Gustave
Courbet
(1819-1877)
Le
désespéré
(1844-1845)
Chef de file du mouvement du
Réalisme en peinture, Gustave Courbet (1819-1877) affirmait souvent qu’il ne
souhaitait peindre que ce que ses yeux pouvaient voir, rejetant ainsi avec un
certain esprit provocateur le Romantisme dominant ainsi que les normes
académiques encore en vigueur. Artiste indépendant, contestataire et prônant la
représentation de la réalité crue, son influence fut déterminante sur la
génération des Impressionnistes et des précurseurs du Cubisme. Innovateur, ses
travaux marquèrent durablement son temps, en élisant comme sujets des
thématiques sociales, décrivant la vie des petites gens ou le quotidien des
artistes parisiens.
Le Désespéré est un des
autoportraits les plus célèbres de l'artiste français peint vers 1845 (45 x
54cm) alors qu'il avait 25 ans. C'est probablement le tableau le plus singulier
et le plus mystérieux de la série des autoportraits de jeunesse de Gustave
Courbet. Dans "Le Désespéré" Courbet s’attache à représenter un
personnage en proie à la détresse, avec une expression saisissante proche de la
folie. La saisie de l'expression est très réaliste et frappante: Ses yeux sont
écarquillés et égarés, ses narines dilatées, sa bouche entr’ouverte, ses bras
déployés dans une posture dramatique prêt à s'arracher les cheveux, etc.
On a l'impression que son visage va se
projeter hors de la toile.
"Le peintre se représente lui-même de face et peint son
tableau uniquement avec des couleurs ternes. Le regard est la partie du tableau
qui interpelle et qui fascine : il est lointain, le cercle blanc des yeux
écarquillés en accentue l'effet et intrigue le spectateur. Tout autour de ce
regard s'organisent les autres composantes du dessin pour insister sur ce
mal-être, le front plissé indique la gravité du souci. Cette partie du visage,
la plus éclairée, comme son attitude,
une main posée sur sa tête et l'autre appuyée sur sa tempe, renforce
l'impression de profonde inquiétude..."
(d'après la page internet des étudiants
en première L du lycée Joffre de Montpellier)
El
desdichado
Je suis le Ténébreux, - le Veuf, -
l'Inconsolé,
Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Etoile est morte, - et mon luth
constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.
Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m'as
consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer
d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon cœur
désolé,
Et la treille où le Pampre à la Rose
s'allie.
Suis-je Amour ou Phébus ?... Lusignan ou
Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la
Reine ;
J'ai rêvé dans la Grotte où nage la
sirène...
Et j'ai deux fois vainqueur traversé
l'Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de
la Fée.
Gérard de
Nerval
« … Je suis absolument perdu. Je
suis même à l’agonie. J’ai un ramollissement du cerveau venu des lavages que
j’ai faits avec de l’eau salée dans mes fosses nasales. Il s’est produit dans
le cerveau une fermentation de sel et toutes les nuits mon cerveau me coule par
le nez et la bouche en une pâte gluante. C’est la mort imminente et je suis
fou ! Ma tête bat la campagne. Adieu ami vous ne me reverrez
pas !… »
Dans la nuit du 1er janvier
au 2 janvier 1892, il fait une tentative de suicide au pistolet. Il casse
alors une vitre et tente de s’ouvrir la gorge. On l’interne à Paris le 8
janvier dans la clinique du docteur Émile Blanche, où il meurt de paralysie
générale, le 6 Juillet.
Guy de
Maupassant
Un tableau saisissant...dans lequel je vois, je ne sais pourquoi, pas uniquement du désespoir...
RépondreSupprimerje trouve qu'il y a aussi de l'effroi, de l'étonnement, de l'incrédulité...
J'aime beaucoup Courbet !
Sa peinture est intéressante, mais la personnalité du peintre l'est tout autant.
Un billet bien pessimiste...quand même...je me trompe ?
Disons que je suis plutôt saisi par certaines peintures, ou certains textes, qui tentent d’analyser ou d’illustrer, cette notion de cauchemar éveillé qui retranscrit des expériences vécues d’intrusion de quelque chose qui nous dépasse dans notre réalité quotidienne.
SupprimerA ce moment-là, nous découvrons le fantastique, avec toutes les séquelles qui peuvent en découler. Peu importe, en fait, le sentiment qu’inspire ce tableau de Courbet, ou encore « le cri » de Munch, ce qui compte c’est cette expression extraordinaire d’une perception qui nous dépasse.
Les extraits de texte de Nerval et Maupassant sont pour moi des illustrations littéraires de cette expérience picturale, qui renvoient aux recherches de l’un sur la seconde vie du rêve et à l’expérience de l’autre avec le Horla.
Chacun, à sa façon, a vécu un accès à une autre dimension.
Mais peut-on le faire et en rester indemne ?
Désespoir, effroi, étonnement, incrédulité, ou autre… mais surtout la marque de la brûlure d’un vertige intérieur insaisissable.
Sinon, à part ça, tout va bien ; je continue à observer et à tenter de comprendre.
Pessimisme, non.
Pas de quoi sombrer dans l’optimisme non plus, pour le moment du moins ; je reste les deux pieds bien ancrés dans le réalisme.