. Avec l’évolution et ces évènements qui vont se passer à l‘avenir, l’être humain sera obligé de se prendre en mains, dans ce sens qu’il devra développer son propre centre de gravité, faire son propre contact intérieur si vous voulez.

L’évolution de la conscience est reliée à l’ouverture des centres psychiques. L’homme nouveau passera d’un état mental à un autre avant de bénéficier de sa relation avec l’invisible. La fin du cycle favorisera cette ouverture des centres et l’homme verra que la vie et sa réalité s’étendent au-delà de ce que la raison peut entrevoir. La fin du cycle et l’avènement d’une science nouvelle sont deux aspects profondément troublants de la nouvelle évolution. L’homme fera face à des possibilités qu’il aurait crues, il y a seulement quelques générations, le produit d’une imagination fertile. Ces choses se produiront en un clin d’œil, et le choc qu’elles feront alors sera grand. »

Bernard de Montréal  La Fin des Temps  (1988)

 

En attendant ce jour dont la date nous échappe, il faut tout faire pour sortir du cadre et échapper au carcan de l’incarnation, cette prison de chair dans la matière qui nous fait oublier qui nous sommes vraiment et pourquoi nous sommes là. Comprendre le lien entre l’univers et les poussières d’étoiles que nous sommes pour quitter l’absurdité de vivre et retrouver l’essence réelle de l’existence, voilà notre mission essentielle ici-bas.

 

« Du bon usage des crises.

 Ne soyons pas si mesquins, et disons du bon usage des crises, catastrophes, drames, naufrages divers. J’ai gagné la certitude, en cours de route, que les catastrophes sont là pour nous éviter le pire.

Et le pire, comment pourrais-je exprimer ce qu’est le pire ?

Le pire, c’est bel et bien d’avoir traversé la vie sans naufrages, d’être resté à la surface des choses, d’avoir dansé au bal des ombres, d’avoir pataugé dans ce marécage des on-dit, des apparences, de n’avoir jamais été précipité dans une autre dimension. Les crises, dans la société où nous vivons, sont vraiment ce qu’on a encore trouvé de mieux, à défaut de maître, quand on n’en a pas à portée de main, pour entrer dans l’autre dimension.

Dans notre société, toute l’ambition, toute la concentration est de nous détourner, de détourner notre attention de tout ce qui est important. Un système de fils barbelés, d’interdits pour ne pas avoir accès à notre profondeur.

C’est une immense conspiration, la plus gigantesque conspiration contre l’âme, contre l’esprit.

Dans une société où tout est barré, où les chemins ne sont pas indiqués pour entrer dans la profondeur, il n’y a que la crise pour pouvoir briser ces murs autour de nous. La crise, qui sert en quelque sorte de bélier pour enfoncer les portes de ces forteresses où nous nous tenons murés, avec tout l’arsenal de notre personnalité, tout ce que nous croyons être. »

 

 

Christiane Singer

Conférence prononcée le 15 juin 1991 à l’occasion du dixième anniversaire du Centre Dürckheim.

 

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