dimanche 3 juin 2012

Morceaux choisis - Victor Hugo


Arbre couché par le vent vers 1847

Quia pulvis es

Parce que tu es poussière


Ceux-ci partent, ceux-là demeurent
Sous le sombre aquilon, dont les mille voix pleurent,
Poussière et genre humain, tout s’envole à la fois.
Hélas ! Le même vent souffle, en l’ombre où nous sommes,
Sur toutes les têtes des hommes,
Sur toutes les feuilles des bois.

Ceux qui restent à ceux qui passent
Disent : - Infortunés ! déjà vos fronts s’effacent.
Quoi ! vous n’entendrez plus la parole et le bruit !
Quoi ! vous ne verrez plus ni le ciel ni les arbres !
Vous allez dormir sous les marbres !
Vous allez tomber dans la nuit ! -

Ceux qui passent à ceux qui restent
Disent : - Vous n’avez rien à vous ! vos pleurs l’attestent !
Pour vous, gloire et bonheur sont des mots décevants.
Dieu donne aux morts les biens réels, les vrais royaumes.
Vivants ! vous êtes des fantômes ;
C’est nous qui sommes les vivants !

Victor Hugo -  « Les contemplations »


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