lundi 15 novembre 2010

Morceaux choisis - L. Tolstoï

Léon Tolstoï






« Qui sait, il se peut que la vie soit la mort et que la mort soit la vie. »

 Euripide





« Sois sage, ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille.

 - Tu réclamais le soir; il descend, le voici:

- Une atmosphère obscure enveloppe la ville,

- Aux uns portant la paix, aux autres le souci. »

Les Fleurs du Mal (1857)

 Recueillement

Charles Baudelaire



« Soudain, une force inconnue le frappa violemment à la poitrine, au côté, et lui coupa la respiration; il culbuta dans le trou, et là-bas, tout au fond, quelque chose brilla. Il ressentit ce qu'il avait naguère éprouvé en wagon, lorsqu'on s'imagine qu'on avance tandis qu'on recule et que brusquement on reconnaît la vraie direction.



« Oui, ce n'était pas cela du tout, se dit-il. Mais ce n'est rien. Cela peut encore se faire. Quoi cela?» se demanda-t-il; et soudain il s'apaisa.



Il chercha sa terreur accoutumée et ne la trouva plus.

 «Où est-elle? Quelle mort?»

Il n'avait plus peur, parce que la mort aussi n'était plus.



Et tout à coup il perçut clairement que ce qui le tourmentait et ne voulait pas s'évacuer, que tout s'évacuait en même temps, de deux côtés, de dix côtés, de tous les côtés. ..

- Comme c'est bien et comme c'est simple, - Pensa-t-il. - Mais la douleur ? - Se demanda-t-il ? - Où est-elle allée ? Eh bien, douleur, où es-tu ?

Il prêta l'oreille.

- Oui, la voilà. Soit, c'est la douleur, et puis ?

Mais la mort ? Où est-elle ?



Il chercha sa peur habituelle de la mort et ne la trouva pas. Où était-elle ? Quelle mort ? Il n'y avait plus de peur parce qu'il n'y avait plus de mort.

A la place de la mort il y avait la lumière.



- Voilà ce que c'est ! - Dit-il soudain à voix haute - Quelle joie !

Au lieu de la mort, il voyait la lumière.



Tout cela pour lui se produisit en un instant, et la signification de cet instant ne changea plus. Mais pour ceux qui l'entouraient, son agonie dura encore deux heures. Des râles s'échappaient de sa poitrine; son corps décharné tressaillait. Puis, peu à peu, les sursauts et les râles s'espacèrent.



- C'est fini! dit quelqu'un.



Il entendit ces paroles, les répéta en son âme.

 «Finie la mort! se dit-il. Elle n'est plus.»



Il aspira l'air profondément: n'acheva pas son aspiration, se raidit et mourut. »



Extrait de « La mort d’Ivan Illitch »

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