dimanche 30 octobre 2022

Ainsi parlait Lucian Blaga

 

“Après avoir découvert que la vie n’a aucun sens, il ne nous reste rien d’autre à faire que de lui donner un sens.”

Lucian Blaga - Pierres pour mon monument

Lucian Blaga, poète roumain, né le 9 mai 1895, mort le 6 mai 1961. Philosophe, théologien et poète, Voilà cent vingt ans naissait Lucian Blaga. Poète, dramaturge, philosophe. Avant tout poète, le plus grand poète roumain du XXe siècle, l’une des grandes voix européennes..

 

Autoportrait

Lucian Blaga est muet comme un cygne.
Dans sa patrie la neige de l'être tient lieu de mots.
Son âme est en quête, quête muette et séculaire,
depuis toujours, jusqu'à l'ultime frontière.

Il va cherchant l'eau où boit l'arc-en-ciel.
Il va cherchant l'eau où l'arc-en-ciel
boit sa beauté et son néant.
 

La grande traversée

Le soleil au zénith tient la balance du jour.

Le ciel se donne aux eaux d’en bas.

En passant, les bestiaux aux yeux sages

regardent sans épouvante leur image dans les rivières.

Les feuillages profonds referment leur voûte

sur une longue et ancienne histoire.

 

Rien n’aspire à être autrement.

Seul mon sang crie à travers les forêts

après sa lointaine enfance,

comme un vieux cerf

à la recherche de sa biche perdue dans la mort.

 

Peut-être a-t-elle péri sous les rochers,

la terre l’a peut-être engloutie.

J’attends en vain de ses nouvelles,

seules les grottes résonnent,

et les ruisseaux demandent à couler en profondeur.

 

Sang muet,

oh si seulement les bruits se taisaient, comme on entendrait

les pas de la biche à travers la mort.

J’avance hésitant sur mon chemin –

et comme l’assassin qui bâillonne

un cri vaincu,

je ferme avec mes poings toutes les sources

pour qu’elles se taisent à jamais,

à jamais. 

(L’étoile la plus triste ; traduit du roumain par Sanda Stolojan)


Le secret de l’initié  (1924)

Dernier jour. Homme, c’est vrai :

De tout ce qui a été,

Rien n’a changé.

En haut, tourne le même ciel,

En bas, s’étend la même terre.

Mais un chant a surgi, au large,

Profond et mystérieux, au large.

On dirait que, dans les profondeurs, les cercueils

Ont cédé et que s’en sont envolés

Vers le ciel d’innombrables alouettes.

Homme, le jour du jugement

Est pareil à tout autre jour.

Fais plier tes genoux,

Tords-toi les mains,

Ouvre les yeux, étonne-toi.

Homme, je t’en dirais bien davantage,

Mais c’est en vain…

D’ailleurs, des étoiles se lèvent

Et me font signe de me taire.

Et me font signe de me taire.

 

Dans la grande traversée (1924) – Traduit par Philippe Loubière


Un homme se penche 

Je me penche :

suis-je au-dessus de la mer

ou bien sur la margelle d’une pauvre pensée ?

 – Je ne sais. 

Mon âme roule jusqu’au fond

telle une bague qui glisse

du doigt émacié par la maladie.

Viens, ô fin ! répands ta cendre sur toutes choses.

Il n’y a plus d’appel pour m’étourdir,

ni de chemin qu’il me tarde de parcourir.

Viens, ô fin.

 

Accoudé une fois encore

à ras de terre je me soulève,

l’oreille à l’écoute.

Il me semble entendre au loin

une eau frappant un rivage.

Autrement rien, rien,

rien.

L’étoile la plus triste; traduit par Sanda Stolojan

 

J’attends ma nuit profonde

Dans la voûte étoilée, là nage mon regard -

mais je sais que je porte aussi moi en mon âme

de multiples étoiles

et des voies lactées innombrables,

splendeurs des ténèbres.

Mais je ne les vois pas,

j’ai trop de soleil en moi

et je ne peux les voir.

J’attends que mon jour se couche

et que mon horizon ferme ses paupières,

j’attends ma nuit profonde, nuit et douleur,

que dans mon ciel tout s’obscurcisse

et qu’alors en moi se lèvent des étoiles,

mes étoiles,

que je n’ai encore

jamais vues.

(Dans le grand passage)


Aux lecteurs

Ici c’est ma maison. Au-delà le soleil et le jardin avec ses ruches.

Vous passez sur la route, regardant au travers des grilles de ma porte

attendant que je parle.

 - Par où commencer?

