Portrait de Nerval par Nadar
« Il me semble que je suis mort et que j’accomplis une deuxième vie. »
Les mains de Nerval
« Les mains sont immobiles ; plus pensives que la pensée, veuves comme peut les laisser, abandonnées, un regard tellement empli de visions qu'il ne descend plus vers elles ; blanches et grandes, on les devine, belles aussi d'une force solide, mais tristes, relâchées dans une sorte de mouvement poignant de mélancolie, de total renoncement sous la puissance ravageuse de l'angoisse ; les genoux les supportent comme des étrangères et elles restent là, vaguement croisées, silencieuses et recueillies, vieilles habituées des prières muettes. Un cigare oublié entre le pouce et l'index, le bout encore humide, que le fumeur distrait aura laissé s'éteindre, semble pourtant dans sa sombre raideur être moins une «chose» que les doigts. On ne sait pas pourquoi, mais il évoque une chambre vide et ce silence particulier des objets, ce mutisme volontaire des choses, maintenant que celui qui les touchait n'est plus là, ne reviendra jamais. Dieu sait pourtant que ce sont les mains de quelqu'un, ces mains posées, qui se reposent, dirait-on avec une patience énorme, avec une confiance immense dans l'univers de l'éternité, comme si elles n'étaient déjà plus les mains de personne, bien que vivantes manifestement et longtemps employées, toujours utilisables. Des mains qui n'ont pas d'expression autre que la bonté ; des mains extraordinairement charitables, qu'on sent faites uniquement pour donner. De rudes mains compatissantes, sur lesquelles ont passé de terribles hivers, peut-être pas expertes mais dévouées comme on devine que le sont les sœurs hospitalières. Quelque chose de sacerdotal y retient la lumière, et la sincérité qui s'en dégage, exempte de toute onction, leur loyauté humaine et leur simple noblesse, les humbles marques de leur pauvreté ne laissent pas de faire songer aux terrestres fonctions du hiérophante d'Eleusis. Ce ne sont pas les mains d'un prêtre ; ce ne sont pas les mains d'un saint ; ce sont les douloureuses mains d'un homme qui est entré dans le mystère en se battant de toutes ses forces, et contre les fantômes et avec les esprits; quelqu'un qui est allé si loin dans les apprentissages de la solitude, qu'il a pu, quelquefois, connaître les secrets de la plus haute vérité, éprouver l'harmonie absolue et mêler un instant les battements de sa vie temporelle à l'élan infini de l'existence universelle. »
Armel Guerne, Au bout du Temps, Solaire, 1981
Paradoxe et vérité
« Le dernier mot de la liberté, c’est l’égoïsme. »
«Je crois que l'imagination humaine n'a rien inventé qui ne soit vrai, dans ce monde ou dans les autres.»
«Dans les rêves, on ne voit jamais le soleil, bien qu'on ait souvent la perception d'une clarté beaucoup plus vive. Les objets et les corps sont lumineux par eux-mêmes.»
«La vertu, chez les uns, c'est peur de la justice ; chez beaucoup c'est faiblesse ; chez d'autres, c'est calcul.»
«Le désespoir et le suicide sont le résultat de certaines situations fatales pour qui n'a pas foi dans l'immortalité, dans ses peines et dans ses joies.»
«L'avenir est un fantôme aux mains vides qui promet tout et qui n'a rien.»
«Dans l'affection que je vous porte, il y a trop de passé pour qu'il n'y ait pas beaucoup d'avenir.»
«La mélancolie est une maladie qui consiste à voir les choses comme elles sont.»
«Tout est dans la fin.»
«Que de gens que l’on croit heureux et qui sont au désespoir.»
«Notre passé et notre avenir sont solidaires. Nous vivons dans notre race et notre race vit en nous.»
«La pensée se glace en se traduisant en phrases.»
«Le premier qui compara la femme à une rose était un poète, le second un imbécile.»
«Les illusions tombent l’une après l’autre, comme les écorces d’un fruit, et le fruit, c’est l’expérience. Sa saveur est amère.»
«Il est des gens qui crient très haut qu'ils n'ont jamais voulu se vendre ; c'est peut-être qu'on ne se serait jamais soucié de les acheter.»
«Les âmes sont les idées de Dieu.»
«Le sommeil occupe le tiers de notre vie. Il est la consolation des peines de nos journées ou la peine de leurs plaisirs ; mais je n'ai jamais éprouvé que le sommeil fût un repos.»
« Je suis l’autre. »
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