jeudi 5 mars 2009

Morceaux choisis - André Breton


« Nadja »


d’André Breton


Nadja - « parce qu'en russe c'est le commencement du mot espérance, et parce que ce n'en est que le commencement »


Nadja est un récit d'André Breton publié en 1928 et revu en 1962. Le point de départ en est la rencontre inattendue entre l'auteur et une jeune femme, Nadja, qui exerce sur lui une certaine fascination.

Nadja est un personnage qui semble hors de la réalité. Elle erre dans les rues de Paris sans but, sans feu, ni lieu et son nom n'est même pas le sien. Elle explique que Nadja est le nom qu'elle s'est choisi, et qu'en russe, Nadja est le commencement du mot « espérance ». L'auteur va vite se rendre compte qu'elle possède un étrange pouvoir de fascination, provoqué par sa beauté. Nadja devient alors aux yeux de Breton une sorte de symbole vivant de ce qu'il conçoit du Surréalisme, elle est symbole de l'amour (ce qui annonce ensuite la venue de L'Amour fou), symbole d'une exaltation de la vie en même temps qu'elle paraît montrer des capacités de précognition, ce à quoi Breton préfère imposer sa réserve. Mais, cet être qui semble surnaturel est objet de paradoxes.

Nadja, en tant que symbole d'amour est un être seul, et qui semble suggérer qu'elle s'est quelques fois prostituée lors de son arrivée à Paris. En tant que « créature magique », elle est ramenée par la réalité à l'état de malade psychiatrique, ses visions et autres étrangetés considérées comme des hallucinations auditives et visuelles. Puis, surtout, en tant que symbole de vie glorifié par les surréalistes, Nadja finira ses jours en hôpital psychiatrique, une fin en totale opposition avec le nom qu'elle s'était choisi. André Breton, tout au long du livre, se limitera dans le rôle d'observateur vis-à-vis de Nadja, pour garder son objectivité sur cette expérience, mais aussi pour ne pas tomber dans la folie dans laquelle l'entraînait Nadja. Cependant, il se permet tout de même de livrer une critique de la psychiatrie suite à l'internement de la jeune femme.

………….


Il se peut que la vie demande à être déchiffrée comme un cryptogramme. (Nadja, Folio, p. 133).

Pour cela, se laisser bousculer par l’imprévu, le susciter, endormir le contrôle de la conscience… Et, si possible, faire de sa quête une quête collective (Breton associe Aragon, Eluard, sa femme, etc. à son aventure avec Nadja).

Par-delà toutes sortes de goûts que je me connais, d’affinités que je me sens, d’attirances que je subis, d’événements qui m’arrivent et n’arrivent qu’à moi, par-delà quantité de mouvements que je me vois faire, d’émotions que je suis seul à éprouver, je m’efforce, par rapport aux autres hommes, de savoir en quoi consiste, sinon à quoi tient, ma différenciation. N’est-ce pas dans la mesure exacte où je prendrai conscience de cette différenciation que je me révèlerai ce qu’entre tous les autres je suis venu faire en ce monde et de quel message unique je suis porteur pour ne pouvoir répondre de son sort que sur ma tête ? (Nadja, Folio, p. 11).

Je n’ai dessein que de relater, en marge du récit que je vais entreprendre, que les épisodes les plus marquants de ma vie telle que je peux la concevoir hors de son plan organique, soit dans la mesure même où elle est livrée aux hasards, au plus petit comme au plus grand, où regimbant contre l’idée commune que je m’en fais, elle m’introduit dans un monde comme défendu qui est celui des rapprochements soudains, des pétrifiantes coïncidences, des réflexes primant tout autre essor du mental, des accords plaqués comme au piano, des éclairs qui feraient voir, mais alors voir, s’ils n’étaient encore plus rapides que les autres. […] Il s’agit de faits qui, fussent-ils de l’ordre de la constatation pure, présentent chaque fois toutes les apparences d’un signal, sans qu’on puisse dire au juste de quel signal, qui font qu’en pleine solitude, je me découvre d’invraisemblables complicités, qui me convainquent de mon illusion toutes les fois que je me crois seul à la barre du navire. (p. 19-20).

Après-dîner [...], son rêve a pris un caractère mythologique que je ne lui connaissais pas encore. Elle compose un moment avec beaucoup d'art [...] le personnage de Mélusine [...] qui, de toutes les personnalités mythiques, est celle dont elle paraît bien s'être sentie le plus près.

Elle, je sais que dans toute la force du terme il lui est arrivé de me prendre pour un dieu, de croire que j'étais le soleil. Je me souviens aussi - rien à cet instant ne pouvait être à la fois plus beau et plus tragique - je me souviens de lui être apparu noir et froid comme un homme foudroyé aux pieds du Sphinx.

« J'ai pris, du premier au dernier jour, Nadja pour un génie libre, quelque chose comme un de ces esprits de l'air que certaines pratiques de magie permettent momentanément de s'attacher, mais qu'il ne saurait être question de se soumettre. »

« Merci, André, j'ai tout reçu [...]. Je ne veux pas te faire perdre le temps nécessaire à des choses supérieures - Tout ce que tu feras sera bien fait - Que rien ne t’arrête- Il y a assez de gens qui ont mission d'éteindre le Feu - Chaque jour la pensée se renouvelle- Il est sage de ne pas s'appesantir sur l'impossible. »

« Qui vive ? Est-ce vous, Nadja ? Est-il vrai que l'au-delà, tout l'au-delà soit dans cette vie ? Je ne vous entends pas. Qui vive ? Est-ce moi seul ? Est-ce moi-même ? »

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