Croyez-moi, croyez-moi,

on peut parler de tout et de n’importe quoi:

du sort, du serpent du bien,

des archanges qui labourent avec leur charrue

les jardins des hommes,

du ciel vers lequel nous nous dressons,

de la haine et de la chute, des tristesses et des crucifixions,

et, avant tout, de la grande traversée.

 

Mais les mots ne sont que les larmes de ceux qui auraient tant voulu

pleurer, mais n’ont pas pu.

Combien amère est toute parole

c’est pourquoi, laissez-moi

marcher en silence parmi vous,

et venir à votre rencontre les yeux fermés.

vendredi 14 octobre 2022

Réincarnation


 Réincarnation

« Tout comme l’on jette les vêtements usagés pour en revêtir de neufs,

Ainsi l’âme incarnée jette-t-elle les corps usés pour en revêtir de nouveaux » ? 

Bhagavad Gitâ

« Le temps ne paraît long qu'à nous. Aux yeux de Dieu, il n'existe pas. Nos siècles ne comptent pas dans l'éternité, et nous sommes vivants et agissants avec Dieu dans l'éternité, car nous mourons pour renaître et progresser. Chaque existence est la récompense ou le châtiment de celle qui l'a précédée. Chaque vertu amasse pour notre prochaine réapparition sur la terre un trésor de dédommagement et de force nouvelle. » 

George Sand 

« Je regarde avec stupéfaction les penseurs chrétiens qui osent croire en Dieu, sans admettre la réincarnation. C'est croire à la cime, tout en refusant la base. Ils trahissent la pensée du Christ, ils obscurcissent l'univers. Plutôt le néant que les folies théologiques ! Mais le dilemme ne s'impose pas. Entre le gouffre de la mort totale et l'abîme de l'enfer éternel, s'élève en essor d'arc-en-ciel, le pont de la transmigration des âmes. »

François Brousse : Les Mystères de la Mort

 

 

J.L. Siemons souligne fort bien la succession morts-gestations-renaissances qui marque le destin du soi-ego :

« — le Soi-Ego — notre individualité permanente — est le héros central et le bénéficiaire de tout le drame posthume ;

— les instruments (physique et psychique) qu’il a employés sur terre lui étant devenus désormais inutiles pour vivre les phases clefs de son expérience, il les rejettera l’un après l’autre, selon un programme naturel et précis ;

— chacun de ces rejets constitue une sorte de mort, suivie d’une naissance à un autre état de conscience, après une période d’attente nécessaire au changement de niveau ;

— ce temps de transition correspond à une gestation : pour s’adapter à un nouveau mode d’expérience (ou de vibration), l’instrument qui va servir de base à la conscience doit être élaboré et accordé à ce type de vibration ;

— à chaque grande phase, un tri s’opère entre l’essentiel et ce qui lui servait de gangue, l’important qui mérite d’être conservé étant transféré par l’Ego au niveau supérieur, et l’accessoire sans valeur étant abandonné sur le plan correspondant, pour être décomposé et recyclé de quelque manière.

Au bout de toutes ces métamorphoses alchimiques, il ne restera plus rien de la personnalité, dans la structure qu’elle avait sur terre : tout ce qui était vivifiant en elle, et homogène à la nature spirituelle du Soi, lui aura été soutiré, le reste éliminé. Le Soi-Ego pourra dès lors affronter une nouvelle incarnation, sans s’encombrer du personnage précédent qu’il a animé. »

 

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L’auteur en vient alors à définir six étapes-clefs de ce devenir :

la mort physique qui dégage le corps astral ; la transition de la vie physique à la vie astrale ; la vie astrale, où s’opère l’OEuvre au noir pour reprendre le langage de l’alchimie, suivie d’une seconde mort ;

la transition de la vie astrale à la vie spirituelle que prolonge l’OEuvre au blanc : c’est le paradis chrétien, le svarga hindou, le sukhâvati bouddhiste, le devachan tibétain ;

une troisième mort advient alors qui permet la transition de la vie spirituelle à la vie physique et qui aboutira à une nouvelle incarnation.

L’homme finira par s’affranchir de ces alternances mort-renaissance s’il parvient à construire les jonctions « assurant la permanence de la conscience réfléchie d’un bout à l’autre du spectre des états d’existence accessible à l’être humain. » 

Grâce à l’OEuvre au rouge il connaîtra l’Immortalité consciente, lors du grand Eveil final.

