Guido
De Giorgio (1890-1957) est l'une des figures les moins connues
de l'intellectualité traditionnelle au XXème siècle ; il en est pourtant l'une
des plus exemplaires.
Après avoir fait des études de
philosophie, il part en Tunisie, où il entre en contact avec des représentants
de l'ésotérisme islamique. Au lendemain de la première Guerre mondiale, il fait
la connaissance de René Guénon et noue avec lui des liens d'amitié profonds et
durables.
De Giorgio connaît aussi dans les années
vingt, Arturo Reghini, auteur de nombreuses et importantes études
traditionnelles sur le symbolisme hermétique et maçonnique et sur les nombres
pythagoriciens, ainsi que Julius Evola, collaborant à la revue Ur de ce
dernier, avant d'être le véritable inspirateur d'une autre revue dirigée par
Evola, La Torre.
Désireux de ne rien concéder au monde
moderne et fidèle à sa vocation ascétique, il mènera plus tard une existence
solitaire dans les Alpes piémontaises, ayant trouvé refuge dans un presbytère
abandonné. C'est en ce lieu qu'il écrira ses principaux ouvrages, « La
Tradizione Romana » et « Dio e il Poeta », qui tous deux seront
publiés longtemps après sa mort.
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«
L’homme agonise, l’homme meurt, et sur son visage contracté par des héroïsmes
artificiels et des « dépassements » fallacieux se lit la déréliction du Trompé
et du Trahi, de celui qui a tout perdu et qui rit bruyamment pour cacher sa
douleur. »
Retour à l’esprit traditionnel
« Poussé de l’extérieur, il est tourné vers
l’extérieur. L’homme moderne, nous dit De Giorgio, cède donc à l’éblouissement
de l’avenir, sans même soupçonner, dans sa pauvreté, l’existence de ce qu’il ne
voit pas, de ce qui le dépasse, qui est avant lui, derrière lui en tant que
veine profonde et invisible. Le rythme de la Contemplation étant épuisé, reste,
artificiellement renforcé, le rythme de l’Action (…), l’homme cadavre vit le
mythe du futur, c’est à dire de l’irréalisable, et en fait la couronne et le
masque de sa propre mort: mort avant de naître, il affirme une vie à venir;
putréfié avant de vivre, il joue comme un moribond avec la résurrection future;
dans un présent néantisé, il se tourne vers un avenir illusoire.»
La Tradition et la Réalisation-1928
« C’est à ce moment, ô constructeurs de tours, que
votre jeu finira: et tous les hochets de métal que vous avez si laborieusement
élevés auprès de vos pensées seront la dernière couronne de votre dernière
veille guerrière. De votre dernière guerre profane, esclaves et fils
d’esclaves.
Courez donc,
courez: derrière la fiente des artistes, des philosophes, des savants, des
politiciens, des découvreurs; courez et soufflez.
(…)
Les cadavres ne sont faits que pour les cimetières,
et les vers ne sont faits que pour les cadavres: ainsi, constructeurs de tours,
cadavres, vous avez d’abord dressé vos échafauds, puis vos cordes, et
maintenant vous pendez dans l’allégresse de la liberté.
Et vous qui
avez nié la Vraie Loi, celle qui seule vous donnait la possibilité du
Supramonde, vous obéissez désormais, et depuis des siècles, à la loi du Grand
Ver, et, surhommes du néant, vous tendez vos joues au fouet de la sombre idole,
du ver philosophe, du ver artiste, du ver savant, du ver politicien, du ver
progrès.
(…)
Votre terre tourne depuis que vous tournez, depuis
que le Grand Ver vous susurra qu’il faut chercher les cieux par les voies de la
terre, à la lueur de lampions mondains portés par des mains profanes.
(…)
Vinrent les philosophes, qui parsemèrent de temples
les voies de la terre: les voies anciennes se peuplèrent de kiosques à
journaux, où le ver de la pensée venait aligner ses théories de fétiches.
Vinrent de même les artistes, et ils parcoururent de long en large les voies de
la terre, et ils dirent à l’homme: « Regarde-toi, homme: qu’y a-t-il de plus
que l’homme? ».
Quand les tours s’effondrent-1930
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