"Les amants" de René Magritte
L’Amour n’est pas de ce monde
« L'amour est au monde pour l'oubli du monde. »
Paul Eluard
Il suffit de dire « je t’aime » pour n’être plus le même. L’avez-vous remarqué, c’est comme aux échecs, le premier qui se livre devient le plus fragile, et souvent le piège se referme sur lui, efficacement et sans répit, parce qu’il s’est mis à nu. En amour comme ailleurs, partout sur cette terre, c’est l’instinct de prédation qui dicte sa loi.
L’amour, le véritable amour, auquel nous aspirons tous, n’est malheureusement pas de ce monde ; c’est un souvenir fugitif d’un ailleurs à jamais perdu.
Car l’Amour est du domaine de l’âme et n’a que faire du choc des personnalités, et de leurs ego, qui sont le propre des amours ordinaires qui meublent notre quotidien. Seulement voilà, sauf rencontre karmique programmée, il est très difficile de repérer et de rencontrer notre véritable âme-sœur, et réciproquement.
Et, même en cas de rencontre, il se peut que l’âme-sœur soit aveuglée par sa personnalité et ne laisse pas à son âme la possibilité de s’exprimer. En fait, il ne faut pas se leurrer, à moins que la rencontre soit préétablie par leurs contrats de vie, il y a autant de chance de retrouver son âme-sœur incarnée que celle de retrouver une aiguille dans une meule de foin.
Et si, par exception, vous la retrouvez, encore faut-il que les deux êtres aient conscience de leur statut pour se reconnaître et échapper aux illusions de notre monde. Tout se passe comme dans un processus triangulaire : imaginez un triangle isocèle dont les deux angles obtus représentent « Moi » et « Toi » et dont l’angle aigu représente « Nous » ; tant que vous n’aurez pas réussi à refermer les deux angles obtus par la mise en place de l’angle aigu, il n’y aura pas d’Amour possible, car chacun tirera de son côté pour alimenter son ego, au détriment de l’autre.
En fait, la personnalité n’a guère besoin de l’Amour spirituel, mais bien plus d’un amour tout-à-fait ordinaire qui lui permette de se nourrir de l’autre, en y puisant ce qui lui plait, sans jamais se remettre en question ; c’est un peu comme dans l’amour physique, même quand il est équilibré, on monte, on monte… et on s’aperçoit qu’on arrive nulle part parce qu’en fait on n’a jamais décollé ; on est toujours resté au niveau des pulsions, des plaisirs, des phantasmes, bref des illusions de l’ego qui ne seront jamais libératrices et réalisatrices.
Par contre, le jour où le Moi et le Toi s’effaceront pour se fondre, ensemble, dans le Nous, alors nous assisterons à la naissance d’un véritable Amour, frappé au sceau de l’éternité, au-delà de nos renaissances et de nos karma respectifs.
Pour en arriver là, il faut savoir et vouloir jeter les masques, et se reconnaître enfin.
Sinon tout n’est que comédie, ou tragédie, pauvrement humaine, et sans issue.
« Je voudrais pas crever
Avant d'avoir usé
Sa bouche avec ma bouche
Son corps avec mes mains
Le reste avec mes yeux. »
Boris Vian
« Il n'y a pas d'amour qui ne soit à douleur
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l'amour de la patrie
Il n'y a pas d'amour qui ne vive de pleurs
Il n'y a pas d'amour heureux
Mais c'est notre amour à tous les deux »
Louis Aragon
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