« Nous ne devons pas
nous efforcer de retenir le passé ou de le reproduire. Il faut être capable de
se métamorphoser, de vivre la nouveauté en y mettant toutes nos forces. Le
sentiment de tristesse qui naît de l'attachement à ce qui est perdu n'est pas
bon et ne correspond pas au véritable sens de la vie. »
D’un âge à un autre
« Lorsque l’homme commence à décliner,
après avoir atteint le faîte de son existence, il se débat ainsi contre la
mort, les flétrissures de l’âge, contre le froid de l’univers qui s’insinue en
lui, contre le froid qui pénètre son propre sang. Avec une ardeur renouvelée,
il se laisse envahir par les petits jeux, par les sonorités de l’existence, par
les mille beautés gracieuses qui ornent sa surface, par les douces ondées de
couleur, les ombres fugitives des nuages.
Il
s’accroche, à la fois souriant et craintif, à ce qu’il y a de plus éphémère,
tourne son regard vers la mort qui lui inspire angoisse, qui lui inspire
réconfort, et apprend ainsi avec effroi l’art de savoir mourir. C’est là que
réside la frontière entre la jeunesse et la vieillesse. Plus d’un l’a déjà
franchie à quarante ans ou plus tôt encore, plus d’un ne la sent que plus tard,
à la cinquantaine ou à la soixantaine.
Mais
c’est toujours la même chose : au lieu de nous consacrer à l’art de vivre,
nous commençons à nous tourner vers cet autre art, au lieu de façonner et
d’affiner notre personnalité, nous sommes de plus en plus occupés à la
déconstruire, à la dissoudre et soudain, presque du jour au lendemain, nous
avons le sentiment d’être devenus vieux. Les pensées, les centres d’intérêt et
les sentiments de la jeunesse nous sont désormais étrangers.
C’est
dans ces instants où l’on passe d’un âge à un autre que le spectacle discret et
délicat de l’été qui s’éteint et disparaît progressivement peut nous saisir et
nous émouvoir, emplir notre cœur d’étonnement et d’horreur, nous faire trembler
et sourire à la fois. »
Herman Hesse
Eloge
de la vieillesse
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