« La chute d’Icare » de Rubens
Une
vie, la mienne…
Les mots sont vains aux matins blêmes
quand l’esprit engourdi retrouve la vie.
Les mots sont lourds aux soirs opaques quand
l’angoisse jette sur nous son voile obscur.
Entre les deux, je tisse une vie, la
mienne, sans trop savoir où je vais et jusqu’à quand. Une vie pour faire ce que
l’on n’a pas fait, ou pour refaire ce qui a été défait, ou mal fait.
Une vie pour la réussir ou pour
faillir. C’est un peu comme chercher un trèfle à quatre feuilles et le
trouver : improbable mais pas impossible.
L’ombre plane au-dessus de la terre et
l’homme ne voit rien venir à lui.
Indifférence, bêtise ou cécité,
qu’importe, le résultat sera le même. Comment peut-on être à ce point perdu en
soi-même ; l’esprit est aux abonnés absents, l’ego inculte se prend pour
un maître dans un univers d’esclaves.
Depuis le temps que je creuse mon
sillon et que j’y sème ces graines qui ne demandent qu’à éclore, je suis
surpris de n’avoir toujours pas rentré la moisson.
Pourtant le terrain est fertile et la
graine féconde ; alors, est-ce la maladresse ou l’impatience fébrile du
semeur qui compromet le résultat tant espéré ?
Le troupeau avance sans savoir où il
va ; il prend son mouvement pour un évènement, juste un élan vers le
néant. L’homme est grégaire et dérisoire ; faire et penser comme les
autres sont son moteur quand l’avoir et le paraître sont son bonheur.
Réussir à sortir du lot est la
première consécration de l’être ; continuer d’avancer sur un chemin de
solitude où la recherche spirituelle constitue le seul carburant, sans jamais
s’interrompre ou baisser les bras, est la deuxième consécration.
Je conduis ma vie vers la troisième
consécration, celle qui consiste à toujours privilégier la voie juste, l’action
intègre et désintéressée, afin de libérer l’esprit de son carcan de matière et
d’illusions qui l’emprisonne en le condamnant à la paralysie de l’impuissance.
Pour se libérer des entraves, il faut pouvoir les regarder en face et savoir
défaire les nœuds qui nous phagocytent ; alors, seulement, nous pouvons
prendre de la hauteur et nous élever au-dessus de ce cloaque glauque qui nous
étouffe, alors nous pouvons décoller, prendre notre envol vers les mondes
supérieurs et libérateurs, éthériques et bénéfiques.
Léger comme la plume au vent, je monte
vers des mondes meilleurs en songeant au rêve d’Icare et au supplice de
Sisyphe, conscient que la chute et l’échec sont interdits, sinon malheur au
vaincu.
Une vie, la mienne…
Et toi, dis-moi, quelle est la
tienne ?
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