mercredi 17 juin 2009

Morceaux choisis - Hégésippe Moreau



Hégésippe Moreau

Hégésippe Moreau est un écrivain, poète et journaliste français, né et décédé à Paris (8 avril 1810 - 20 décembre 1838).

Ce poète connut la vie la plus misérable. Orphelin à 13 ans, il est placé au séminaire de Meaux. Après un emploi de correcteur dans une imprimerie de Provins, il se retrouve en 1830 sur les barricades. Une fois passée la révolution, le voilà sans emploi et sans domicile. Il fonde à Provins un journal satirique Diogène . Contraint de fuir à Paris, il termine sa vie dans une chambre de l'hôpital de La Charité, il n'a que 28 ans.

Moreau fonda Némésis, un journal en vers. Il publia un volume de poésies intitulé Le Myosotis et, en prose, il écrivit Le Gui de chêne, La Souris blanche, Les Petits souliers, Thérèse Sureau et Le Neveu de la fruitière. Sa vie fut marquée par la pauvreté, la faim et le désespoir.

Dix-huit ans

J’ai dix-huit ans : tout change, et l’Espérance

Vers l’horizon me conduit par la main.

Encore un jour à traîner ma souffrance,

Et le bonheur me sourira demain.

Je vois déjà croître pour ma couronne

Quelques lauriers dans les fleurs du printemps ;

C’est un délire… Ah ! qu’on me le pardonne ;

J’ai dix-huit ans !

Hégésippe Moreau (1810 - 1838) - Poésies

Chagrin d’automne

Les lignes du labour dans les champs en automne
Fatiguent l'œil, qu'à peine un toit fumant distrait,
Et la voûte du ciel tout entière apparaît,
Bornant d'un cercle nu la plaine monotone.

En des âges perdus dont la vieillesse étonne
Là même a dû grandir une vierge forêt,
Où le chant des oiseaux sonore et pur vibrait,
Avec l'hymne qu'au vent le clair feuillage entonne !

Les poètes chagrins redemandent aux bras
Qui font ce plat désert sous des rayons sans voile
La verte nuit des bois que le soleil étoile ;

Ils pleurent, oubliant, dans leurs soupirs ingrats,
Que des mornes sillons sort le pain qui féconde
Leurs cerveaux, dont le rêve est plus beau que le monde !

Sur la mort d’une cousine de sept ans

Hélas, si j’avais su, lorsque ma voix qui prêche
T’ennuyait de leçons, que, sur toi, rose et fraîche,
Le noir oiseau des morts planait inaperçu
Que la fièvre guettait sa proie, et que la porte
Où tu jouais hier te verrait passer morte…
Hélas ! si j’avais su !…

Je t’aurais fait, enfant, l’existence bien douce ;
Sous chacun de tes pas j’aurais mis de la mousse ;
Tes ris auraient sonné chacun de tes instants ;
Et j’aurais fait tenir dans ta petite vie
Des trésors de bonheur immense… à faire envie
Aux heureux de cent ans !

Loin des bancs où pâlit l’enfance prisonnière,
Nous aurions fait tous deux l’école buissonnière
Dans les bois pleins de chants, de parfum et d’amour ;
J’aurais vidé leurs nids pour emplir ta corbeille ;
Et je t’aurais donné plus de fleurs qu’une abeille
N’en peut voir dans un jour.

Puis, quand le vieux Janvier les épaules drapées
D’un long manteau de neige, et suivi de poupées,
De magots, de pantins, minuit sonnant, accourt ;
Au milieu des cadeaux qui pleuvent pour étrenne,
Je t’aurais fait asseoir comme une jeune reine
Au milieu de sa cour.

Mais je ne savais pas… et je prêchais encore ;
Sûr de ton avenir, je le pressais d’éclore,
Quand tout à coup, pleurant un pauvre espoir déçu,
De tes petites mains je vis tomber le livre ;
Tu cessas à la fois de m’entendre et de vivre…
Hélas, si j’avais su !

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