vendredi 20 février 2009

Morceaux choisis - José Maria de Heredia


José-Maria de Heredia (né José María de Heredia Girard 1842-1905) est un homme de lettres d'origine cubaine, naturalisé français en 1893. En tant que poète, c'est un des maîtres du mouvement parnassien, véritable joaillier du vers. Son œuvre poétique est constituée d'un unique recueil, Les Trophées, comprenant 118 sonnets qui retracent l'histoire du monde, comme Les Conquérants, ou qui dépeignent des moments privilégiés, comme Le Récif De Corail.


Les Conquérants


Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,

Fatigués de porter leurs misères hautaines,

De Palos de Moguer, routiers et capitaines

Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.

Ils allaient conquérir le fabuleux métal

Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,

Et les vents alizés inclinaient leurs antennes

Aux bords mystérieux du monde Occidental.

Chaque soir, espérant des lendemains épiques,

L’azur phosphorescent de la mer des Tropiques

Enchantait leur sommeil d’un mirage doré ;

Ou penchés à l’avant des blanches caravelles,

Ils regardaient monter en un ciel ignoré

Du fond de l’Océan des étoiles nouvelles.


Soleil couchant


Les ajoncs éclatants, parure du granit,

Dorent l’âpre sommet que le couchant allume ;

Au loin, brillante encor par sa barre d’écume,

La mer sans fin commence où la terre finit.

À mes pieds, c’est la nuit, le silence. Le nid

Se tait, l’homme est rentré sous le chaume qui fume ;

Seul, l’Angélus du soir, ébranlé dans la brume,

À la vaste rumeur de l’Océan s’unit.

Alors, comme du fond d’un abîme, des traînes,

Des landes, des ravins, montent des voix lointaines

De pâtres attardés ramenant le bétail.

L’horizon tout entier s’enveloppe dans l’ombre,

Et le soleil mourant, sur un ciel riche et sombre,

Ferme les branches d’or de son rouge éventail.

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