mardi 5 avril 2016

Le chemin de la Vie

Le chemin de la Vie

 

Christiane Singer




De notre conception à notre mort, la vie est conçue comme un chemin d’initiation, un cycle d’expériences successives. La roue qui va tourner son grand tour est à chaque point où son cercle ferré touche le sol à son point de départ. Chaque instant est le début, chaque nouveau jour, chaque nouveau livre, chaque nouvelle rencontre. A chaque moment nous commençons de neuf. […] La vie ne commence de faire mal, très mal, que lorsque nous ne nous laissons pas porter par son courant […]. Retenir le flux de l’existence, c’est oublier que la vie est l’art de la métamorphose. La femme que vous avez devant vous a déjà enterré un enfant, l’enfant qu’elle a été ; joyeux, il chantait et dansait ; puis une adolescente embarrassée de ses jambes. J’ai enterré aussi une jeune femme, une jeune mère. J’ai enterré une femme mûre. Je viens même d’enterrer la femme féconde que j’étais ; c’est-à-dire que je suis entrée dans ma seconde fécondité. Et j’enterrerai cette femme mûrissante que je suis en devenant la femme vieille qui est en moi ; puis la très vieille femme ; puis, la morte et celle qui fera le passage vers l’autre rive. 

Ainsi, chaque fois que j’ai quitté un espace, je suis entrée dans un autre. Ce n’est pas facile. C’est dur de quitter le pays de l’enfance ; c’est dur de quitter le pays de la jeunesse ; c’est dur de quitter l’épanouissement féminin, de quitter la fécondité. D’un pays à l’autre, d’un espace à l’autre, il y a le passage par la mort. Je quitte ce que je connaissais et je ne sais pas où je vais. Je ne sais pas où j’entre. Traiter ce passage comme s’il allait de soi ? Bien sûr que non : ce serait légèreté. Mais, puisque plusieurs fois déjà j’ai fait l’expérience qu’en quittant un " pays " j’entrais dans un autre d’une égale richesse sinon d’une plus grande richesse, pourquoi donc hésiterais-je devant la vieillesse ? […]

(Psychologies - 1996)

« Il est essentiel de prendre soin de ce ciel en nous, invisible aux autres, de ce sanctuaire que la vie nous a édifié et que peuplent les messagers, ceux qui, de façon multiple, nous ont inspirés, conduits vers le meilleur de nous-mêmes.
Dans tous les lieux habités par la souffrance se trouvent aussi les gués, les seuils de passage, les intenses nœuds de mystère. Ces zones tant redoutées recèlent pourtant le secret de notre être au monde, ou comme l'exprime la pensée mythologique : là où se tiennent tapis les dragons sont dissimulés les trésors.
L'espoir ne doit plus être tourné vers l'avenir mais vers l'invisible. Seul celui qui se penche vers son cœur comme vers un puits profond retrouve la trace perdue. »


Extrait de la conférence « Choisis la vie et tu vivras ! » donnée à Montréal le 22 octobre 2004.

4 commentaires:

  1. Bonjour Ophoemon !

    Merci d'avoir choisi ce passage, qui est un de mes préférés...
    Oui, la vie n'est que transitions,passages et morts-renaissances...

    Prends bien soin de toi.

    Amitiés.

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  2. Bonjour La Licorne,

    Force spirituelle, profondeur d’analyse et clarté d’expression, c’est tout Christiane Singer, le tout décliné sur un style poétique, prenant et enlevé.
    Mais que de souffrance en fin de parcours ; sans doute pour accomplir le passage.

    « Il n’est pas abstrus de penser qu’il existe en chaque vie un trou vertigineux par lequel s’opère le passage à une dimension autre. »

    Bonne continuation. Amicalement.

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    1. Oui...bien qu'on ait du mal à l'accepter, la souffrance est ans doute là pour "nettoyer" les dernières scories de l'âme et permettre de passer à quelque chose de supérieur...à une autre dimansion.

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  3. J'ai toujours eu du mal avec cette connotation masochiste, mais force est de constater que j'ai personnellement beaucoup plus avancé dans mes épreuves que dans mes périodes de bien-être.

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