lundi 4 janvier 2010

Ainsi parlait Steve Jourdain


Steve Jourdain : le saut dans l'éveil


Stephen Jourdain, né le 8 janvier 1931 et mort le 19 février 2009, est un écrivain français, auteur d'ouvrages sur l'éveil spirituel.


Sa production littéraire gravite autour de cette expérience d'éveil spirituel qu'il eut à l'âge de 16 ans. Il côtoya le groupe Tel Quel, fut un temps agent immobilier à Paris 14e avant d'aller vivre en Corse.


"Chaque homme, je le suppose, une fois au moins dans son existence, est tombé en arrêt, comme foudroyé, devant ce mystère des mystères : mon être intérieur s’apparaissant à lui-même. Devant le phénomène de la conscience. Je me sais !!! »


« – On dit que la « réalisation » est une seconde naissance. C'est celle de la créature humaine, de l'humble moi humain ? – « L’éveil » est venu et il n’est rien resté de l’homme que j’étais jusqu’à ce que cette lame coupe net le fil de ma vie. Cette humanité-là a été consumée, anéantie, dans sa trame et dans son écume. Ce que j’appelais « mon esprit », que j’étais et pratiquais avec une rare ardeur, et ce moi pensant, voulant, qui en était l’habitant, et que je considérais comme le fin du fin, l’indépassable performance, en matière d’intériorité – tout ceci a rejoint le néant des rêves que l’éveil foudroie. Et quelque chose d’entièrement neuf, de totalement inédit, est né. Et cette chose flamboyait comme Dieu. En fait, si j’élimine du mot tous les sens qui lui sont étrangers et le parasitent, je dois dire que j’avais bien affaire à Dieu et à ses feux inouïs … Ce qui venait de naître, de naître des cendres de l’homme, était Dieu. Quelle commotion, Dieu ! Quelle commotion que d’apercevoir le visage de Dieu ! … Quelle commotion que d’apprendre que les traits divins sont ceux de l’homme ! »


« L’éveil » est je, moi, « un sujet sans yeux voyant, sans lumière, un objet sans apparence qui n’est autre que ce sujet voyant, se voyant. Ceci, à bout portant ». « Je » s'engendre lui-même. « Je » est cause pure de soi. »


« Pas de mots pour parler de la valeur atteinte dans cette conscience de soi ; pour dire l’immensité présente en elle ; pour suggérer la dimension de l’évènement qu’est son jaillissement, la révolution qu’elle introduit à la racine même de l’expérience d’exister, le bouleversement qu’elle apporte dans la conception de la réalité. Pas de mots non plus pour évoquer le degré de la certitude éprouvée, par celui qui vit cette conscience, de l’impossibilité de s’enfoncer plus loin qu’ici vers le cœur et la vérité de l’existence - sa conviction de connaître l’ultime accomplissement de la vie ».


Extrait de Stephen Jourdain « L’homme et la connaissance »
 
L’éveil
C’était le soir, j’étais dans ma chambre, allongé dans l’obscurité, et je tournais et retournais dans ma tête depuis un long moment, probablement depuis une demi-heure, la petite phrase du Cogito de Descartes: “Je pense, donc je suis”. Il m’avait semblé, dans les jours précédents, entrevoir une prodigieuse vérité dans cette petite phrase, et j’essayais de retrouver cette vérité entrevue dans un éclair. Je réfléchissais depuis très longtemps, en me répétant inlassablement: “je pense, donc je suis”, et en faisant chaque fois le voyage depuis la réalité vivante qui en moi-même correspondait à “je pense” et “je suis” jusqu’à ce que ces mots, pour les charger, dans la petite phrase, de leur vrai sens. En m’efforçant de penser le Cogito avec ma vie. C’était un travail très difficile, j’étais épuisé, le déclic qui m’aurait révélé la signification mystérieuse de la phrase ne se produit pas, mais, à un certain moment, un autre déclic, que je n’attendais pas, a dû jouer.

[Un ressort secret qui devait être enfoui dans la conscience humaine depuis la Création, qui attendait son heure et que je viens d’effleurer par hasard.].

Et l’événement s’est produit, avec une soudaineté surnaturelle.

Et tout d’un coup je me suis retrouvé dans un avant, un commencement insoupçonné de moi-même, veillant d’une veille sans limite, me sachant — et me sachant me sachant — et me sachant me sachant me sachant: à l’infini, et m’éprouvant totalement identique à cette veille, cet abîme d’auto-conscience, qui n’était point chose qui m’était donnée, mais au contraire qu’essentiellement je ne subissais pas, faisais moi-même brûler.

(Et puis vlan! Quelque divinité, dans le royaume métaphysique, a tripoté un bouton, je me suis retourné comme un gant, et déjà cette chose insensée était là au milieu de moi, comme un membre vivant à la place d’une prothèse.)

A brûle-pourpoint, je glisse dans une lucidité sans nom, achèvement inouï de l’aurore qu’on nomme conscience de soi. Cette lumière n’est pas un état passivement subi: c’est un acte que désormais je sais accomplir. Elle n’est point non plus, à proprement parler, une expérience que je fais: elle est moi, elle est exactement Steve Jourdain"


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