lundi 14 juin 2010

Morceaux choisis - Victor Hugo




« J'accepte l'âpre exil, n'eût-il ni fin ni terme,
     Sans chercher à savoir et sans considérer
     Si quelqu'un a plié qu'on aurait cru plus ferme,
     Et si plusieurs s'en vont qui devraient demeurer.
     Si l'on n'est plus que mille, eh bien, j'en suis ! Si même
     Ils ne sont plus que cent, je brave encor Sylla ;
     S'il en demeure dix, je serai le dixième ;
     Et s'il n'en reste qu'un, je serais celui-là ! »
Ultima verba 
(Jersey, 2 décembre 1852)


« Je crois à l’incréé, à l’idéal, à l’éternel, à l’absolu, au vrai, au beau, au juste, — en un mot à l’infini ayant un moi.

 L’infini sans moi serait limité, quelque chose lui manquerait, il serait fini. Or, il est l’infini. Je crois donc à ce moi de l’abîme qui est Dieu. La foi en Dieu, c’est plus que ma vie, c’est mon âme. C’est plus peut-être que mon âme, c’est ma conscience. Je ne suis pas panthéiste.
Le panthéisme dit : tout est Dieu. Moi, je dis : Dieu est tout. »


« Moi,…, j’évoque sans cesse les morts, penser à eux, cela les fait venir vers nous, quand notre mémoire appelle, leur ombre approche. Je suis beaucoup plus voisin de l’autre vie que de celle-ci, et il me semble que j’ai parfois devant l’œil de mon âme des silhouettes très nettes de ce grand monde de lumière qui vit au-delà de nous.

Je suis de ceux que la nuit n’inquiète pas. Je suis sûr du lendemain, à vrai dire, je ne crois ni à la nuit ni à la mort.
Je ne crois qu’à l’aurore. 
De là ma foi profonde dans la mort, qui est la plus grande des espérances. Cela me rend très facile la pente obscure appelée vieillesse.»


« Oh ! je sais bien que je ne vieillis pas, et que je grandis au contraire.
Et c’est à cela que je sens l’approche de la mort.
Quelle preuve de l’âme!
Mon corps décline, ma pensée croit ; sous ma vieillesse, il y a une éclosion. Je me sens monter dans l’aurore inconnue. Je suis adolescent pour l’infini, et j’ai déjà l’âme dans cette jeunesse, le tombeau.
Qu’ils sont aveugles ceux qui disent que l’esprit est la résultante de la chair !
Ma chair s’en va, mon esprit augmente. Pardon de cette métaphysique.
Aimez-moi ! »

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