« Et pour qu'il voie, il faut qu'il apprenne à voir :
c'est la première initiation de l'homme à la connaissance de soi. »
G. Gurdjieff
Jeanne de Salzmann
Matignon Jeanne de Salzmann, né Jeanne Allemand, souvent traitée comme Mme de Salzmann (1889 - 25 Mai 1990) était un élève de fin de I. G. Gurdjieff, Reconnu comme son adjoint, par beaucoup d'autres élèves de Gurdjieff. Elle a été responsable de la transmission des mouvements et les enseignements de Gurdjieff grâce à la Fondation de Gurdjieff New York, L'Institut de Gurdjieff Paris et d'autres groupes formels et informels à travers le monde.
Mme de Salzmann a commencé sa carrière à la Conservatoire de Genève, Étudiant le piano, direction d'orchestre et la composition musicale. Plus tard, un étudiant de Emile Jaques-Dalcroze en Allemagne de 1912, elle a enseigné la danse et des mouvements rythmiques. Elle a rencontré son mari Alexandre de Salzmann dans Hellerau à l'école Dalcroze. Avec lui, elle avait une fille, Boussique. La révolution russe a déclenché un mouvement pour Jeanne et son mari Alexandre Tiflis, Géorgie où elle a continué à enseigner.
La Première initiation
Vous verrez que dans la vie, vous recevez exactement ce que vous donnez. Votre vie est le miroir de ce que vous êtes. Elle est à votre image. Vous êtes passif, aveugle, exigeant. Vous prenez tout, vous acceptez tout, sans aucun sentiment d'obligation. Votre attitude envers le monde et la vie est l'attitude de quelqu'un qui a le droit d'exiger et de prendre, qui n'a aucun besoin de payer ou de travailler pour obtenir salaire. Vous croyez que tout vous est dû, juste parce que c'est vous ! Tout votre aveuglement vient de là ! Rien de tout cela ne vous interpelle. Et pourtant, c'est ce qui maintient les mondes séparés.
Vous n'avez aucune mesure vous permettant de vous évaluer. Vous vivez exclusivement selon le mode "J'aime" ou "Je n'aime pas", vous n'avez aucune appréciation, excepté pour vous-même. Vous ne reconnaissez rien au dessus de vous -- théoriquement, logiquement, peut-être, mais en vérité, rien. C'est pourquoi vous êtes exigeant et continuez à croire que tout est bon marché et que vous avez assez dans votre poche pour acheter tout ce que vous voulez. Vous ne reconnaissez rien au dessus de vous, soit extérieurement, soit intérieurement. C'est pourquoi, je le répète, vous n'avez aucune mesure et vivez passivement selon vos préférences et vos dégoûts.
Oui, votre "appréciation de vous-même" vous aveugle. C'est le plus grand obstacle à une nouvelle vie. Vous devez être capable de surmonter cet obstacle, ce seuil, avant d'aller plus loin. Ce test divise les hommes en deux sortes : le "bon grain" et "l'ivraie". Peu importe à quel point un homme est intelligent, doué, brillant : s'il ne change pas son appréciation sur lui-même, il n'y aura aucun espoir de développement intérieur, de travail vers la connaissance de soi, pour un vrai devenir. Il restera tel qu'il est toute sa vie. La première nécessité, la première condition, le premier test pour celui qui veut travailler sur lui-même est de changer son appréciation sur lui-même. Il ne doit pas imaginer, pas juste croire ou penser, mais voir des choses en lui qu'il n'avait jamais vues auparavant, les voir vraiment. Son appréciation ne pourra jamais changer tant qu'il ne verra rien en lui. Et afin de voir, il doit apprendre à voir. C'est la première initiation de l'homme vers la connaissance de soi.
Avant tout, il doit savoir ce qu'il doit regarder. Quand il le sait, il doit faire des efforts, maintenir son attention, regarder constamment avec persistance. Ce n’est qu’en maintenant son attention, et en n'oubliant pas de regarder, qu’un jour, peut-être, il sera capable de voir. S'il voit une fois, il peut voir une deuxième fois, et s'il continue, il sera incapable de ne plus voir. C'est l'état à rechercher, c'est le but de notre observation ; c'est de là que le vrai désir naîtra, le désir irrésistible de devenir ; de froids nous deviendrons chauds, vibrants ; nous seront touchés par notre réalité.
Aujourd'hui, nous n'avons rien d'autre que l'illusion de ce que nous sommes. Nous avons une trop haute opinion de nous-même. Nous ne nous respectons pas. Afin de me respecter, je dois reconnaître cette partie de moi qui est au-dessus des autres parties, et mon attitude envers cette partie doit témoigner du respect que j'ai pour elle. De cette façon, je me respecterai. Et mes relations avec les autres seront gouvernées pas le même respect.