« Au cœur de l’être dont les battements marquent les alternances de la vie et de la mort résonne le grand chant profond en écho à l’harmonie de l’univers : à chaque pulsation grandit la flamme d’Or qui est la seule promesse du grand embrasement au jour fixé où l’homme redeviendra dieu. Une fois déchiffrée, l’immense énigme de la Nature miséricordieuse. Mort-Vie — Mystère inouï de l’amour sans fin à découvrir ».

J.L. SIEMONS, Mourir pour renaître, Paris, Laffont, 1984

 

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 « La mort est la clef qui ouvre la porte de la vie. C’est en acceptant la finitude de l’existence individuelle qu’on peut trouver la force et le courage de rejeter ces rôles et attentes extrinsèques et consacrer chaque jour de sa vie, si longue qu’elle soit à croître aussi pleinement que possible. 

Il faut apprendre à utiliser ses ressources intérieures, à se définir selon son propre système d’évaluation intérieur plutôt que d’essayer de se conformer à un rôle stéréotypé quelconque. C’est pour une part la dénégation de la mort qui fait mener aux gens ces vies vides et sans but : car en vivant comme si on allait vivre toujours, il est trop facile de remettre à plus tard ce qu’on sait devoir faire.

On vit dans l’attente du lendemain ou le souvenir du passé et entre temps chaque jour se perd. Celui qui, au contraire, comprend que le jour auquel il s’éveille pourrait être le dernier prend le temps de croître ce jour-là, de devenir lui-même et de rejoindre les autres ».

E. Kübler-Ross 

 

Communications avec Kori (26)

Vie et karma

« Le chemin se fait au jour le jour, mais le marcheur n’en prend conscience qu’en prenant en compte le trajet parcouru ; pour l’initiation, la démarche est identique et il faut revenir au début pour apprécier où on se situe aujourd’hui. C’est rassurant et encourageant ; si l’on ne pratique pas ainsi, et regarde uniquement devant soi ce qui reste à faire, on a le sentiment que rien n’a été fait et on perd confiance en soi. Tout est une question de méthode et de regard.
 

La perception de la vie s’analyse de la même façon ; c’est en repartant de l’enfance qu’on retrouve les principales étapes qui ont jalonné notre existence et les carrefours où nous avons choisi les directions à prendre. Ces choix de vie sont de notre entière responsabilité et correspondent à l’application du libre arbitre, qui est à la base même du système réincarnationniste. Il est vrai qu’on ne comprend pas toujours les choix de vie effectués et souvent, quand on fait un bilan à l’automne de sa vie, on a du mal à en comprendre sa trajectoire. C’est tout à fait normal et dû au fait que les raisons de certains de ces choix correspondent à des obligations qu’on s’est imposées lorsqu’on a choisi les conditions de la réincarnation. Or, une fois incarné, la mémoire de ces impératifs librement consentis a disparu.
 

Il y a donc un libre arbitre à deux vitesses, hors incarnation et en incarnation, l’un dont on est conscient et l’autre pas. C’est cela qui pousse certains à penser qu’ils sont poursuivis par la malchance et que le sort s’acharne contre eux. Il n’en est rien ; tout ce qui se passe a été voulu et programmé dans le cadre du karma, la loi de cause à effet qui détermine les humains. Mais cette notion karmique est complexe car elle se décline à plusieurs niveaux, qu’on n’envisage pas toujours ; il y a un karma personnel, mais il y a aussi des karmas collectifs (famille, race, pays, civilisation) et des karmas cosmogoniques (terre, planètes, cosmos).
 

On peut se demander quelle marge de manœuvre il reste à l’être intriqué dans tous ces conditionnements, un fois incarné sur terre. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’au moment de son choix, l’entité est parfaitement consciente de tous ces paramètres et qu’elle les prend en compte dans son futur projet de vie. Chacun sélectionne son parcours du combattant en fonction des critères propres à son évolution personnelle et spirituelle.

Ce n’est donc pas un hasard si autant d’entités sont venues en incarnation, à l’heure actuelle, sur terre. Vous êtes à une étape capitale de l’évolution globale de l’humanité et le fait d’y participer peut être décisif pour l’accélération de l’évolution spirituelle de chacun. En effet, c’est en temps de crise que se révèlent les valeurs authentiques, dans la réussite comme dans l’échec, dans la victoire comme dans la défaite. C’est confronté à toutes ces difficultés que l’être va se confronter à lui-même et c’est là-dessus qu’il sera jugé pour la suite à donner à sa trajectoire spirituelle.

Et il sera le premier à se juger dés qu’il aura transité de l’autre côté du miroir, où au lieu d’apercevoir son apparence, il retrouvera son être réel délivré de l’illusion. »