mardi 16 février 2010

Morceaux choisis - G. de Nerval


« Ne m’attends pas ce soir, car la nuit sera noire et blanche. »



Une allée du Luxembourg

Elle a passé, la jeune fille
Vive et preste comme un oiseau
À la main une fleur qui brille,
À la bouche un refrain nouveau.
C’est peut-être la seule au monde
Dont le cœur au mien répondrait,
Qui venant dans ma nuit profonde
D’un seul regard l’éclaircirait !
Mais non, — ma jeunesse est finie...
Adieu, doux rayon qui m’a fui, —
Parfum, jeune fille, harmonie...
Le bonheur passait, — il a fui !

 
La Grand-Mère
Voici trois ans qu’est morte ma grand-mère,
— La bonne femme, — et, quand on l’enterra,
Parents, amis, tout le monde pleura
D’une douleur bien vraie et bien amère.
Moi seul j’errais dans la maison, surpris
Plus que chagrin ; et, comme j’étais proche
De son cercueil, — quelqu’un me fit reproche
De voir cela sans larmes et sans cris.
Douleur bruyante est bien vite passée :
Depuis trois ans, d’autres émotions,
Des biens, des maux, — des révolutions, —
Ont dans les cœurs sa mémoire effacée.
Moi seul j’y songe, et la pleure souvent ;
Depuis trois ans, par le temps prenant force
Ainsi qu’un nom gravé dans une écorce,
Son souvenir se creuse plus avant !

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