Vous devez comprendre que toutes les autres mesures -- talent, éducation, culture, génie -- sont des mesures fluctuantes, des mesures de détail. La seule mesure exacte, la seule mesure réelle, immuable et objective, c'est la mesure de la vision intérieure. Je vois -- je me vois : par cela, vous avez mesuré. Avec une partie supérieure réelle, vous avez mesuré une autre partie inférieure, tout aussi réelle. Et cette mesure, définissant par elle-même le rôle de chaque partie, vous mènera au respect envers vous-même.
Mais vous verrez que ce n'est pas facile. Ce n'est pas gratuit. Vous devrez payer très cher. Pour les mauvais payeurs, les paresseux, les parasites, aucun espoir. Vous devrez payer, payer beaucoup, et payer immédiatement, payer à l'avance. Payer de vous-même. Par des efforts sincères, consciencieux, désintéressés. Plus vous serez prêt à payez, sans économiser, sans tricher, sans falsifier, plus vous recevrez. Et à partir de là, vous connaîtrez votre nature. Et vous verrez toutes les manoeuvres, toutes les manipulations auxquelles a recours votre nature pour éviter de payer pour de vrai. Parce que vous devrez payer avec vos théories toutes faites, vos convictions enracinées, vos préjugés, vos conventions, vos "J'aime" et "Je n'aime pas". Sans marchander, honnêtement, sans faire semblant. Sans essayer "sincèrement" de voir tout en offrant votre fausse monnaie.
Essayez un moment d'accepter l'idée que vous n'êtes pas ce que vous croyez être, que vous vous surestimez -- en fait, que vous vous mentez à vous-même. Que vous vous mentez à vous-même à chaque instant, toute la journée, toute votre vie. Que ce mensonge vous domine au point que vous ne pouvez plus le contrôler. Vous êtes la proie du mensonge. Vous mentez, en tout lieu. Vos relations avec les autres -- mensonges. L'éducation que vous donnez, les conventions -- mensonges. Votre enseignement -- mensonges. Vos théories, votre art -- mensonges. Votre vie sociale, votre vie de famille -- mensonges. Et ce que vous pensez de vous-même -- mensonges aussi.
Mais vous ne vous arrêtez jamais dans ce que vous faites ou ce que vous dites, parce que vous croyez en vous. Vous devez vous arrêter intérieurement et observer. Observer sans préconçu, en acceptant un moment l'idée du mensonge. Et si vous observez ainsi, en payant de vous-même, sans auto-apitoiement, en abandonnant toutes vos prétendues richesses pour un moment de réalité, peut-être verrez-vous soudain, en vous-même, quelque chose que vous n'aviez jamais vu auparavant. Vous verrez que vous êtes différent de que ce que vous croyez être. Vous verrez que vous êtes deux. Un qui n'est pas, mais qui prend la place et joue le rôle de l'autre. Et un qui est, mais si faible, si intangible, que sitôt apparu, il disparaît immédiatement. Il ne peut supporter le mensonge. Le moindre mensonge le fait s'évanouir au loin. Il ne combat pas, il ne résiste pas, il est battu d'avance. Apprenez à regarder jusqu'à voir la différence entre vos deux natures, jusqu'à voir les mensonges, la tromperie en vous. Quand vous verrez vos deux natures, ce jour-là, en vous, la vérité naîtra.
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« La première demande, la première condition, le premier test pour celui qui désire travailler sur lui-même est de changer son appréciation de lui-même. Il doit non pas s'imaginer, non pas simplement croire ou penser, mais voir des choses en lui-même qu'il n'avait pas vues auparavant, les voir réellement. Jamais son appréciation ne pourra changer tant qu'il ne verra rien en lui-même. Et pour qu'il voie, il faut qu'il apprenne à voir : c'est la première initiation de l'homme à la connaissance de soi.
Avant tout il faut qu'il sache ce qu'il doit regarder. Une fois qu'il le sait, il doit faire des efforts, tenir son attention, regarder constamment, avec ténacité. A force de maintenir son attention, de ne pas oublier de regarder, un jour peut-être il pourra voir. S'il voit une fois, il peut voir une seconde fois, et si cela se répète il ne pourra plus ne pas voir. C'est là l'état à rechercher, le but de notre observation ; c'est de là que naîtra le vrai désir, le désir irrésistible de devenir ; de froids nous deviendrons chauds, vibrants ; nous serons touchés par notre réalité. »
Georges Gurdjieff
« Première initiation » in Question de, n° 50, Éd. Retz, Paris, 1983, p. 34.
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