Gustav Meyrink est un écrivain autrichien (connu aussi
sous le nom de Meier), né à Vienne le
19 janvier 1868 et mort à Starnberg, en Bavière, le 4 décembre 1932. Il est l'un des principaux
représentants de la littérature
fantastique de langue
allemande. Ses œuvres sont
influencées par les sciences
occultes dont il était adepte.
Grand
poète de l’ésotérisme, Gustav Meyrink a écrit de nombreuses nouvelles et cinq
romans, dont le célèbre « Golem », œuvre qui lui vaut une place d’honneur
auprès des maîtres du genre fantastique comme Edgar Allan Poe ou H.P.
Lovecraft.
Mon éveil
à la voyance
« Dans cette trouée circulaire qui
venait de se former dans le ciel se trouvait une figure géométrique. Je ne la
voyais pas comme on voit les objets dans la vie courante, de face ou de profil
: je la voyais de tous les côtés en même temps, aussi extraordinaire que cela
puisse paraître comme si mon œil intérieur, au lieu d'une lentille, était pour
ainsi dire un cercle tout autour de la vision. D'où aussi cette impression
nouvelle de l'absence d'arrière-plan !
Cette figure géométrique était le symbole
de « in hoc signa vinces », une croix dans un H. Je la regardai d'un cœur froid
et sans émotion ; aucune trace en moi d'exaltation ou de quoi que ce fût de
semblable. Ce qui est d'ailleurs tout naturel, car je n'avais guère alors de
notion de l'extase. Au bout d'un moment je vis apparaître d'autres formes
géométriques. Je les considérai comme un a b c de l'apprentissage à la voyance.
L'acquisition permanente que je remportais en rentrant chez moi était de savoir
de façon certaine comment m'y prendre pour obtenir la vision intérieure :
ralentir les battements du cœur, me mettre dans un état d'éveil très poussé,
regarder droit devant moi le plus loin possible pour réaliser le parallélisme
des axes oculaires, etc.
Mais tous ces moyens n'étaient nullement
nécessaires bientôt je n'eus qu'a évoquer mon expérience au bord de la Moldau
pour voir les images se former de nouveau dans l'espace devant mes yeux. Peu de
temps après, j'eus aussi des visions en couleurs d'une telle splendeur et d'un
tel éclat et animées d'une telle vie qu'elles m'aidèrent à traverser bien des
heures difficiles de mon existence.
Jamais lors de visions je ne tombai dans
des rêveries ou autres états de conscience inférieurs à l'état normal de
veille. Les visions dont il s'agit ne dépendent pas de notre libre arbitre ;
elles apparaissent selon le bon plaisir d'une volonté qu'il n'est pas en notre
pouvoir de manifester, bien que ce soit assurément notre volonté et non point
la manifestation d'une puissance extérieure, d'un « Dieu » ou de quelque nom
qu'on l'appelle...
C'est cette faculté de voyance qui fut la
cause première de mon activité d'écrivain ; l'impulsion extérieure mentionnée
au début de cet article ne fit que mettre en marche le mouvement d'horlogerie
remonté. Les idées qui me poussèrent à écrire des histoires fantastiques furent
toujours, au début, des images, des situations ou des personnages aperçus en
vision, qui constituèrent le noyau autour duquel je construisais mes nouvelles.
Bref, j'avais appris à penser par images.
Je puis mentionner en passant que très
souvent j'ai eu des visions qui me donnaient symboliquement ou ouvertement des
avertissements, des conseils ou des enseignements. »
Gustav Meyrink
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