mercredi 27 octobre 2010

Ainsi parlait Hermann Hesse


Parvenir à soi-même

« Les hommes se réfugient les uns auprès des autres parce qu'ils ont peur les uns des autres. »

Hermann Hesse

Hermann Hesse (né le 2 juillet 1877 à Calw, Allemagne; mort le 9 août 1962 à Montagnola, Suisse) était un romancier, poète, peintre et essayiste allemand puis suisse. Il a obtenu le prix Goethe, le prix Bauernfeld en 1905 et le Prix Nobel de littérature en 1946.
Il est notamment connu pour ses romans initiatiques, dont la trilogie composée par les romans « Demian », « Siddhartha » et « Le loup des steppes ».



« (...) Pour un homme conscient, il n'était aucun, aucun autre devoir de se chercher soi-même, de s'affirmer soi-même, de trouver en tâtonnant son propre chemin, quel qu'il fût.

La vraie mission de chaque homme était celle-ci : parvenir à soi-même. Qu'il finisse poète ou fou, prophète ou malfaiteur, ce n'étais pas son affaire ; oui, c'était en fin de compte dérisoire ; l'important, c'était de trouver sa propre destinée, non une destinée quelconque, et de la vivre entièrement. Tout le reste était demi-mesure, échappatoire, fuite dans le prototype de la masse et peur de son propre moi. L'idée nouvelle, terrible et sacrée, se présenta à mon esprit, tant de fois pressentie, peut-être souvent exprimée déjà, mais vécue seulement en ce moment même. J'étais un essai de la nature, un essai dans l'incertain, qui, peut-être, aboutirait à quelque chose de nouveau, peut-être à rien ; laisser se réaliser cet essai de sein de l'Inconscient, sentir en moi sa volonté, la faire entièrement mienne, c'était là ma seule, mon unique mission.

(...) Or, celui qui, véritablement, ne veut rien d'autre que sa destinée, n'a plus de semblables ; il reste seul, comme Jésus à Gethsémani, entouré seulement des espaces glacés de l'univers. Il y a eu des martyrs qui se sont fait crucifier volontiers, mais ils n'étaient pas des héros. Ils n'étaient pas délivrés. Ils voulaient quelque chose de cher et d'intime. Ils avaient un modèle ; ils avaient un idéal. Mais celui qui ne veut que sa destinée n'a plus ni modèle, ni idéal, ni rien de cher et de consolant autour de lui. Et ce serait ce chemin-là qu'il faudrait prendre. Des hommes comme vous et moi sont bien solitaires, mais ils possèdent le compensation secrète d'être autres, de se rebeller, de vouloir l'impossible. A cela aussi il faut renoncer quand on veut parcourir son chemin jusqu'au bout. Il faut arriver à ne vouloir être ni un révolutionnaire, ni un exemple, ni un martyr. C'est inconcevable.

Oui, c'était inconcevable, mais on pouvait en rêver, on pouvait le pressentir. Parfois, dans mes heures de solitude, j'en avais l'avant-goût. Alors je regardais en moi et je voyais l'image de ma destinée. Je contemplais ses yeux fixes. Qu'ils fussent pleins de sagesse ou de folie, qu'ils exprimassent l'amour ou la perversité la plus profonde, peu importait. Il ne fallait rien choisir, rien vouloir. Il ne fallait vouloir que soi, que sa propre destinée. »

Extrait de « Demian »

Hermann Hesse (1877 – 1962) est notamment connu pour ses romans initiatiques, dont la trilogie composée par les romans « Demian », « Siddhartha » et « Le loup des steppes ».

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