lundi 14 décembre 2009

Ainsi parlait N. Berdiaev



Nicolas Berdiaev


Nicolas Berdiaev, né le 19 mars 1874 à Kiev (Ukraine), et décédé le 24 mars 1948 à Clamart (France), est un philosophe russe de langue russe et française.


Marxiste convaincu à partir de 1900, il s'en détourne après la révolution bolchévique de 1917. Professeur à l'université de Moscou, il doit fuir la Russie en 1922. En 1924, il transfère à Paris l'Académie de philosophie et de religion qu'il avait fondée à Berlin.

« Il est impossible de définir rationnellement l’esprit, ce serait là pour la raison une vaine tentative. Une telle définition tue l’esprit, le transforme en objet, tandis qu’il est sujet. On ne peut élaborer un concept de l’esprit.

Mais on peut saisir les caractères de l’esprit. On peut dire que la liberté, le sens, l’activité créatrice, l’intégralité, l’amour, la valeur, la tendance vers un monde supérieur et divin et l’union avec celui-ci figurent parmi ces caractères. Cette série de caractères englobe le pneuma de l’Écriture Sainte et le nous de la philosophie grecque. En tant que l’esprit est liberté, le spirituel se caractérise principalement par son indépendance par rapport aux déterminations de la nature et de la société. L’esprit s’oppose avant tout au déterminisme.

L’esprit est l’intérieur par rapport à l’extérieur, à tout ce qui dépend de l’extérieur. L’intérieur est le symbole de l’esprit. On peut également définir le caractère de l’esprit par des symboles spatiaux: profondeur et hauteur. L’esprit est profondeur infinie et hauteur céleste. On ne peut, comme le fait Max Scheler, retirer l’activité à l’esprit pour la conférer uniquement à la vie. L’esprit, précisément, est activité; quant à la vie au sens biologique de ce mot, elle est passivité. Mais Scheler comprend parfaitement que l’esprit n’est pas un épiphénomène de la vie, qu’on ne saurait le comprendre d’une manière vitaliste.

L’esprit est une évasion hors de ce monde alourdi, il représente l’élément dynamique, créateur, une sorte d’envol. Pic de la Mirandole affirme que l’esprit humain est d’origine céleste, c’est-à-dire qu’il ne provient pas du monde naturel. L’esprit ne serait pas déterminé par le monde naturel, il échapperait à celui-ci. C’est l’esprit qui fait de l’homme l’image de Dieu. L’esprit est l’élément divin dans l’homme. Et c’est grâce à l’esprit que l’homme peut accéder aux plus hautes sphères divines. L’esprit est l’acte créateur intégral de l’homme. L’esprit est la liberté qui se perd dans les profondeurs préontiques du monde. La liberté a la primauté sur l’être qui est une liberté déjà figée.


C’est pourquoi l’esprit ne peut se définir par l’être, qui a une forme complètement finie, qui est pour ainsi dire statique. C’est pourquoi l’esprit est l’acte créateur; l’esprit crée un être nouveau. L’activité créatrice, la liberté créatrice du sujet est primitive. Le principe de causalité ne s’applique ni à l’esprit, ni à la vie spirituelle.

L’esprit est de Dieu, et l’esprit mène à Dieu. L’homme reçoit tout de Dieu par l’esprit et c’est par l’esprit que l’homme donne tout à Dieu, qu’il multiplie les dons qu’il a reçus, qu’il crée ce qui n’existait pas auparavant. L’esprit vient de Dieu. L’esprit n’est pas créé par Dieu comme l’est la nature, il émane de Dieu, il est versé, insufflé par Dieu à l’homme."

(extrait de l’ouvrage « Esprit et réalité », 1937)

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