mercredi 26 juin 2019

Ainsi parlait Fernando Pessoa




Fernando Pessoa
Né le 13 juin 1888 à Lisbonne
Décédé le 30 novembre 1935 à Lisbonne
(à 47 ans)

Le Livre de l'intranquillité  est une œuvre posthume de Fernando Pessoa publiée pour la première fois en 1982. Attribuée par l'auteur à son « semi-hétéronyme » Bernardo Soares, elle constitue un recueil inachevé de réflexions, de pensées, d'aphorismes et de poèmes en prose rédigés de manière inconstante et notés sur des feuilles éparses avec l'indication O Livro do desassossego entre 1913 et 19351. Ouvrage majeur de la littérature du xxème siècle, ce livre est considéré comme le chef-d'œuvre de son auteur.

«  S’il pouvait penser, le cœur s’arrêterait. »

«  J’emporte avec moi la conscience de ma défaite, comme l’étendard d’une victoire. »

« Il m’arrive de ne pas me reconnaître tellement je suis placé à l’extérieur de moi-même. C’est pourquoi je me suis sculpté dans une pose calme et détachée, et placé dans une serre abritée de brises trop fraîches, de lumières trop franches, où mon artificialité, telle une fleur absurde, puisse s’épanouir en beauté lointaine. »

« Je suis comme quelqu’un qui tâtonne à l’aveuglette, sans savoir où est l’objet dont personne ne m’a rien dit de sa nature. Nous jouons à cache-cache en solitaire. »

« Lorsque je vois un mort, la mort m’apparaît alors comme un départ. Le cadavre me fait l’impression d’un costume qu’on a laissé derrière soi. Quelqu’un est parti, sans éprouver le besoin d’emporter son seul et unique vêtement. »

« Pourquoi l’art est-il beau, parce qu’il est inutile. Pourquoi la vie est-elle si laide ? Parce qu’elle est un tissu de buts, de desseins et d’intentions.
Tous ses chemins sont tracés pour aller d’un point à un autre. Je donnerais beaucoup pour un chemin conduisant d’un lieu d’où personne ne vient, vers un lieu où personne ne va… »

« J’ai toujours voulu être agréable aux yeux des autres et leur indifférence m’a fait beaucoup de mal. Orphelin de la Fortune, j’ai besoin, comme tous les orphelins, d’être l’objet de l’affection de quelqu’un. Mais, en fait d’affection, je suis toujours resté un affamé, et je me suis si bien adapté à cette faim inévitable que, parfois, je ne sais même plus si j’ai besoin de me nourrir. »

« Tout ce que j’ai recherché dans la vie, j’ai de moi-même cessé de le chercher. Je suis comme un homme qui chercherait distraitement quelque chose et qui, entre la quête et le rêve, aurait oublié ce que c’était. »

« Nous vivons presque toujours à l’extérieur de nous, et la vie elle-même est une dispersion perpétuelle. Et pourtant nous tendons vers nous-mêmes comme vers un centre autour duquel nous décrivons, telles des planètes, des ellipses absurdes et lointaines. »

« Une sorte de prénévrose de ce que je serai quand je ne serai plus, me glace le corps et l'âme, comme un souvenir de ma mort future qui me hérisse au-dedans de moi. Dans un brouillard d'intuition, je me sens matière morte, couché sous la pluie, pleuré par le vent. Et le froid de ce que je ne sentirai pas étreint mon cœur d'à présent. »

Livre de l’intranquillité
 Journal de « la maladie du mystère de la vie »
(extraits)

« Nombreux sont ceux qui vivent en nous ;
Si je pense, si je ressens, j’ignore
Qui est celui qui pense, qui ressent.
Je suis seulement le lieu
Où l’on pense, où l’on ressent… »

 Version du « je est un autre » rimbaldien de Ricardo Reis, double philosophe de Fernando Pessoa.


2 commentaires:

  1. Jamais lu le livre...mais tes citations donnent envie de le lire...
    (bien que les passages ci-dessus soient, dans l'ensemble, assez mélancoliques)

    Amicalement

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    1. Bonjour la Licorne,

      livre difficile et pessimiste où le mal de vivre se décline sur tous les tons, avec une acuité de l’analyse intérieure qui n’est pas sans rappeler les poètes maudits, « l’analyse la plus subtile, dolente et tragique de l’homme du XXe siècle, mais aussi la plus lucide, la plus impitoyable » . Homme aux personnalités multiples, Pessoa se livre dans ce journal intime publié à titre posthume.
      Entre dépression et alcoolisme il a tenté d’être le psychologue de lui-même… peut-être en vain.

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