dimanche 23 juin 2013

Morceaux choisis - Frithjof Schuon


« Le "Spirituel", du fait qu’il connaît le lieu de son origine, [par son étincelle divine] connaît du même coup le lieu où il est inéluctablement destiné à revenir ; sachant d’où il est, il sait où il va… Qui connaît le principe de son être en connaît par nécessité, la fin. »
H. C. Puech, En quête de la gnose.

« Les fondements mêmes de toute vie spirituelle sont, primo : discerner le réel et l'illusoire ; et secundo : se concentrer sur le réel.  »

"La vie humaine se déroule simultanément sur trois plans, ou plutôt l'égo subit trois centres d'attraction auxquels il répond de différentes manières, suivant sa nature ou sa valeur. Nous vivons à la fois dans le corps, le cerveau et le cœur, si bien que nous pourrions parfois nous demander où se situe notre véritable "moi"; en fait, l'égo proprement dit, le "moi" empirique, a son siège sensible dans le cerveau, mais il glisse volontiers vers le corps et tend à s'identifier avec lui, tandis que le cœur est le siège symbolique du Soi, dont nous avons conscience ou que nous ignorons, mais qui est notre vrai centre existentiel et intellectuel, et par là même universel."
 « Sentiers de Gnose »
 La Place Royale
(1987, p.104)


Frithjof Schuon

La gnose n'est pas n'importe quoi

La gnose et le gnosticisme, la théosophie et le théosophisme.

C'est un fait que trop d'auteurs - nous dirons presque : l'opinion générale - attribuent à la gnose ce qui est propre au gnosticisme et à d'autres contrefaçons de la sophia perennis et, en outre, ne font aucune distinction entre celle-ci et les mouvements les plus fantaisistes, tels le spiritisme, le théosophisme et les pseudo-ésotérismes qui ont vu le jour au XXe siècle. Il est particulièrement regrettable que ces confusions soient prises au sérieux par la plupart des théologiens, qui ont évidemment intérêt à avoir de la gnose la plus mauvaise opinion possible ; or le fait qu'une imposture imite forcément un bien, sans quoi elle n'existerait pas, ne saurait autoriser à charger ce bien de tous les péchés de l'imitation.
En réalité, la gnose est essentiellement la voie de l'intellect et, partant, de l'intellection ; le moteur de la voie est avant tout l'intelligence, non la volonté et le sentiment, comme c'est le cas dans les mystiques monothéistes sémitiques - y compris le soufisme moyen. La gnose se caractérise par son recours à la métaphysique pure : distinction entre Âtmâ et Mâyâ et conscience de l'identité potentielle entre le sujet humain, jîvâtmâ, et le Sujet divin, Paramâtmâ. La voie comporte, d'une part, la "compréhension" et, d'autre part, la "concentration"; donc la doctrine et la méthode....
Quant au gnosticisme, qu'il se produise en climat chrétien, musulman ou autre, c'est un tissu de spéculations plus ou moins délirantes d'origine souvent manichéenne et c'est une mythomanie qui se caractérise par un mélange dangereux de concepts exotériques et ésotériques. Sans doute, il y a là des symbolismes qui ne manquent pas d'intérêt - le contraire serait étonnant - mais on dit que "le chemin vers l'enfer est pavé de bonnes intentions", on pourrait dire tout autant qu'il est pavé de symbolismes.
(Avoir un centre, 1988, Editions Maison-Neuve Larose, page 67)


Pour trop de personnes, le gnostique est l'homme qui, se sentant illuminé par l'intérieur, non par la Révélation, se prend pour un surhomme et se croit tout permis ; on accusera de gnose n'importe quel monstre politique qui est superstitieux ou qui a de vagues intérêts occultistes tout en se croyant investi d'une mission au nom de telle philosophie aberrante. En un mot, dans l'opinion vulgaire, gnose égale "orgueil intellectuel", comme si ce n'était pas là une contradiction dans les termes, l'intelligence pure coïncidant précisément avec l'objectivité et celle-ci excluant par définition tout subjectivisme, donc notamment l'orgueil qui est la forme la moins intelligente et la plus grossière.
 (Racines de la condition humaine, p.24).

Le mot "gnose", qui apparaît dans ce livre comme dans nos précédents ouvrages, se réfère à la connaissance suprarationnelle - donc purement intellective - des réalités métacosmiques ; or cette connaissance ne se réduit pas au "gnosticisme" historique, sans quoi il faudrait admettre qu'Ibn Arabî ou Shankara aient été des "gnostiques" alexandrins... nous entendons le mot "gnose" exclusivement dans son sens étymologique et universel et de ce fait nous ne pouvons, ni le réduire purement et simplement au syncrétisme gréco-oriental de l'antiquité tardive, ni à plus forte raison l'attribuer à n'importe quelle fantaisie pseudo-religieuse ou pseudo-yoguique, ou même simplement littéraire.
 (Comprendre l'Islam, p.136-137).



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