lundi 14 décembre 2009

Le frôlement du "il y a", c'est l'horreur

« Le frôlement de l’il y a, c’est l’horreur. »

Emmanuel Levinas




Dans « De l’existence à l’existant » Lévinas présente la notion de « l'il y a... »

« Il y est question de ce que j’appelle l’ « il y a ».
[...] Ma réflexion sur ce sujet part de souvenir d’enfance. On dort seul, les grandes personnes continuent la vie ; l’enfant ressent le silence de sa chambre à coucher comme « bruissant » [...] Quelque chose qui ressemble à ce que l’on entend quand on approche un coquillage vide de l’oreille, comme si le vide était plein, comme si le silence était un bruit. [...]
J’insiste en effet sur l’impersonnalité de l’« il y a » ; « il y a », comme « il pleut » ou « il fait nuit ». Et il n’y a ni joie ni abondance : c’est un bruit revenant après toute négation de bruit. Ni néant, ni être. J’emploie parfois l’expression : le tiers exclu. On peut dire de cet « il y a » qui persiste que c’est un événement d’être. On ne peut dire non plus que c’est le néant, bien qu’il n’y ait rien. De l’existence à l’existant essaie de décrire cette chose horrible, et d’ailleurs la décrit comme horreur et affolement.
L’enfant qui sur son lit sent durer la nuit fait une expérience de l’horreur… »


Quand l’impersonnel est loi, l’être perd sa foi.

C’est un espace sans sujet, un indivis perpétuel ; l’irruption de l’irréalité dans la réalité. Le « il y a » confère à l’inconnu, le non-identifié une existence certaine qui nous inquiète, nous angoisse en remettant en cause notre supériorité à tout connaître, tout classifier, autour de nous.

Cette expression impersonnelle, anonyme, introduit le néant lui-même dans l’être. Elle traduit l’impossibilité d’identification de l’autre, qui nous concerne et nous échappe, et par là menace notre existence.

En ce sens, nous nous trouvons confrontés avec cette expression avec la notion même du fantastique, à savoir l’irruption de l’inconnu dans notre quotidien habituel, estampillé, reconnu et rassurant.


Dire « il y a », c’est exprimer que l’on méconnait l’origine de l’événement qui se produit, et par là sa cause et ses conséquences. C’est constater l’irruption du mystère dans le rationnel et donc introduire le doute dans sa toute puissance sanctifiée dans nos civilisations occidentales modernes.

Il y a des entités qui se manifestent, des sensations de plus en plus acérées, des visions multidimensionnelles…


Dans la recherche spirituelle, et dans l’éveil qui s’en suit, le sujet est confronté à des manifestations de l’inconnu qui le dépassent. Il y a quelque chose qui se passe qui sort de l’ordinaire, qui prouve l’existence de phénomènes pour lesquels nous n’avons été ni éduqués, ni préparés.

« Il y a » devient alors le révélateur du secret, la formule sacrée de l’initié, l’indicateur de l’expansion de la conscience. Et rapidement, le « il y a » se métamorphose en « je suis » quand l’être assimile qu’il est lui-même l’essence qui crée et matérialise les énergies de l’existant.


« Lorsque les formes des choses sont dissoutes dans la nuit, l'obscurité de la nuit, qui n'est pas un objet ni la qualité d'un objet, envahit comme une présence. Dans la nuit où nous sommes rivés à elle, nous n'avons affaire à rien. Mais ce rien n'est pas celui d'un pur néant. Il n'y a plus ceci, ni cela ; il n'y a pas quelque chose. Mais cette universelle absence, est à son tour, une présence, une présence absolument inévitable […]. Ce qu'on appelle le moi, est, lui-même, submergé par la nuit, envahi, dépersonnalisé, étouffé par elle. La disparition de toutes choses, et la disparition du moi, ramène à ce qui ne peut disparaître, au fait même de l'être auquel on participe, bon gré mal gré, sans en avoir pris l'initiative, anonymement. »

Extrait de « De l’existence à l’existant »

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