samedi 24 mars 2018

Ainsi parlait Georges Rodenbach


Georges Rodenbach


« Les yeux sont les fenêtres de l’âme. »


Georges Rodenbach, né le 16 juillet 1855 à Tournai et mort le 25 décembre 1898 à Paris, est un poète symboliste et un romancier belge de la fin du XIXe siècle.
Belge, Georges Rodenbach est l'un des membres les plus originaux d'un mouvement symboliste qui a su garder son autonomie par rapport à l'école française. Venu à Paris en 1876, il reste cependant le poète de Bruges où il est né. 
En 1896, il publie Les Vies encloses, recueil de poèmes inspiré par l'occultisme (Novalis) et le romantisme allemands. 


Les profondeurs de l'âme 

Nous ne savons de notre âme que ce que sait
De la mer un enfant, qui joue avec la vague !
Il suit au loin, dans la brume qui les élague,
Les vaisseaux que tantôt leur ombre devançait.

Nous ne savons de notre âme que la pointe de l'iceberg
Enormes blocs de glace nés dans la préhistoire
Dont la masse sournoise causa le désespoir
De ceux qui n'ont rien vu, du haut de la grande vergue !

Ah ! plonger dans la mer, savoir tout de l'abîme :
Les monstres, les coraux, tant de trésors sombrés !
Et les zones du fond, vertes comme des prés.
Ce qu'on voyait de la surface, est si minime !

Et plonger dans notre âme : elle est un gouffre aussi !
Pour voir les rêves nus, le combat des pensées,
Et les projets qui sont des perles nuancées,
Tout le Moi sous-marin dans le cerveau transi.

Pour le plongeur de l'âme, y a-t-il une cloche ?
Ah Oui ! Descendre au fond de son propre destin,
Savoir ce qui se passe en cette mer sans fin,
Et démêler tout ce varech qui s'effiloche !

Mais cette vie en profondeur nous l'ignorons,
Ne voyant de notre âme - que l'eau de la surface
Comme l'eau de mer qu'un enfant dans le sable transvase,
Croyant vider la mer... de ses petites mains rondes !


Je rêve de plonger jusqu’au fond de mon âme
Où des rêves sombrés ont perdu leur trésor;
Je soupçonne qu’il y a là des bagues d’or
Et des lingots à faire fondre dans la flamme
Pour y couler mon effigie ainsi qu’un roi.
Mais à quoi bon descendre en l’âme sous-marine ?
Surtout ne soyons pas le plongeur qui s’obstine;
Laissons plutôt cette richesse sans emploi,
Car les profondes eaux de l’âme sont perfides !
Peut-être bien qu’au fond du cristal reculé
Je trouverais la coupe du roi de Thulé…
Mais quel émoi si je revenais les mains vides !

(Les vies encloses)

« L’œil, appelé fenêtre de l’âme, est la principale voie par où notre intellect peut apprécier pleinement et magnifiquement l’œuvre infinie de la nature. »
Léonard de Vinci (1452 – 1519)

« Car si le visage est le miroir de l'âme, les yeux en sont les interprètes. »
                      Cicéron (106 av. J.-C. - 43 av. J.-C)



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