dimanche 21 avril 2013

Morceaux choisis - C.G. Jung



« On n'atteint pas l'état de grâce en imaginant des êtres de lumière, mais en amenant à la lumière les zones d'ombre. »
"Mes amis, il est sage de nourrir l'âme, sinon vous élevez en votre sein des dragons et des diables."
"Les années durant lesquelles j’étais à l’écoute des images intérieures constituèrent l’époque la plus importante de ma vie, au cours de laquelle toutes les choses essentielles se décidèrent. Car c’est là que celles-ci prirent leur essor et les détails qui suivirent ne furent que des compléments, des illustrations et des éclaircissements. Toute mon activité ultérieure consista à élaborer ce qui avait jailli de l’inconscient au long de ces années et qui tout d’abord m’inonda. Ce fut la matière première pour l’œuvre d’une vie."

Le livre rouge – C.G. Jung
Le Livre rouge, dont le titre original est Liber Novus (« Nouveau Livre » en latin), est un manuscrit écrit et illustré par le psychologue suisse Carl Gustav Jung.
Bien qu'écrit entre les années 1914 et 1930, il est exposé et publié en fac-similé pour la première fois en 2009. Il est considéré comme une des œuvres majeures de la psychologie analytique. Jung y a consigné des années durant ses rêves et fantasmes, notamment lors de sa confrontation à l'inconscient, dès sa rupture avec Freud en 1913.


La voie de l’à-venir

« Si je parle dans l’esprit de ce temps, il me faut dire : Rien ni personne ne peut justifier ce qu’il me faut vous annoncer. Me justifier est superflu, car je n’ai pas le choix, il le faut. J’ai appris qu’outre l’esprit de ce temps, un autre esprit est à l’œuvre, celui qui règne sur les profondeurs de tout ce qui fait partie du présent. L’esprit de ce temps veut entendre parler d’utilité et de valeur. Je le pensais moi aussi et ce qui est humain en moi le pense encore. Mais cet autre esprit m’oblige néanmoins à parler, par-delà toute justification, toute utilité et tout sens.
Empli de fierté humaine et aveuglé par l’esprit présomptueux de ce temps, j’ai longtemps cherché à tenir cet autre esprit à distance. Mais je n’ai pas pris en compte que l’esprit des profondeurs fut de tout temps et sera pour tous les temps plus puissant que l’esprit de ce temps qui change au fil des générations.
L’esprit des profondeurs a soumis toute la fierté et tout l’orgueil du discernement. Il m’a ôté la foi en la science, il m’a privé de la joie d’expliquer et de classifier, et il a fait s’éteindre en moi l’enthousiasme pour les idéaux de ce temps. Il m’a contraint à descendre vers les choses ultimes et les plus simples.
L’esprit des profondeurs s’est emparé de mon entendement et de toutes mes connaissances, et les a mis au service de ce qui est inexplicable et qui va à l’encontre du sens. Il m’a privé de la parole et de l’écriture pour tout ce qui n’était pas au service de cette seule chose, cette fusion du sens et du contre-sens qui produit le sur-sens.

Mais le sur-sens est la voie, le chemin et le pont vers l’à-venir.

C’est le Dieu à venir. Ce n’est pas le Dieu à venir lui-même, mais son image, qui apparaît dans le sur-sens. Dieu est une image et ceux qui l’adorent doivent l’adorer dans l’image du sur-sens.

Le sur-sens n’est pas sens, pas plus qu’il n’est contre-sens, il est à la fois image et force, magnificence et force réunies.
Le sur-sens est commencement et but. Il est le pont du passage et de l’accomplissement.

Les autres dieux sont morts de leur temporalité, mais le sur-sens ne meurt pas, il se transforme en sens puis en contre-sens, et du feu et du sang de la collision des deux s’élève à nouveau, rajeuni, le sur-sens.
L’image de Dieu a une ombre. Le sur-sens est réel et projette une ombre. Car qu’est-ce qui pourrait être réel et physique sans posséder une ombre ?

L’ombre est le non-sens. Elle est sans force et n’existe pas par elle-même. Mais le non sens est le frère inséparable et immortel du sur-sens.

Les humains grandissent comme les plantes, les uns à la lumière, les autres à l’ombre. Nombreux sont ceux qui ont besoin de l’ombre et pas de la lumière.

L’image de Dieu projette une ombre qui est aussi grande qu’elle-même.

Le sur-sens est grand et petit, il est aussi étendu que l’espace du ciel étoilé et aussi étroit que la cellule du corps vivant. »

C.G. Jung  « Le livre rouge »
(extrait)



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