jeudi 16 avril 2020

Dans la forêt obscure


Dans la forêt obscure


“Qui dira le sentiment qu'on éprouve en entrant dans ces forêts aussi vieilles que le monde, et qui seules donnent une idée de la création, telle qu'elle sortit des mains de Dieu ?”

François René de Chateaubriand
« Voyage en Amérique »


Il était une fois, au fin fond d'une forêt profonde, un être qui marchait les yeux en l’air, émerveillé par les frondaisons touffues des arbres, envoûté par les sensations provoquées par les bruits, parfums et couleurs de cette nature généreuse, enivré par cette soudaine liberté totale qui guidait ses pas où bon lui semblait.
Lumière crue dans les percées de feuillage, tamisée par la canopée, toutes les couleurs se déclinent dans des tonalités variées et changeantes. La sérénité de l’esprit s’installe devant ce spectacle dépaysant et inhabituel.
La marche ralentit son rythme et passe en mode automatique suivant une respiration régulière et profonde.
Tout se passe comme si une communion s’instaurait ente l’être et la nature, instinctive et authentique, chose rare dont on a perdu le mode d’emploi depuis longtemps déjà.
Le lâcher prise prend le relais de la vigilance et la rêverie prend le pouvoir.
On est si bien qu’on en oublie tout, on est ailleurs sans savoir où.
C’est comme un charme, un envoûtement qui nous transforme et nous intègre dans une autre dimension. La flânerie révèle une énergie vitale différente qui nettoie et ressource.
Porté par ce bien-être, on en oublie rapidement le passage du temps et le sens de l’orientation divague, bercé par les images bucoliques qui défilent.

C’est un sentiment de fraîcheur, avant-garde de froidure, qui vient rompre le charme.

L’œil perçoit soudain la luminosité qui baisse et à la vision qui se trouble, l’audition d’un silence total ajoute une inquiétude nouvelle, alors que le mental, en réveil, revient sur terre et sonne l’alerte.
 Perdu.

Je suis dans une forêt profonde, peu engageante, le ventre du monde originel. Je ressens l’hostilité des lieux, des vibrations lourdes et envoûtantes, je perçois des déplacements furtifs et fugaces, des frôlements rampants et ailés, des yeux multiples qui m’épient et me dévisagent. Et un sentiment de mal-être m’envahit et paralyse mes sens.
Sans plus aucun repère, mes pas deviennent hagards et hésitants. La vigilance s’hypertrophie et ouvre la porte à une peur peu à peu panique.
Je suis mal.

Je voudrais tant échapper à cette étreinte étouffante, qui me paralyse d’angoisse. Je manque d’air, la claustrophobie me saisit.

C’est alors que je me réveille de ce cauchemar, le réveil comme technique de fuite. Tout se passe comme si j’avais pénétré le monde astral, avec ses pièges et ses mystères.
Que ce serait-il passé si je n’avais pas trouvé la sortie ?


« Le chemin de la sagesse et de la liberté est un chemin qui mène au centre de soi-même. » 

Mircea Eliade


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