Mélancolie
Edward Munch, 1892
Oslo , Musée national
Edward Munch, 1892
« La mélancolie est une maladie qui consiste
à voir les choses comme elles sont. »
Gérard de
Nerval
(Paradoxe
et vérité)
Le spleen
État affectif, plus ou
moins durable, de mélancolie sans cause apparente et pouvant aller de l'ennui,
la tristesse vague au dégoût de l'existence.
Synonymes: bourdon,
cafard, dépression, ennui, hypocondrie, langueur, neurasthénie.
Il s'agit de
l'accablement profond, la douleur et la mélancolie que ressent le poète devant
la prise de conscience de la malédiction de la condition humaine, condition
humaine dominée par (dans le désordre, la liste pourrait être très longue) : la
fragilité et la fugacité de l'existence, la solitude, la laideur et la vacuité
universelle du monde, l'ennui, le remords, ...
C’est donc avant tout une
souffrance liée à un sentiment existentiel d'inadaptation de l'homme à ce monde.
Il pleure
dans mon cœur
Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur ?
Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un cœur qui s'ennuie,
Ô le chant de la pluie !
Il pleure sans raison
Dans ce cœur qui s'écœure.
Quoi ! nulle trahison ?...
Ce deuil est sans raison.
C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon cœur a tant de peine !
Spleen
Les roses étaient toutes rouges
Et les lierres étaient tout noirs.
Chère, pour peu que tu ne bouges,
Renaissent tous mes désespoirs.
Le ciel était trop bleu, trop tendre,
La mer trop verte et l'air trop doux.
Je crains toujours, - ce qu'est
d'attendre !
Quelque fuite atroce de vous.
Du houx à la feuille vernie
Et du luisant buis je suis las,
Et de la campagne infinie
Et de tout, fors de vous, hélas !
Paul VERLAINE
(1844-1896)
Spleen
J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans.
Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans,
De vers, de billets doux, de procès, de romances,
Avec de lourds cheveux roulés dans des quittances,
Cache moins de secrets que mon triste cerveau.
C’est une pyramide, un immense caveau,
Qui contient plus de morts que la fosse commune.
— Je suis un cimetière abhorré de la lune,
Où comme des remords se traînent de longs
vers
Qui s’acharnent toujours sur mes morts les plus chers.
Je suis un vieux boudoir plein de roses fanées,
Où gît tout un fouillis de modes surannées,
Où les pastels plaintifs et les pâles Boucher
Hument le vieux parfum d’un flacon débouché.
Rien n’égale en longueur les boiteuses journées,
Quand sous les lourds flocons des neigeuses années
L’ennui, fruit de la morne incuriosité,
Prend les proportions de l’immortalité.
— Désormais tu n’es plus, ô matière vivante,
Qu’un granit entouré d’une vague épouvante,
Assoupi dans le fond d’un Sahara brumeux,
— Un vieux sphinx ignoré du monde insoucieux,
Oublié sur la carte, et dont l’humeur farouche
Ne chante qu’aux rayons du soleil qui se couche.
Qui s’acharnent toujours sur mes morts les plus chers.
Je suis un vieux boudoir plein de roses fanées,
Où gît tout un fouillis de modes surannées,
Où les pastels plaintifs et les pâles Boucher
Hument le vieux parfum d’un flacon débouché.
Rien n’égale en longueur les boiteuses journées,
Quand sous les lourds flocons des neigeuses années
L’ennui, fruit de la morne incuriosité,
Prend les proportions de l’immortalité.
— Désormais tu n’es plus, ô matière vivante,
Qu’un granit entouré d’une vague épouvante,
Assoupi dans le fond d’un Sahara brumeux,
— Un vieux sphinx ignoré du monde insoucieux,
Oublié sur la carte, et dont l’humeur farouche
Ne chante qu’aux rayons du soleil qui se couche.
Spleen
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un
couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs
ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le
cercle
Il nous verse un jour noir plus triste
que les nuits ;
Quand la terre est changée en un cachot
humide,
Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile
timide
Et se cognant la tête à des plafonds
pourris ;
Quand la pluie étalant ses immenses
traînées
D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos
cerveaux,
Des cloches tout à coup sautent avec
furie
Et lancent vers le ciel un affreux
hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans
patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.
- Et de longs corbillards, sans tambours
ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ;
l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce,
despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau
noir.
Charles BAUDELAIRE
(1821-1867)
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