Sénèque
La fin de la peur
Extrait d'une lettre à Lucilius
(…)Mais pour partager avec toi le fruit de cette journée, je dirai que j'ai découvert auprès de Hécaton, un des nôtres, que l'extinction des désirs est par surcroît le remède à la peur.
« Tu cesses de craindre quand tu as cessé d'espérer. »
Tu diras :
« Comment peut-on associer ces sentiments si différents ? »
Mais il en est bien ainsi, mon cher Lucilius !
Ils semblent séparés, mais ils sont unis. Tout comme une même chaîne unit le gardien et son prisonnier, ces états d'âme si dissemblables se présentent ensemble.
La peur est entraînée par l'espérance.
Cela ne me surprend guère : les deux relèvent d'un cœur mal établi en lui-même et sont agités par l'attente du futur. Mais la cause principale de ces deux affections est que nous ne nous attachons pas à ce qui est là maintenant et que nous envoyons nos pensées dans le lointain.
Voilà comment la prévoyance, un souverain bien de la condition humaine, s'est tournée en mal.
Les bêtes sauvages fuient un danger quand elles le voient et, une fois hors de danger, elles sont tranquilles.
Nous, nous sommes tourmentés tant par le passé que par l'avenir. Un grand nombre de nos richesses nous font du mal : la mémoire ramène le tourment de la peur, alors que la prévoyance l'anticipe.
Personne n'est misérable en demeurant dans le seul moment présent.
Porte-toi bien.
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