lundi 15 février 2010

Il faut souffrir pour être vrai



« Vision », peinture d’Ophoemon


Il faut souffrir pour être vrai


« Et nul ne se connaît tant qu'il n'a pas souffert. »
A. de  Musset

«La pire souffrance est dans la solitude qui l’accompagne.»
Extrait de « La Condition humaine »  d’André Malraux


Chacun de nous connaît la souffrance, pour l’avoir plus ou moins souvent, rencontrée dans sa vie. Que ce soit sous sa forme physique, avec la douleur qui l’accompagne, ou sous sa forme psychique, allant de la déprime à la dépression, tout le monde sait de quoi l’on parle, chacun est capable de la décrire à travers des exemples vécus.

Mais si chacun croit connaître sa nature, sous les différentes formes qu’elle revêt, qu’en est-il de son sens, de sa signification ?

La souffrance physique est un signal qui annonce une atteinte de l’organisme, soit une infection, soit une inflammation ; elle traduit une réaction de défense de notre corps face à une menace de son intégrité et elle s’exprime à travers le système nerveux qui la répercute au cerveau, le centre décisionnel. La douleur est une alerte transmise à l’être pour qu’il puisse adopter les mesures utiles ou nécessaires au traitement de l’affection et, si possible, à sa guérison. C’est une manifestation de l’instinct de conservation élaborée pour nous permettre de prendre conscience d’un risque que nous encourons et de trouver les solutions pour y mettre un terme.

La souffrance psychique, elle, est plus difficile à cerner, plus insidieuse et plus tenace. Ne disposant pas d’un signal aussi vif que la douleur physique, elle s’installe de façon durable, sans que l’être qui en est victime en prenne conscience avant d’atteindre un certain palier dans son intensité.
Elle provoque un dysfonctionnement du système émotionnel en inversant progressivement son sens d’action. Par définition, l’émotion est tournée vers l’extérieur, vers les rapports avec l’autre et les satisfactions ou sentiments qui en découlent ; sous l’emprise de la souffrance psychique, l’être retourne le regard vers lui-même et s’isole dans un sentiment de manque, de vide qui devient progressivement obsessionnel et inhibe toute faculté d’action de résistance.

Mais au-delà de sa nature ambigüe, la souffrance psychique révèle également un sens réel d’auto-information et de prise de conscience de soi. Tout comme dans la douleur, le système nerveux alerte le cerveau, ici c’est plutôt l’âme qui prévient le cerveau, en inversant le sens de réaction du système émotionnel, pour lui signifier qu’il fait fausse route.

On n’est plus dans l’expression d’un système immunitaire biologique, mais dans celle d’une communication extrasensorielle avec soi-même. Là les choses se corsent, pensez-vous et deviennent difficiles à suivre…

Pas tant que ça.
Regardons, de plus prés, comment les choses se passent dans notre vie ordinaire quotidienne. Tous les jours, nous faisons des choix, nous posons des actes, pris par le rythme intrépide qui nous est imposé, sur les plans sentimental, familial, professionnel ou personnel ; bien trop souvent nos décisions correspondent à des réponses réflexes, prises dans la précipitation, ou la routine, sans véritable analyse ou réflexion sur nos vraies motivations. Et, ainsi de suite, vague après vague, nous nous laissons emporter par le flot.

Le cerveau n’en prend pas conscience dans la mesure où il ne perçoit pas de risque, de danger ou de déséquilibre vital ; il fait son travail d’intelligence, il agence des rapports, propose des solutions, les exécute dans le souci de préserver l’équilibre vital de l’être, ce qui correspond à sa vocation.

Le cerveau fait en sorte de privilégier le bien vivre ; mais qu’en est-il du bien exister ?
L’existence de l’être relève de la compétence de l’âme qui n’a pas de pouvoir direct sur le cerveau et qui va manifester son mécontentement de façon indirecte.

En court-circuitant le réseau des émotions, elle va obliger l’être à aller chercher au fond de son for intérieur les raisons de ses erreurs afin qu’il puisse les corriger et rectifier une trajectoire qui, aux yeux de l’âme, s’avère compromise.

Le processus de la souffrance se déroule alors sur fond d’isolement et de vacuité ; il faut faire le vide en soi et, dans la confrontation à la solitude, chercher et trouver ce qui ne va pas.
Cette souffrance nous est nécessaire pour redresser notre chemin de vie, nous recentrer spirituellement et retrouver le sens de notre vocation.
Son action peut être plus ou moins longue selon le temps qu’il faut à chacun pour arriver enfin à voir clair en lui ; elle doit lui permettre de se construire sur les bases de la vérité spirituelle et d’abandonner les illusions factices de ce monde artificiel dans lequel nous vivons. Plus c’est long et plus nous souffrons, plus l’intensité de notre souffrance va augmenter ; et si nous ne trouvons pas, ou si nous abandonnons la recherche, bientôt apparaîtront des maladies psychosomatiques, que nous fabriquerons nous-mêmes à défaut de nous libérer.

En fait, nous n’avons pas le choix : soit nous acceptons cette souffrance pour nous en libérer, soit nous persistons et allons la développer jusqu’à ce qu’elle devienne mortelle. L’âme ne peut que suivre la voie du bien, du bon, du vrai, et tant que nous refuserons d’entendre sa voix, la souffrance sera notre lot.

L’être est modelé par la souffrance comme l’acier est forgé dans le feu.

"Si quelqu'un me guérit et me retire mon mal, j'entends aussi qu'il me hisse au niveau de conscience que j'aurais atteint si j'avais moi-même résolu ce que ce mal devait m'apprendre.

Sinon, s'il me laisse dans le même état de conscience après m'avoir retiré mon mal, il me vole l'outil de ma croissance que peut être cette maladie."

Y. Amar


«On ne peut communiquer même avec la mort...
C'est le plus difficile, mais peut-être est-ce le sens de la vie...»
Extrait de « La Condition humaine » d’André Malraux

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